Goizeder TABERNA

Ils réclament à Paris la libération de Josu Urrutikoetxea

A deux jours de l’examen de sa mise en liberté, plusieurs personnalités impliquées dans la résolution du conflit ont défendu la cause de Josu Urrutikoetxea. Michel Tubiana, Christiane Taubira, Gerry Adams, Ronnie Kasrils, Jacques Gaillot, l'eurodéputé irlandais Matt Carthy, le fils du prisonnier basque et ses avocats ont participé, par leur présence ou par leur contribution, à la conférence de presse réalisée à Paris.

Michel Tubiana, Annaïs de Courson et Matt Carthy ont prêté leur voix et leurs paroles pour la cause de Josu Urrutikoetxea.
Michel Tubiana, Annaïs de Courson et Matt Carthy ont prêté leur voix et leurs paroles pour la cause de Josu Urrutikoetxea.

"Nous ne demandons pas un traitement de faveur", a clarifié avant toute chose Michel Tubiana, Artisan de la paix de Louhossoa et président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme (LDH). Lundi 24 juin, il s’est présenté devant la presse aux côtés de personnalités engagées dans le processus de paix, des avocats et du fils de Josu Urrutikoetxea. Ils ont réclamé sa mise en liberté au nom du droit et de la construction du processus de paix.

Ils réclament le respect de la décision de justice du 19 juin dernier. Décision toujours pas appliquée, car après l’ordre de la cour d’appel de Paris de le libérer sous contrôle judiciaire, la chambre de l’instruction a ordonné sa détention provisoire le temps d’examiner les deux demandes d’extradition et le mandat d’arrêt européen émis par les autorités espagnoles.

Comme l’ont écrit l’Irlandais Gerry Adams et le Sud-Africain Ronnie Kasrils dans une tribune publiée dans Le Monde et lue devant les journalistes par la comédienne Anaïs de Courson, ce revirement de situation a suscité espoir et affliction à la fois. "Juridiquement, est-ce qu’une autorité publique peut s’autoriser un tel degré de déloyauté ? C’est une question qui va se poser évidemment", interroge Me Laurent Pasquet-Marinacce, pour qui la réponse est dans la question.

L’intervention du parquet général de Paris "qui est en lien avec le ministère de la Justice", relève l’avocat, aurait précipité cette réincarcération alors que Josu Urrutikoetxea venait de recevoir une convocation pour le 10 juillet pour que lui soient notifiées les demandes de remise aux autorités espagnoles.

Déloyauté achevée

"C’est d’une déloyauté achevée, c’est d’une brutalité folle de la part du parquet d’agir comme cela, alors même que les choses pouvaient se faire, devaient se faire de façon apaisée, contradictoire, équilibrée, dans un  temps raisonnable", tranche-t-il. La décision politique aurait prévalu sur la décision de justice, regrette Egoitz Urrutikoetxea, qui aurait voulu que son père puisse se défendre dans de bonnes conditions, compte tenu de son état de santé.

Les choses auraient pu se passer différemment, d’après les avocats, d’autant que comme l’a rappelé Maître Laure Heinich, la loi abonderait dans ce sens. "Sur un plan juridique, ce n’est pas son arrestation que nous déplorons, c’est son maintien en détention", estime-t-elle, "la loi, c’est la détention qu’en cas d’extrême nécessité et la liberté comme principe". Dans le cas d’Urrutikoetxea, la justice aurait les garanties de représentativité suffisantes.

La conférence de presse des soutiens de Josu Urrutikoetxea s'est déroulée dans un hôtel de Paris.

A présent, à deux jours de l’audience à la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris pour l’examen de sa mise en liberté, les intervenants en appellent à "l’intelligence" des Etats. "Ce processus ne peut pas passer par une ritournelle judiciaire permanente renouvelée qui est l’expression d’une volonté de force qui en l’espèce est devenue en plus totalement inutile, prévient Michel Tubiana. Il n’est jamais trop tard pour qu’ils se joignent au processus de paix".

Contribution à la résolution

Les paroles prononcées par l’ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira sont allées dans ce sens. Elle accorde aux "combattants" leur mérite et leur responsabilité dans ce choix, et considère que "de la même façon qu’on a tenu compte de son courage dans le choix de cette cause, on doit tenir compte de sa force morale dans la contribution à la résolution de ce conflit et de ces problèmes, donc c’est ça le sens de l’espace pour un geste, pour des gestes".

Ministre de François Hollande entre 2012 et 2016, elle est intervenue à travers un extrait vidéo du tournage du documentaire de Thomas Lacoste "L’Hypothèse Démocratique, une histoire du conflit basque", il y a quelques mois. Urrutikoetxea se trouvait en clandestinité à ce moment-là et aujourd’hui, ses propos ont une autre résonance. Elle y évoque le besoin de reconnaissance des individualités comme Josu Urrutikoetxea "pour donner une chance au processus de paix".

Résilience

Le rôle de ce Basque désigné à plusieurs reprises par ETA pour mener les négociations avec les Etats, dont l’effort pour enclencher le processus de paix est reconnu, a été relevé par les deux anciens "combattants" irlandais et sud-africain. "Sans lui et sans d’autres comme lui, il aurait été pratiquement impossible d’accomplir ce changement substantiel qui s’est produit au Pays Basque", rappellent-ils, tout en précisant que négocier avec son propre camp est toujours la négociation la plus difficile.

"Comment continuer la guerre sans combattant ? C’est ce que le gouvernement français et espagnol nous servent depuis plusieurs années", a fait remarquer le président d’honneur de la LDH. A cette stratégie, il oppose le besoin de résilience, de réconciliation et de vérité de la société basque. L’évêque Jacques Gaillot se souvient encore des paroles de la cour d’appel : "libération immédiate". "Des mots qui ont un souffle d’humanité, qui ouvrent l’avenir, qui rendent des gens heureux", évoque-t-il. Une autre façon de parler de résilience.