Béatrice MOLLE-HARAN

Iruñea : les peñas au centre de la fête

Les San Fermin débutent ce samedi. Neuf jours de liesse et une organisation rigoureuse avec les peñas au centre de la fête arborant sur leurs pancartes bariolées revendications sociales et politiques.

Les peñas organisent chaque année les encierro txiki destinés à initier les enfants à l'encierro. © Iñigo URIZ - FOKU
Les peñas organisent chaque année les encierro txiki destinés à initier les enfants à l'encierro. © Iñigo URIZ - FOKU

Les peñas sont au cœur des San Fermin qui débutent ce samedi 6 juillet. Ces bandas joyeuses et rebelles auront, on s’en doute, beaucoup à dire après les élections municipales qui ont porté à la mairie de cette ville le conservateur Enrique Maya (UPN) qui a retrouvé son poste de premier édile enlevé il y a quatre ans par Joseba Asiron (EH Bildu). Résultats des élections, mais aussi montée de l’Osasuna en première, centenaire de la Pamplonesa, autant de sujets divers que l’on retrouvera brocardés sur les pancartes portées par les peñas.

Mais la majorité de ces pancartes revendicatives aborderont le dossier Alsasua, neuf jeunes de ce village navarrais condamnés à de lourdes peines de prison après une bagarre avec des guardias civils, ainsi que le conflit autour du gaztetxe Maravillas situé dans la capitale de la Navarre. Ainsi l’a expliqué et confirmé le président de la Fédération des Peñas, Imanol Azkona, regrettant que les jeunes d’Alsasua soient toujours emprisonnés, ajoutant que la bataille en cours pour le pouvoir au sein du gouvernement de Navarre avait inspiré largement.

Autre thème récurrent, la montée de l’extrême droite, son institutionnalisation au sein de l’Etat espagnol avec le parti Vox et l’évocation de son leader Abascal largement caricaturé. Imanol Azkona a souligné que la relève est assurée concernant les dessins et caricatures exhibées sur les pancartes : “Il y a les dessinateurs de toujours, mais aussi beaucoup de jeunes motivés qui franchissent le pas. Et de plus en plus de femmes, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années”. Véritable moteur et thermomètre de la fête, les peñas rendront hommage le 7 juillet à 18h10 aux arènes à La Pamplonesa, une peña fêtant ses 100 printemps.

En souvenir de German Rodriguez

C’était le 8 juillet 1978. En plein débat sur la transition, la Constitution et l’intégration de la Navarre au sein de la Communauté autonome basque. On sait ce qu’il en fut. Une manifestation était organisée en pleines fêtes de San Fermin, afin de demander la libération des prisonniers. German Rodriguez âgé de 27 ans faisait partie des manifestants. Il mourra d’une balle en pleine tête. Tirée à bout portant par les “grises” (unité anti-émeute de la police). Chaque 8 juillet, hommage lui est rendu à l’intersection de la rue Roncesvalles et Carlos III. Comme chaque année, les peñas seront au rendez-vous devant un petit monument érigé en son honneur ce 8 juillet à 21 heures.

Les fêtes, cette année, se déroulent dans un contexte de changement d’équipe à la mairie après les élections du 26 mai dernier. Aucun changement notoire n’est donc intervenu dans la programmation réalisée par l’ancienne équipe de Joseba Asiron, le programme étant matérialisé depuis plusieurs mois. La nouvelle équipe a cependant changé quelques noms de rues et de places, telle la place Catalina de Erauso. Certains observateurs soulignent que les moyens mis en œuvre depuis plusieurs années afin de prévenir les violences faites aux femmes durant cette semaine de fêtes pourraient être réduits. On se rappelle les déclarations de l’actuel maire Enrique Maya, alors dans l’opposition, déclarant que les fêtes d’Iruñea, allaient probablement souffrir d’une énorme mauvaise réputation internationale à cause de la politique de transparence totale concernant les agressions sexistes durant les fêtes. Effectivement, la nouvelle municipalité avait mis en place un bilan journalier de ce type d’agressions.

Des déclarations réalisées au travers d’une lettre à un quotidien local en 2017, un an après le viol en groupe perpétré en 2016 par l’auto-dénommée “manada” (“la meute”, composée entre autres d’un policier et d’un militaire) dont fut victime une jeune fille madrilène durant les San Fermin, suscitant à son encontre un énorme mouvement de solidarité, en Pays Basque et dans tout l’Etat espagnol. Les déclarations d’Enrique Maya ont évolué. Peu après son élection, le Tribunal suprême espagnol a requalifié “l’agression sexiste” en viol et a élevé les condamnations à 15 années, ordonnant leur incarcération. Les auteurs de ces faits étaient en liberté provisoire depuis la commission des faits. Ce viol en groupe perpétré en pleines fêtes d’Iruñea a provoqué un vrai traumatisme et une prise de conscience qu’il sera difficile d’occulter. L’actuel maire, on sait la droite navarraise ultra conservatrice, ne pourra que prendre le train en marche.Les fêtes sont désormais placées sous le signe du respect des uns, des unes et autres. Difficile de revenir en arrière.

496 rendez-vous

Sanfermin.com et autres sites vous informeront du programme éclectique des San Fermin. Sachez cependant que 496 rendez-vous culturels, artistiques et sportifs sont inscrits au programme officiel prévu par l’ancienne municipalité. Pas moins de 73 concerts, 144 animations musicales de rues, sept bandas, 49 orchestres locaux, des groupes de danses. Tout cela pour un montant global de 1,36 millions d’euros, similaire à celui de l’année dernière. Un effort particulier a été réalisé afin de développer le concept de fêtes inclusives. Des dispositifs innovants, afin de permettre aux handicapés de participer à la fête ont été mis en place. Par ailleurs, les espaces dédiés aux enfants ont augmenté : jeux, sports, attractions pyrotechniques sont au programme. A noter que lundi 8 juillet est le jour réservé au jumelage avec Bayonne.

Docteur aux Arènes

Le Dr Francisco Javier Jimenez est volontaire à l’infirmerie des arènes durant toutes les fêtes. “Nous sommes une dizaine de médecins et chirurgiens, plus une vingtaine d’infirmières. Nous traitons le matin les blessés de l’encierro. Il y a plusieurs types de blessures, les chutes, les écrasements et les coups contre les barrières. Sans compter, mais plus rarement, les coups de cornes. En général nous dirigeons ces blessés vers les hôpitaux. Ensuite nous soignons les blessés des corridas qui ont lieu chaque jour à 18h30. Il y a quotidiennement trois matadors et six toros. Et là, nous opérons sur place car l’équipe est composée de médecins, de chirurgiens, de radiologues et autres spécialités”, assure-t-il. Le médecin ajoute “que durant les fêtes, aucune opération n’est programmée dans les établissements de la ville”. Hôpitaux et cliniques sont pratiquement vides, afin de laisser la place aux urgences.