Anaiz Aguirre Olhagaray

Au-delà des plages fermées

La fermeture des plages est un phénomène récurrent, et pas seulement en saison estivale. La population augmente, les stations d’épuration saturent, et déversent dans l’océan les eaux polluées.

À Saint-Jean-de-Luz, la baignade est interdite pour cause de pollution bactériologique de façon quasi continue depuis le 26 juillet. DR
À Saint-Jean-de-Luz, la baignade est interdite pour cause de pollution bactériologique de façon quasi continue depuis le 26 juillet. DR

Un gros orage, de fortes pluies. Dans les réseaux d’assainissement, les eaux usées débordent et se jettent dans l’océan, causant une pollution bactériologique. À la plage, le drapeau violet est hissé, l’interdiction de se baigner est annoncée. Et ce, parfois dès le mois de mai. Au-delà du simple désagrément de ne pouvoir rafraîchir son corps dans les eaux de l’Atlantique, il s’agit d’un problème de santé publique qui touche les communes littorales du Pays Basque Nord, toujours plus peuplées.

À Bidart, la station d’épuration de l’Uhabia ne résiste plus aux fortes précipitations et à l’afflux croissant de la population. Selon le Schéma directeur d’assainissement, la station devrait arriver à saturation en 2021. Le 20 juillet dernier, la Communauté Pays Basque (CAPB) a approuvé les plans locaux d’urbanisme (PLU) d’Arbonne et Ahetze à l’issue d’un long débat qui soulève la question suivante : faut-il, pour des raisons sanitaires, stopper tous les permis de construire des communes du littoral ?

Pour Pascal Burgues, animateur de la commission Eau et industrie du Collectif d’associations de défense de l’environnement (Cade), la réponse est oui. Invoquant le Code de la santé publique, il affirme que "si on ne peut pas assurer de bonnes conditions d’assainissement, on ne peut plus recevoir de gens, c’est-à-dire signer des permis de construire".

Or d’après lui, les constructions continuent d’être autorisées "alors qu’on n’a pas les capacités suffisantes pour accueillir un afflux supplémentaire de population". Il constate que dès le mois de mai-juin, les plages sont fermées alors que les estivants ne sont pas encore là. "Imaginons une épidémie, ou autre chose de grave. Tout se déverse dans le milieu et tout se propage !" alerte-t-il.

La station d’épuration de l'Uhabia traite les eaux usées en provenance des communes de Bidart, Arbonne et Ahetze. © Bob EDME

Des travaux d’amélioration hydraulique sont déjà lancés sur la station d’épuration de l’Uhabia à Bidart. Le vice-président de la CAPB en charge de l’Assainissement et des eaux pluviales, Alain Iriart, a présenté le 20 juillet deux scénarios : la réhabilitation de l’installation existante ou la construction ailleurs d’une nouvelle station. Selon le calendrier prévisionnel, cette dernière ne verrait pas le jour avant 2026.

"Pendant cette période, je ne vois pas comment nous ne refuserions pas les permis de construire, à moins de mettre à mal le territoire, l’environnement et la salubrité publique", déclarait alors devant le conseil communautaire Alain Iriart. "L’urbanisme ne doit pas précéder l’assainissement", affirmait de son côté le maire de Bidart Emmanuel Alzuri.

Le nouveau Schéma directeur d’assainissement est attendu pour l’automne, tandis que l’étude sur la station d’épuration de Bidart, prévue pour la fin de l’année, déterminera lequel des deux scénarios sera retenu.

Meilleure transparence

Pour le maire aheztar Philippe Elissalde, la saturation des réseaux est imputable principalement à l’intense activité touristique de Bidart. Au conseil municipal d’Ahetze le 28 mai dernier, le premier édile suggérait l’idée de "réguler d’une autre façon" l’afflux de vacanciers, par exemple en "oblige[ant] les contributeurs à cette saturation à participer au coût public pour remettre la station à niveau".

Pascal Burgues parle d’un "syndrome de l’Uhabia" : "Cela fait plus de 50 ans qu’on sait que le fleuve est pollué" s’insurge-t-il, observant toutefois que chez les élus locaux, "depuis un an le discours change". Pour lui, une des premières choses à faire est de désimperméabiliser les sols : "Il faut restaurer les zones naturelles, humides, et créer des zones tampons. Mais cela va à l’inverse du discours dominant. Il faut revoir l’urbanisation dans la globalité", martèle-t-il.

Il suggère également de moderniser les stations d’épuration "avec des systèmes de filtration beaucoup plus poussés que ceux actuels, qui prennent en compte non seulement la bactériologie mais toutes les molécules polluantes". Et qui "rejettent directement à leurs portes". Car dit-il, "la meilleure transparence serait d’ouvrir le robinet de la station et de voir ce qui est rejeté".

À ce jour, il n’y a "aucun moyen de contrôle" des émissaires par lesquels passent les rejets. Les bilans détaillés des stations d’épuration sont "très difficiles" à obtenir. À moins d’une "plongée en eaux troubles" pour se rendre compte de la situation.