Xan Idiart

Eric Coquerel : “Il n'y aura pas de projet émancipateur sans projet anticapitaliste”

Eric Coquerel est député de la France Insoumise dans la première circonscription de la Seine-Saint-Denis. Il était l'invité du contre-sommet du G7 ce 21 août pour débattre des mouvements d'émancipation à l'échelle locale et internationale.

Eric Coquerel ce 21 août à Ficoba. © Twitter Eric Coquerel
Eric Coquerel ce 21 août à Ficoba. © Twitter Eric Coquerel

A l'heure d'une société toujours plus interconnectée et des traités de libre échange comme le Ceta, qu'est-ce que signifie et en quoi se traduit l'émancipation aujourd'hui ?

Eric Coquerel : L'émancipation, c'est réussir à faire en sorte que l'être humain ne soit pas réduit à être un simple consommateur ou un travailleur exploité. Quand je dis cela, je n'exagère pas, c'est un peu la marque du troisième âge du capitalisme. Aujourd'hui on impose la souveraineté des marchés et ses profits à celles des peuples. Il est important de trouver des projets alternatifs à ce modèle et de bâtir un projet émancipateur et alternatif au capitalisme. Je parle beaucoup d'écosocialisme dans ce sens.

Justement, qu'est-ce que l'écosocialisme ?

E. E : C'est lier la question du climat, le premier intérêt général de l'humanité, à la question des inégalités, la question de s'interroger à qui appartiennent les richesses, qui les produit.... C'est toute la tradition socialiste au sens large du terme. On ne peut plus faire comme auparavant et dire qu'il faut rénover le socialisme ou le communisme. Le XXème siècle est passé par là et la question écologique est devenue fondamentale. Et en même temps on ne peut pas résumer la seule opposition au capitalisme par l'écologie, puisqu'il existe une écologie libérale. Avec l'écosocialisme on réfléchit à comment fédérer les peuples pour sortir de la situation gravissime dans laquelle on est.

Est-ce que le mouvement des Gilets jaunes est un exemple d'un besoin d'écosocialisme ?

E.E : Ce mouvement pose déjà la question la plus importante : à qui appartient la souveraineté ? Aujourd'hui on veut nous faire croire qu'on ne peut rien faire, que les marchés décident, la mondialisation… Les Gilets jaunes ont montré qu'écologie ou pas, on ne peut jamais mettre de côté la question sociale. C'est un mouvement qui se bat contre la fiscalité injuste, les privilèges, pour la souveraineté. On ne pourra pas s'opposer au capitalisme sans projet émancipateur à l'échelle internationale.

Le capitalisme est donc selon vous l'obstacle principal à l'émancipation des peuples ?

E.E : Clairement. A vouloir imposer toujours plus de profits qui développent les inégalités, ce capitalisme mondialisé, globalisé, appelez-le comme vous voulez, nous amène droit dans le mur. Faire exploser les profits des dividendes, c'est une surexploitation de la planète et les conséquences sont insupportables. Il ne peut pas y avoir de projet émancipateur sans un projet anticapitaliste. Quand je parle du capitalisme, je parle de la finance, pas du petit entrepreneur qui a juste quelques salariés et qui souffre comme tout le monde.

Selon une étude du Conseil national d'évaluation du système scolaire réalisée en 2018, 12 % des terminales disent s'être engagés en politique contre 44 % dans des associations. Les partis politiques sont-ils hors-jeu selon vous dans la quête de liberté ?

E.E : Je me méfie des réponses définitives, mais en ce moment oui. La marque des dictatures c'est toujours de faire disparaître les partis politiques. Au sens littéral du terme, un parti politique est composé de personnes qui s'associent pour faire bouger les choses. On a été malheureusement trop habitué à voir des partis majoritaires qui défendaient le même système, la cinquième République qui est une catastrophe. Donc il faut faire la différence entre les partis majoritaires et les partis au sens large du terme. Il faut peut-être réfléchir à d'autres formes d'organisation. La France Insoumise est un mouvement, mais je ne fais pas mon deuil des partis. Je pense que l'individu devra toujours s'associer à des formes organisées pour se présenter à des élections. Il faut comprendre qu'aujourd'hui il y a cette crise parce que les partis majoritaires ont saccagé la vie politique.

Le contre-sommet du G7 a justement été organisé entre plusieurs organisations. Comment le percevez-vous ?

E.E : Avec beaucoup de respect et un plein soutien. On a tout de suite dit oui pour y être impliqué. En France, le macronisme est la marque de l'évolution des régimes autoritaires et il est important de converger dans des rendez-vous qui réunissent les citoyens. Le contre-sommet en est l'exemple. C'est faire de la politique avec un grand P.

Vous débattrez également avec une représentante de la gauche abertzale. Les mouvements émancipateurs sont historiquement forts au Pays Basque. Quelle est votre position par rapport à des questions comme le rapprochement des prisonniers ou l'officialisation de la langue basque ?

E.E : J'ai signé récemment des appels en faveur d'une paix durable qui passe par ce rapprochement. Txetx Etcheverry m'avait contacté et j'ai apporté ma signature [pour la libération Josu Urrutikoetxea, ndlr.]. Il est nécessaire qu'il y ait un règlement politique. Il faut être capable d'écouter ceux qui veulent la paix. Ça passe par le fait de fermer la porte à cette période et de reconnaître le caractère politique des prisonniers basques.

Sur la question de la langue, le français est officiel partout mais on est aussi pour favoriser les langues comme la langue basque et faire en sorte que ce type de richesse culturelle soit reconnu et appris. Par contre, il ne faut pas que ça devienne uniquement une mosaïque de langues où on ne pourrait pas parler la même langue au nord et au sud.