Iurre BIDEGAIN

“Le territoire a fait bloc derrière l’Eusko, et l’Etat a fini par discuter”

L’association Euskal Moneta vient de lancer une nouvelle campagne de communication, à l'occasion de son assemblée générale qui s'est déroulée à Mendionde le 18 mai dernier. Son directeur Dante Edme a répondu aux questions de MEDIABASK.

Dante Edme, directeur de l'association Euskal Moneta. ©Bob EDME
Dante Edme, directeur de l'association Euskal Moneta. ©Bob EDME

Actuellement, que représente Euskal Moneta en chiffres ?

L’eusko fait partie d’une grande dynamique qui s’accélère, aussi bien du côté des particuliers, que des entreprises. On est sur une moyenne de deux ouvertures de compte par jour. On vient de passer la barre des 1 500 personnes qui sont venus rencontrer l’eusko, et cela fait en tout plus de 60 000 eusko d’échangés tous les mois. Nous avons passé la barre du million d’eusko en circulation en octobre dernier. Nous avons été les premiers à passer ce cap.

Aujourd’hui, nous sommes déjà à 1,2 millions d'eusko en circulation. A ce rythme-là, nous serons dans quelques mois à deux millions. Il y a 880 professionnels qui acceptent l’Eusko aujourd’hui. Il existe une trentaine de bureaux d’échange. Trois viennent d’ouvrir à Saint-Étienne-de-Baïgorry, Hendaye et Urrugne.

En ce qui concerne la carte de paiement Euskokart, les utilisateurs ont-ils adhéré à ce nouvel outil ?

Nous avons 1 545 comptes, donc 1 545 cartes en circulation. Cela marche, même s’il y a des améliorations à faire sur le système d’encaissement. Nous allons lancer une application d’encaissement pour faciliter l’usage. Nous sommes les premiers à le faire. Tout est à apprendre.

L’Eusko est-il devenu un exemple de réussite dans l'univers des monnaies locales ?

Il existe 76 monnaie locales sur l’Etat français. Aujourd’hui, on sert de locomotive, et même au niveau européen. Nous sommes sollicités par des projets en Belgique, dans l’Etat espagnol, au Pays de Galles… Ils nous demandent comment on fait pour avoir cette dynamique-là. Nous avons une démarche très structurée, car c’est un projet qui est fait pour durer, sans limite, qui repose sur des bases solides.

Nous venons d’embaucher notre dixième salarié. Nous n'arrivons pas à répondre à tout le travail qu’il y a à faire. Nous servons d’exemple, et s'il y en a qui passent devant nous, on s’inspirera d'eux. Il n’y a pas de compétition. Il y a même des chercheurs de l’Université de Bordeaux qui étudient l’impact de l’Eusko.

Diriez-vous que c’est un projet qui va au-delà de l’économie ?

La monnaie est un projet de société pour un territoire. Utilisant cette monnaie, les personnes qui partagent ce projet soutiennent la communauté qui va le mettre en place.

Le territoire de l’euro est l’Europe. Son problème est que sa conception est libérale. L’émission monétaire est confiée aux banques commerciales qui émettent la monnaie par des prêts, et les prêts qu’elles font sont choisis par rapport à leur rendement économique à court terme. Donc elles financent les hydrocarbures, l’armement… Elles n’ont pas de démarche d’intérêt général. La question est pourquoi l’Europe leur a confié cette mission.

Nous aussi nous émettons de la monnaie, mais c’est un contrôle citoyen. C’est notre assemblée qui contrôle les comptes. Tout est transparent. C’est un projet participatif et démocratique, encré sur un territoire. C’est un projet pour un Pays Basque plus écologique, euskaldun et solidaire. Nous développons les circuits courts, l’emploi local, la place de l’euskara.

Quelles relations avez-vous avec les élus ?

La semaine dernière, Saint-Étienne-de-Baïgorry a adhéré à l’eusko. Il s’agit de la 18ème commune. Les élus locaux ont toujours été de notre côté, c’est le préfet que nous avons eu en face. Le territoire a fait bloc derrière l’Eusko de façon très unanime, et l’Etat a fini par discuter.

La convention signée avec la Mairie de Bayonne a-t-elle ouvert les portes à d’autres Mairies ?

Oui, par exemple, la mairie de Saint-Étienne-de-Baïgorry vient d’adhérer avec la même convention que la mairie de Bayonne. Aujourd’hui, les mairies signent sans hésitation, car il y a un encadrement juridique. Nous avons gagné la bataille politique et juridique sur les paiements en eusko par les collectivités, mais c’est la mise en place administrative qui prend du temps. La problématique rencontrée a été hyper positive. C’est parce que les gens se mobilisent que l’eusko marche.

Vous venez de lancer une nouvelle campagne nommée "Euskoz hobe! Avec l'Eusko, c'est mieux !". De quoi s’agit-il ?

Euskoz hobe a pour but de mobiliser tout les habitants qui sont d’accord avec les valeurs fondamentales de l’eusko : la défense de l’économie du Pays Basque et les emplois locaux, la défense de l’euskara, la défense de l’agriculture locale et la défense de la transition écologique.

Aujourd’hui il y a des alternatives à construire. Pour cela, chacun doit participer. Cela marchera si tout le monde s’y met. Les premiers à s’y mettre seront les gens qui sont déjà convaincus. Ils font déjà beaucoup. Il y en a qui commencent à s’inscrire à des AMAP, à des magasins de producteurs… Tout cela, ils le font avec des euros. Ce que l’on veut dire avec cette campagne, c’est que si, en plus, ils le font avec l’eusko, c’est encore mieux.

Quelles actions avez-vous prévu au sein de cette nouvelle campagne ?

On va proposer cinq affiches différentes à tous les commerçants et associations qui font partie du réseau. Nous allons aussi les mettre dans les fêtes durant l’été, dans lesquelles nous mettrons à disposition une table d’information.

Nous allons essayer de mettre en place un agenda culturel. Informer des occasions qu'il y a pour utiliser l’eusko. L’eusko, c’est pour tout. Beaucoup de monde ne sait pas qu'on peut payer l’abonnement de MEDIABASK, le cinéma ou la cotisation des ikastola en eusko.

Quels sont les prochains enjeux fixés par l’association ?

Notre objectif est de doubler les adhérents d’ici 2021. Le plus simple et logique, c’est d’aller chercher des gens qui sont déjà sympathisants de nos valeurs. Le public qui ne connaît pas l’eusko viendra avec le temps.

Comment envisagez-vous le futur de la monnaie locale ?

Ce sera une monnaie que tout le monde aura dans sa poche au Pays Basque. Nous suivrons les usages. S’il y a de nouveaux enjeux qui se posent, nous serons un outil pour faire avancer le territoire et répondre à ces enjeux.