Iurre BIDEGAIN

“La perte de l’ONF comme opérateur unique gestionnaire des forêts serait assez dommageable”

L’Office national des forêts (ONF) vit une situation délicate dûe à la menace de la part du gouvernement français de démanteler le service forestier. Antoine de Boutray, directeur de l’agence ONF des Pyrénées-Atlantiques, explique la fonction de l’organisme et l’importance de le sauvegarder.

Antoine de Boutray, directeur de l’agence ONF des Pyrénées-Atlantiques.
Antoine de Boutray, directeur de l’agence ONF des Pyrénées-Atlantiques.

Pouvez-vous nous rappeler la fonction de l’Office national des forêts (ONF) ?

Antoine de Boutray : L’ONF est un établissement public, d’environ 9 000 personnes, qui dépend à la fois des ministères de l'Agriculture et de l’Environnement. Notre mission principale est de gérer les forêts de l’Etat et celles des collectivités.

Comment ont évolué les missions de l’ONF et de ses agents ?

A.D.B : La société est de plus en plus exigeante. On peut dire que la mission première qui était de valoriser de façon économique la forêt continue à exister. Mais depuis la création de l’ONF, on a toujours eu à cœur de pratiquer une gestion que nous appelons multi-fonctionnelle. On peut dire que la forêt a quatre fonctions : une fonction économique, soit produire du bois, par exemple, et une fonction environnementale. Les forêts sont un trésor de biodiversité, il faut donc le prendre en compte. Ces enjeux-là sont montés en puissance ces dernières années. Autre grande mission que l’on peut lui donner, c’est celle d’accueillir le public. Les forêts publiques ne sont pas des forêts comme les autres. Ce sont des forêts ouvertes. C’est une fonction récréative, de plus en plus importante ces dernières années. Il faut la concilier avec l’environnementale et de production de bois. La quatrième grande fonction que nous assignons aux forêts publiques, c’est celle de protection. Dans les Pyrénées, la forêt joue son rôle de protection des habitations vis-à-vis des avalanches, par exemple.

Spécifiquement de quelle manière a évolué le travail des agents forestiers par exemple ?

A.D.B : Leur travail a forcement évolué, car ils doivent gérer le paradoxe d’une société qui nous demande plus avec des moyens qu’elle ne veut plus forcement nous donner. Les forestiers ont des missions de plus en plus compliquées, car il faut continuer à ramener de l’argent en faisant des coupes. Dans les Pyrénées-Atlantiques, les communes comptent sur nous, car les recettes du bois peuvent être une grosse recette dans le budget communal. Mais, en même temps, il faut faire attention à protéger la biodiversité, et continuer à accueillir le public. Il ne suffit plus d’être un bon technicien, il faut faire preuve de bonne pédagogie, savoir expliquer les choix qu’on fait. La société a un regard plus exigeant vis-à-vis de nous.

L’Etat réfléchit à un démantèlement du service public forestier. Quelles seraient selon vous les conséquences de la disparition de l'ONF ?

A.D.B : Je crois que l’Etat ne réfléchit pas à un démantèlement de l’ONF. Par contre, c’est vrai que certaines communes forestières qui sont regroupées en association ont dû réfléchir à une autre façon de faire et à un autre système qui amènerait à la fin de la fonction forestière. Effectivement, c’est quelque chose de très récent. Selon nous, la perte de l’ONF comme opérateur unique gestionnaire des forêts serait assez dommageable. On gère 25 % de la forêt de l’Etat français, mais par contre, on met en vente 15 % du bois qui est exploité chaque année. Nous avons un intérêt de nous occuper des forêts. De ce point de vue-là, nous avons eu un soutien des professionnels de la filière qui s’inquiètent d’une régionalisation ou d’un démantèlement de l’ONF qui pourrait déstabiliser une filière fragile et qui représente plus de 400 000 emplois dans l’Hexagone.

Nous avons essayé de faire évoluer nos modes de commercialisation. Nous avons proposé des contrats d’apprivoisements avec la filière locale. C’est un premier gros enjeu. Si nous regardons en terme de biodiversité, nous avons réussi à mettre en place un réseau d’experts naturalistes à l’ONF. Ils peuvent apporter une expertise au niveau national. Le fait d'être un opérateur au niveau national nous permet d’être présents et d’avoir une gestion variée. En découpant l’ONF en portions, on perdrait cette vision-là et cette cohésion. Nous sommes quasiment à un million d’observations : imaginez la source d’information que nous représentons. Perdre cette mission-là serait quelque chose que les forestiers auront du mal à comprendre.

De lourdes menaces planent actuellement sur l’ONF. Le nombre des salariés diminue, un déficit important de 360 millions d’euros a été atteint… Quelle est la situation de l’ONF ?

A.D.B : L’ONF a un déficit structurel. Même si on a fait de gros efforts pour limiter les pertes, nous sommes arrivés au bout du modèle. Il y a une mission qui vient de rendre son rapport auprès des ministres de l'Agriculture et l’Environnement. Il revient aux tutelles de prendre leur responsabilité et de définir quelles sont les missions de l’ONF. Il faut bien que nous réfléchissions aux moyens que la société veut mettre à disposition.

Comment envisagez-vous l’avenir de l’ONF ?

A.D.B : Je pense que l’ONF est un bel outil pour les forêts, notamment les publiques. Les difficultés financières ne doivent pas faire diminuer l'ensemble des bienfaits que nous avons apporté à la société. Il ne faut pas restreindre les problèmes de l’ONF à de simples problèmes comptables.