Pilu en Europe - 4

De Basques dans une eurorégion à une euro-région basque ?

© Pilu
© Pilu

Pilu est désarçonné par ses aventures européennes. La baie de Txingudi ne serait pas cet espace ouvert et partagé, mais le symbole d’une frontière imaginaire entre deux mondes ? La galère de l’usager en transport en commun (tribune 1), celle du migrant (tribune 2), celle du travailleur frontalier (tribune 3)… Et si ça se trouve, du basque ? Doit-on convoquer une cérémonie à l’île des Faisans pour coopérer ?

Les institutions, c’est pas son truc à Pilu. Il a donc rappelé son pote Iker qui lui a raconté “l’histoire de la coopération transfrontalière en Pays Basque”. Oui, cela aurait pu être le titre d’une thèse, et peut-être est-ce d’ailleurs le cas ? De nombreuses heures pour comprendre le bric-à-brac des institutions, du contexte politique et même diplomatique ; pas mal de cachets d’aspirine… Et voici la synthèse !

Iker n’a pas vraiment aimé la dernière tribune de Pilu : “tu exagères, il se passe plein de choses dans la culture, le sport, et même l’économie, entre Pays Basque Nord et Sud !”. Oui, à en croire des observateurs éclairés comme Iker, de nombreux acteurs économiques et sociaux, des artistes, des groupes de danse, n’ont pas attendu le “grand soir” de la coopération transfrontalière pour franchir la Bidassoa.

Mais plusieurs “grands soirs” ont, semble-t-il, été attendus depuis 40 ans. Depuis l’émergence de la Communauté autonome d’Euskadi et son “gouvernement basque”, jusqu’à l’initiative du District du BAB (sous la houlette d’A. Lamassoure et M. Casteigts) –en marge de la démarche “Pays Basque 2010”– de créer l’Eurocité et un Livre Blanc posant les jalons d’une métropole basque… Coopération quasi enterrée depuis 2001. Certes des conventions se sont déployées entres collectivités publiques, et une “Conférence eurorégionale” a vu le jour à partir de 2007… Mais cette conférence visait plus l’encadrement de la coopération Pays Basque Nord / Sud, par le Département, la Région et l’Etat ! Autrement dit, une coopération a minima.

Depuis, la Région a pris l’initiative de créer un “groupement européen” (GECT), une entité administrative entre l’ancienne Aquitaine et Euskadi, et aujourd’hui la Navarre. Le GECT fait de son mieux pour mettre sur la table des sujets clés : la mobilité, l’emploi, la formation des professeurs de basque… La coopération entre le Nord et le Sud du Pays Basque demeure une “arlésienne” empêtrée par la “question basque” qui alimente les relations diplomatiques entre gouvernements français et espagnol, et par l’asymétrie de fonctionnement administratif et de pouvoir local.

Si les “grands frères” du Sud apportent leur aide à certains dispositifs du Nord (Office public de la langue basque, Institut culturel basque…), leurs yeux n’ont cessé de regarder  au-delà de l’Adour, connaissant finalement assez mal ce “nord”, territoire sans doute perçu avec un certain “exotisme” (on aime y venir voir ses pastorales…). Mobilisant plus de 90 % des impôts, Euskadi est devenue l’une des régions les plus compétitives d’Europe… Alors, vous comprenez…

S’il n’est pas rare de se faire appeler trois jours avant le bouclage d’un fond européen pour cautionner un dossier, les acteurs du “Sud” mésestiment l’esprit entrepreneurial du Nord, la capacité d’innover et à jouer collectif. Depuis une dizaine d’années, la plus grande mutation sociétale s’est faite au Nord. Alors que le Sud est hyper-institutionnalisé et divisé politiquement, le Nord invente avec ses outils spécifiques la co-construction société civile / élus1, crée des outils pour répondre aux besoins (OPLB, EPFL), et arrive à un consensus historique (droite / gauche, abertzale) sur l’institutionnalisation du Pays Basque Nord : fusion de dix EPCI pour arriver à l’Agglomération Pays Basque d’aujourd’hui. De la société civile (et entre autres de deux personnalités marquantes, Michel B. et Jean-Noël E. dit “T”) va “émerger des aventures assez incroyables de la chambre d’agriculture alternative (EHLG) aux artisans de la Paix”.

Le Nord a désarmé, et s’est “armé” de nouveaux outils institutionnels et associatifs “sur mesure”. Désarmant pour le Sud… Au point d’arriver à cette expression grotesque du président du gouvernement basque : “il n’y a qu’un Lehendakari”. Non il n’y aura pas de guerre de Lehendakari. Non les Basques méritent mieux. Vivre et travailler ensemble, construire le Pays Basque de demain, dans une Europe ouverte.

A l’heure où les conditions géopolitiques (processus de Paix, pacification de sociétés…) et institutionnelles (travail entre la Navarre et la Communauté autonome d’Euskadi, institution à l’échelle du Pays Basque nord avec l’Agglomération) semblent enfin réunies, pourquoi ne pas envisager enfin une “Euro-région basque2” ? Est-ce que le terme “euro-région basque” est vécu comme un oxymore, ou encore comme un “tabou” ? Des Basques, de deux pays frontaliers, qui travailleraient ensemble, sans mettre en cause l’unité du Royaume d’Espagne et de la République française ? Nous en serions encore à ce niveau d’immaturité politique, pour avoir si peur “des Basques” ? Le Pays Basque serait encore un “problème” pour certains, à défaut d’être une réponse à une question longtemps posée ?

Alors que le 26 mai nous fêtons l’Europe, à travers notre vote de citoyen… Alors que cette Europe valorise l’ouverture des frontières (internes !), les fonds de coopérations, les euro-régions… Pourquoi le Pays Basque ne rentrerait pas enfin de plein pied dans la mise en œuvre de cette Europe, ici ? Vivement le 26 mai !

1 voir www.lurraldea.net
2 Selon Iker, cette Euro-région basque n’empêcherait pas d’y raccrocher le mille-feuille institutionnel français dans un outil technique…