Goizeder TABERNA

Dialogue de sourds en Corse

Le déplacement d’Emmanuel Macron en Corse, jeudi, a révélé au grand jour le décalage existant entre lui et les représentants de la Collectivité territoriale de Corse.

Emmanuel Macron s'est réuni avec près de 160 élus à Cuzzà, soit moins de la moitié des maires de l'île. (capture d'écran)
Emmanuel Macron s'est réuni avec près de 160 élus à Cuzzà, soit moins de la moitié des maires de l'île. (capture d'écran)

Emmanuel Macron avait rendez-vous avec les élus corses dans le cadre du "Grand débat national". Il les a rencontrés, jeudi 4 avril, à Cuzzà, au sud de l’île. Certains d’entre eux ont préféré boycotter la visite et participer aux mobilisations de l’action "île morte". Dans ce contexte de tensions, le président français a rappelé qu’il était pour "l’autonomie dans la République" mais pas "l’autonomie sans la République".

Un "oui, mais" qui semblait répondre au président de la Collectivité territoriale de Corse, Gilles Simeoni. Ce dernier a estimé que "le fait qu'Emmanuel Macron n'accepte même pas de prononcer le mot autonomie [dans un entretien paru dans Corse Matin, ndlr.] est un signe de fermeture". Ils se sont entretenus par téléphone pendant une heure samedi dernier et la préparation du déplacement du président de la République a mis la lumière sur l’état de détérioration des relations entre le Gouvernement français et les représentants de l’île.

A travers un jeu de questions-réponses avec les maires, dans une salle communale de Cuzzà, Macron a donné la réplique aux représentants de la Collectivité territoriale de Corse qui l’ont interpelé la veille. Dans une déclaration solennelle, les présidents de la collectivité et des groupes de la majorité territoriale ont affirmé qu’ils voulaient eux aussi, comme le souhaite Emmanuel Macron, engager le dialogue. Ils le veulent mais dans un autre cadre que celui de ce 4 avril, car "il laisse de côté" les représentants de nombreuses institutions locales. Ils l’ont donc invité à se rendre à la Collectivité de Corse.

"Je ne réponds pas en tant que président à une convocation à une assemblée territoriale ou alors c'est une perte de repères profonde", leur a rétorqué le président devant les élus réunis, moins de la moitié des 360 invités. Il s’est en revanche dit prêt à les recevoir à Paris. Dans la déclaration du 3 avril, les responsables corses se sont dits disposés au dialogue, mais ils ont aussi mis l’accent sur la méthode. Au-delà du Grand Débat qui s’achève, les représentants de la collectivité attendent un processus permettant de traiter "de façon progressive et structurée avec l’implication de tous les acteurs, l’ensemble des questions".

Emmanuel Macron a renvoyé la responsabilité des crispations aux nationalistes. "Tant qu'on ne sera pas clair sur la condamnation des crimes, on ne pourra pas me dire ‘attention, ne réveillons pas la violence’", a-t-il lancé. Il a insisté sur la reconnaissance des victimes, notamment, le préfet Erignac tué en 1998 : "ceux qui veulent aujourd'hui défendre l'identité corse, doivent aussi faire ce travail mémoriel et savoir dire les choses. Autant la page a été tournée sur Aléria, autant je n'ai pas entendu les mêmes regrets sur l'assassinat du préfet Erignac". Pour sa part, il s’est dit "volontaire, déterminé et ouvert", mais il ne veut pas finir "dans une guerre de postures".

Le président de l'Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni lui a répondu sur les réseaux sociaux, ce vendredi. "Il serait extrêmement grave que la réponse politique à une demande de la Corse soit de dire que le peuple corse est responsable collectivement de la mort du Préfet Erignac il y a 20 ans et de tirer argument de ce drame pour refuser le dialogue", a-t-il écrit.

Pendant plusieurs heures, il a répondu, tel un ministre, aux questions, parfois techniques, souvent politiques, des maires présents. Au cours de l’échange, il a rebondi sur l’intervention d’un participant, considérant que l’idée d’une "chambre des maires et des epci", comme "lieu de dialogue avec les représentants de l’Etat, avec le préfet et la ministre en charge des territoires" serait bonne. Une sorte de débat de Cuzzà permanent…