Bénédicte SAINT-ANDRÉ

Langues territoriales : Hamon, la charte et le Bergé

Mathieu Bergé est président de l'Office public de la langue basque. En tant que tel, il a fait remonter un certains nombre de propositions au candidat socialiste Benoît Hamon, qu'il soutient. 

Mathieu Bergé est conseiller régional et conseiller municipal dans l'opposition de Bayonne. © Gaizka Iroz
Mathieu Bergé est conseiller régional et conseiller municipal dans l'opposition de Bayonne. © Gaizka Iroz

Comment êtes-vous intervenu auprès de Benoît Hamon sur le sujet des langues territoriales ?

Mathieu Bergé : Comme tout élu qui appartient à une famille politique et qui est confronté à une échéance électorale, j'ai fait en sorte de partager mon expérience et mes convictions dans le domaine, au travers de propositions concrètes. Dans ce cas précis, mon travail a porté sur la sécurisation du cadre juridique et des parcours d'enseignement toutes filières confondues, bilingue à parité horaire ou immersif.

J'ai vraiment essayé d'avoir une approche pragmatique, car il s'agit au final d'obtenir des majorités pour voter des lois et des lignes budgétaires. Or, on connaît la sensibilité du domaine et les fantasmes qu'il engendre chez certains, qui n'ont qu'une vision nationaliste des langues, loin des enjeux et de l'intérêt politique de la diversité linguistique.

J'ai donc notamment repris le contenu de certains articles qui émanaient de la proposition de loi sur la promotion des langues régionales qui avait été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale.

A quelles propositions concrètes la démarche a-t-elle abouti ?

M.B : La première est que nous puissions offrir dans tous les établissements la possibilité de suivre un enseignement en langue régionale. Et sans que cela n'ait de caractère obligatoire. Il s'agit d'une politique de l'offre, le choix revient aux parents. Nous sommes à 65 % au Pays Basque.

Mais il faut aussi comprendre que cette exigence est liée à notre capacité de recruter des enseignants. Il faut donc renforcer, entre autres, le recours aux étudiants apprentis professeurs, un système qui existe déjà et qui correspond à une bourse d'étude.

Dans la même logique, il faut créer des postes de DNL (disciplines non linguistiques) dans le secondaire, c'est-à-dire ouvrir plus de matières aux langues régionales pour arriver à une parité horaire. L'autre idée est bien évidemment de donner un cadre juridique ferme à l'enseignement bilingue à parité horaire et à l'immersif.

J'ai aussi défendu un renforcement du rôle des Offices publics de langue régionale. Il s'agit là de favoriser la coopération entre l'Education nationale et les territoires. Ici, cela fonctionne très bien. Et enfin, il est important comme c'est le cas pour les sections européennes de reconnaître un diplôme –brevet ou bac- en langues régionales. Pour le brevet, c'est d'ailleurs imminent.

Malgré toutes ces propositions, dans son programme, Benoît Hamon, comme tout socialiste qui se respecte, mentionne uniquement la ratification de la Charte européenne des langues régionales…

M.B : Cette mesure est bonne, mais comme vous le savez, elle nécessite une majorité au Congrès, car elle impacte notre Constitution.

Une promesse de gascon, donc ?

M.B : Me dire ça à moi, c'est osé ! Je dirais plutôt que connaissant l'état de l'opinion publique à l'échelle nationale et la méconnaissance du domaine par nombre de parlementaires, un travail pédagogique et une évolution législative progressive sont d'abord nécessaires. Pour arriver ensuite à un consensus social qui permettra la ratification de cette charte.

En tout état de cause, il ne faut pas s'interdire de se fixer cet objectif.

Donc, vous êtes confiant, vous avez l'impression d'avoir été entendu ?

M.B : Oui. Nous sommes plusieurs élus, du Pays Basque et de Bretagne notamment, à avoir fait remonter au candidat des propositions en termes d'enseignement, mais aussi d'usage des langues régionales, infrastructures des écoles associatives laïques, signalétique, présence dans les médias, accès dans les services publics. De nombreux échanges ont eu lieu avec le candidat et son équipe rapprochée. Le Pays Basque et les langues régionales ont été évoqués lors du discours fondateur de Bercy et je ne serais pas surpris qu'ils fassent l'objet de nouvelles prises de paroles.

Mehdi Ouraoui a participé à la rédaction de ce discours. La partie euskara, c'est sa patte ?

M.B : Disons que je n'en serais pas surpris !