Bénédicte Saint-André

"Le gouvernement nous a assez trimbalés, ça suffit"

Les députés examinaient mercredi soir en séance publique la proposition de loi relative à la promotion des langues régionales présentée par le groupe socialiste. Seuls quatre articles sur sept ont été soumis au vote et adoptés, la séance ayant été levée à 1h30 du matin. On fait le point avec la députée Colette Capdevielle qui a participé activement au débat.

Colette Capdevielle ©DR
Colette Capdevielle ©DR

Seuls quatre articles ont pu être adoptés en séance. Ce texte a-t-il franchement des chances d'aboutir ?

Colette Capdevielle : Malheureusement, compte tenu de l’heure, nous n’avons pas pu finir l’examen du texte. Il manque trois articles et une vingtaine d’amendements à examiner. Il appartiendra à la Conférence des présidents de l'inscrire à nouveau à l’ordre du jour de l’Assemblée. Je ne doute pas que le groupe socialiste la proposera à nouveau en priorité dans les prochaines semaines. Puis nous ferons tout pour que cette proposition de loi soit inscrite sans délai au Sénat grâce à nos amis sénateurs et allons faire pression sur le gouvernement. 

S’il est vraiment décidé à mettre en œuvre la promesse de François Hollande, qu’il le montre. Face aux initiatives parlementaires fortes (proposition de loi constitutionnelle de Jean Jacques Urvoas, proposition de loi Molac, proposition de loi Le Houerou, travail du groupe d’études langues régionales…) le gouvernement nous a assez "trimbalés" pendant quatre ans. Aski, ça suffit. Et même si ce texte n'a que très peu de chance d'aboutir, je mettrai toutes mes forces pour le défendre jusqu'au bout.

Quelle a été la teneur des débats ?

C.C : Typique de la comedia parlementaire. Ils ont été tièdes en commission des affaires culturelles et bien plus animés en séance. Il faut dire que les jacobins purs et durs ont tout fait pour faire obstacle à ce texte. Et que le gouvernement n’a rien fait pour nous aider. On sent le mépris, la condescendance, au mieux l’indifférence des technocrates de l’Administration centrale à l’égard de cette question.

La droite était très peu mobilisée. Ses représentants doivent être embarrassés des positions hostiles de leur nouveau leader, François Fillon, qui n’a jamais rien fait à ce sujet ni en tant que Premier ministre de Nicolas Sarkozy ni en qualité de député. Pire, en 2014, il faisait même partie des rares parlementaires à voter contre la ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires et ce contrairement à ce que tente de nous faire croire madame Maider Arosteguy.

On est encore loin du consensus espéré en début du mandat. C’est pourquoi il faut se battre sur tout et tout le temps. Vous n’imaginez pas l’énergie à déployer pour négocier chaque mot, chaque disposition, en face d’élites parisiennes qui ne semblent pas vivre sur la même planète que nous.

Certains acteurs locaux craignent que l'article 1 constitue une menace pour l'OPLB en se cantonnant à un partenariat Etat-Région. Quelle est votre analyse ? 

C.C : L'article 1 constitue un progrès pour l’ensemble du territoire. Concrètement, il n’apporte rien de neuf au Pays Basque, qui a depuis bien longtemps su mettre en place des partenariats grâce à l’Office public de la langue basque (OPLB). Mais cet article 1 n'empêchera en rien de contractualiser avec d'autres collectivités -type EPCI- comme c'est le cas pour l'OPLB. Il ne sera donc en rien menacé.

L'article propose que des conventions puissent être signées entre l'Etat et les Régions, lesquelles prévoient que durant des horaires normaux, des enseignements obligatoires du premier et du second degrés soient dispensés en langue régionale. Cet article reprend à la lettre la solution corse qu'il propose d'étendre à l'ensemble du territoire.

De ce point de vue, c'est donc l'article 2 qui constituerait une réelle avancée pour le Pays Basque…

C.C : S’il ne fallait garder de ce texte qu’un article, ce serait en effet celui-là. Il est finalement assez révolutionnaire. Il consacre enfin le principe de l’enseignement immersif pratiqué ici depuis longtemps par Seaska. L'enseignement immersif sera désormais clairement reconnu dans la loi comme la forme d'enseignement la plus efficace pour l'apprentissage des langues régionales.

C'est une disposition très importante car elle nous permettra de généraliser les expérimentations en cours et de développer, au sein de l'école publique, des enseignements immersifs afin de former des locuteurs complets. Cela va dans le sens d'un récent rapport d'évaluation de l'Office public de la langue basque par une mission d’inspection interministérielle. 

En quoi consiste les amendements que vous avez préparé avec l'OPLB ?

C.C : Nous demandions entre autres la rédaction d'un rapport parlementaire sur le financement des écoles privées laïques par les collectivités, par exemple les ikastola. Contre toute attente, j’ai réussi à faire adopter cet amendement par mes collègues. Il faut que nous avancions sur ce point qui est un réel blocage.

Nous souhaitions aussi élargir à toutes les collectivités territoriales, et pas exclusivement aux seules régions, la possibilité d’installer une signalétique bilingue dans les infrastructures de transport. À titre d'exemple, il n'y a pas un mot de basque lorsque les passagers arrivent à l'aéroport de Biarritz Pays Basque... pas plus que dans les gares. C'est important car c'est la première et dernière image que nos visiteurs retiennent de leur séjour ! Avancée que nous avons également obtenue.

Au final, nous avons quand même réussi à faire bouger le texte en faisant adopter quatre de mes amendements.

Compte-rendu intégral de la séance, ici.