Antton ETXEBERRI

Un rapport de force nécessaire pour faire bouger Paris

Antton Etxeberri. © Sylvain SENCRISTO
Antton Etxeberri. © Sylvain SENCRISTO

Les deux gros rassemblements organisés le week-end dernier à Biarritz ont en commun de s’adresser à un pouvoir parisien qui a véritablement un problème avec le Pays Basque. Les 5 000 enfants, parents et professeurs qui ont défilé vendredi dans la cité balnéaire pour demander des postes au ministère de l’Education nationale afin de répondre au développement des ikastola en sont un exemple criant. De même concernant les 3 000 personnes mobilisées samedi dans la chaîne humaine pour demander au gouvernement français de répondre aux attentes du territoire concernant la résolution du conflit.

Dans les deux cas, le Pays Basque est confronté à un pouvoir parisien qui ne comprend visiblement pas les aspirations de ce territoire à aller de l’avant. Qui ne comprend pas ou plutôt, qui le comprend très bien mais qui ne souhaite pas voir le Pays Basque avancer dans sa propre organisation et son développement. Paris sait parfaitement que le système immersif produit des adultes complètement bilingues et que le Pays Basque est en mesure d’inverser la chute de la courbe du nombre d’euskaldun sur le territoire. Après des décennies d’interdiction et d’éradication de la langue basque, l’Etat français n’a eu d’autre choix que d’abord regarder les militants s’employer à tenter de sauver la langue basque malgré tous les obstacles, puis devant la dynamique enclenchée, accompagner en contrôlant le développement des ikastola. C’est dans ce rapport de force que se situe aujourd’hui l’Etat français. En refusant de donner les postes nécessaires au développement des ikastola mais aussi du système immersif dans les écoles publiques, l’Etat limite le développement d’un système qui permettra de sauver l’euskara, et de rebasquiser le Pays Basque Nord. La remise en cause du système immersif lui-même par les ministres Blanquer et Gourault ne témoigne-t-elle pas à elle-seule de la vision jacobine et franchouillarde de ce pouvoir ?

Dans le même ordre d’idée, les mobilisations qui se répètent depuis des années afin que l’Etat français s’empare de la question de la résolution du conflit au Pays Basque ont du mal à trouver un écho au sein du pouvoir parisien. Certes, ce dernier a bougé, si l’on en juge les rapprochements opérés ces derniers mois suite au travail de sape abattu communément par la société civile et les élus du territoire. Le Président de la République n’a-t-il pas dit qu’il souhaitait accompagner cette phase ? Mais les espoirs créés dans le territoire ne doivent pas faire oublier que les rapprochements effectués par l’Etat français jusqu’à aujourd’hui ne répondent qu’à une application de la loi, ni plus ni moins. Reste en suspens la question des prisonniers qui devraient être sortis depuis longtemps : les prisonniers malades et les conditionnables. Ces derniers, qui ont été applaudis chaleureusement à Biarritz, sont le futur nœud que devra réussir à dénouer le Pays Basque.

Que ce soit pour l’euskara ou pour la résolution du conflit, il est évident que Paris ne bougera pas s’il ne ressent pas le besoin ou le devoir de bouger. C’est en cela que la mobilisation du territoire est indispensable, car c’est elle qui obligera l’Etat français à changer son logiciel concernant le Pays Basque. La patience, la détermination, la mobilisation et aussi l’imagination seront nécessaires pour continuer à aller de l’avant, comme elles l’ont été jusqu’à aujourd’hui pour réussir à surmonter les obstacles rencontrés. Le Pays Basque aura encore sans doute à créer des “Louhossoa Bis” qui permettront, par la pression, de débloquer la situation à Paris.