Bayonne Gorriak Insoumis

Lettre à Florence Lasserre-David, députée Modem - 5e circonscription des Pyrénées-Atlantiques

Dans cette tribune, le groupe Bayonne Gorriak Insoumis revient sur la position défendue par la députée de la cinquième circonscription Florence Lasserre-David.

Madame la députée,

Vous vous êtes exprimée sur votre page Facebook sur les raisons qui vous ont amenées à voter en faveur de l’application du Ceta. Nous voulons vous répondre publiquement et faire savoir pourquoi selon nous ce vote est une faute.

Vous dites que l’accord est bon pour l’économie !

Vous pointez que 95 % de l’accord est déjà en application. Nous ne voyons pas comment vous pouvez compter dans les 5 % restants les tribunaux d’arbitrage qui ne sont pas encore en activité. C’est un des principaux dangers de ce traité : un pouvoir supranational, en dehors de tout contrôle démocratique, qui passe au-dessus des lois rédigées et votées par nos représentants. 

Le Canada investit en ce moment dans un outil industriel dont le but est de fournir les quotas consentis de 70 000 tonnes de viande bovine. Nos agriculteurs – dont les fermes font en France en moyenne 60 têtes – seront alors en concurrence avec des exploitations de 1 000 têtes en moyenne où l’on nourrit les bêtes avec des farines animales et où on les gave d’antibiotiques. En France, le coût de l’engraissement est 10 à 12 % plus élevé, en raison – entre autre – de l’interdiction d’utiliser les farines animales. Les prévisionnistes annoncent une baisse du prix de la viande de 16 % ! L’atterrissage va être dur.

Si le traité reconnaît les AOC et la protection qui leur est accordée, la liste des AOC reconnues est restreinte à 42 appellations. On y trouve le jambon de Bayonne mais pas le porc Kintoa, par exemple. Si demain, on souhaite à Toronto produire du porc industriel, l’appeler porc Kintoa et le vendre sur les étals de Saint-Jean-de-Luz ou d’ailleurs, le Ceta n’y trouvera rien à redire !

Pour vous l’évolution des normes sanitaires est positive !

Vous affirmez dans votre texte qu’aucune des normes sanitaires en vigueur n’est remise en cause. C’est faux : bien au contraire, elles vont évoluer dans le sens d’un affaiblissement des protections.

Le Canada est familier des actions en justice pour diminuer les protections des consommateurs. En 2009, le Canada a obligé les Etats-Unis à supprimer la mention du pays d’origine figurant sur les emballages de viande. Le Canada ne compte visiblement pas s’en tenir là. Une action est en cours contre l’Europe, accompagné de 16 pays, dont les Etats-Unis, dont l’objectif est de lever l’interdiction de certaines substances qui sont utilisées dans ces pays.

Face à tel partenaire, la confiance que vous portez dans ce traité relève davantage du dogme libéral que de la raison.

Vous affirmez que le Ceta est bon pour le climat !

Comme Greta Thurnberg vous l’avait indiqué le matin même de votre vote, les scientifiques sont unanimes. Il faut revoir complètement nos moyens de production. Le Ceta, c’est tout le contraire de ce que nous devons faire. Nous devons favoriser la production locale, les circuits courts, protéger les producteurs locaux par des marchés publics dédiés.

A la mairie de Bayonne, où l’on s’est engagé récemment, quoique timidement, dans ce sens, on va avoir des sueurs froides en pensant aux fonctionnaires tatillons qui pourraient trouver matière à redire aux mesures prises lors d’un récent conseil municipal.

“Rien ne permet de garantir dans le traité que les futures dispositions environnementales nécessaires à la poursuite des objectifs de la France en matière de transition énergétique et de développement durable ne seront pas attaquées devant cette juridiction”, écrit la commission indépendante présidée par Mme Schubert. Elle rajoute “Le risque est que le Ceta ne fournisse pas des conditions favorables aux objectifs de la transition écologique de l’agriculture”.

La sauvegarde de la souveraineté du peuple français serait maintenue

Vous affirmez, Madame, que des structures de contrôle vont permettre d’auditer les effets de l’accord et de prendre les mesures de sauvegarde nécessaires. Vous affirmez encore qu’on pourra opposer un veto climatique à des mesures découlant du Ceta.

Il n’en reste pas moins que le Ceta a été adopté par le Parlement européen et n’est pas amendable. Pour en changer le contenu, il faudrait donc le renégocier, le porter de nouveau devant le Parlement européen, puis de nouveau le faire revoter par chacun des pays qui l’ont déjà adopté. Cela paraît tout à fait impossible. De plus, comment imaginer qu’un gouvernement canadien, qui tire une part importante de ses revenus de l’exploitation des sables bitumineux, reconnaisse la validité d’un argument climatique ?

Enfin, on se pince lorsqu’on découvre ce qui va se passer si nous dénonçons un jour cet accord. Si la sortie est effective 180 jours après sa dénonciation, le pouvoir des tribunaux d’arbitrage est maintenu pendant une durée de 20 ans (20 ans !) dans le but de protéger les investissements.

Toutes ces raisons, justifient, Madame la députée, notre désaccord complet avec la tribune que vous avez publiée et la condamnation de votre vote en faveur du Ceta. Il est nécessaire et urgent que ce texte soit rejeté par le Sénat.