Anaiz Aguirre Olhagaray

“Dantza”

Le nouveau film de Telmo Esnal est une fresque hors du temps, célébrant la vie, la joie, l’amour… et la Terre.

L'univers de "Dantza" s'inspire des éléments de la nature. © Gabarra Films
L'univers de "Dantza" s'inspire des éléments de la nature. © Gabarra Films

Dans un paysage désertique, le jour se lève. La terre est sèche. Des hommes et des femmes y plantent leurs outils et creusent, travaillant en rythme comme pour mieux joindre leurs forces. L’instrument de leur labeur devient l’objet d’une danse. Le tonnerre gronde, et vient la pluie. L’eau, source de vie, va pénétrer la terre et grâce au soleil, donner naissance à un être vivant. Un arbre d’où poussent des rubans reliés à des êtres humains, gesticulant et dansant tout autour.

Le film de Telmo Esnal ("Aupa Etxebeste!", 2005) est une magnifique fresque où se côtoient des univers énigmatiques et merveilleux, festifs et joyeux. Une ode à la terre, à la nature, à l’homme et à la femme, dont la traditionnelle "danse des rubans" symbolise parfaitement l’interconnexion, l’interdépendance.

L’univers esthétique, imaginé par le sculpteur Koldobika Jauregi, est empreint de la nature : la terre, le ciel, l’eau, le fruit… Le métal, le bois, la pierre. Les personnages évoluent dans des décors naturels (désert, montagne, grotte, "etxe"...) vêtus de superbes costumes aux tonalités chaudes et printanières, quand elles ne sont pas grises et métalliques… à l’instar de ces personnages féminins, voilés, semblables à des esprits, qui marchant dans l’eau, se livrent à une "danse des épées".

Le chorégraphe Juan Antonio Urbeltz nous fait redécouvrir la danse traditionnelle sous un nouveau jour. Dans "Dantza", chaque danse est comme une histoire qui nous est racontée. Une histoire basque ancestrale, mais surtout universelle et hors du temps. La danse et la musique traversent le film comme elles ont traversé les époques, puisant leur inspiration dans le travail des champs, dans l’activité humaine, dans le jeu. À l’image de la txalaparta, instrument de musique qui trouve son origine dans la fabrication du cidre.

"Txotx !" sera d’ailleurs le seul mot prononcé tout au long du film. Une sobriété bienvenue, qui laisse au regard du spectateur tout le loisir d’admirer la beauté des images et à son ouïe, l’occasion de mieux prêter attention aux sons et aux murmures, à la musique et aux chants basques.

La danse, une nature humaine

La deuxième moitié du film célèbre le lien entre les hommes et les femmes, tissé par la danse. C’est la saison du cidre. Au village en fête, règnent la joie et le bonheur d’être ensemble. Lentement, une chaîne formée par une centaine de danseurs descend sur la place du village. Les sauts se succèdent autour des verres de cidre.

Sur un pas de danse, naît l’amour. Dans la foule, un homme et une femme échangent un regard. Ils se sourient, se rapprochent. Les amoureux se courent après, se sauvent à la recherche d’un peu d’intimité. Dans une scène magnifiquement filmée, la caméra tourbillonne autour des jeunes amants, mouvant leurs corps sans se quitter des yeux. La danse relie les êtres, exprime leurs émotions et les enracine à la terre.

Du film "Dantza" on ressort comme d’un rêve, avec l’étrange impression d’avoir vu défiler, en moins de deux heures, un temps infiniment plus long. D’avoir rencontré des personnages irréels, mais symboliques. Telmo Esnal livre un très beau poème visuel.

"Dantza", film basque réalisé par Telmo Esnal (1h38mn). En salle le 4 septembre. Avant-première mardi 20 août à 21 heures au cinéma L'Atalante (Bayonne), vendredi 30 août à 20 heures au Royal (Biarritz).