Anaiz Aguirre Olhagaray

Dunixe Larralde, première joueuse de pelote sanctionnée pour avoir brandi un drapeau basque

Sacrée championne du monde à Cuba en 1990, Dunixe Larralde a perdu sa licence de pelote basque pour avoir montré un drapeau basque. Elle raconte à MEDIABASK le récit de cette sanction, qui l’a marquée à vie.

Dunixe Larralde est éducatrice spécialisée à Hendaye. Elle donne des cours de pelote "en basque", une autre façon de poursuivre la lutte, selon elle. © Guillaume FAUVEAU
Dunixe Larralde est éducatrice spécialisée à Hendaye. Elle donne des cours de pelote "en basque", une autre façon de poursuivre la lutte, selon elle. © Guillaume FAUVEAU

Cuba, 1990. Dunixe Larralde, Hendayaise native de Mendionde, devient championne du monde lors de la toute première compétition internationale de pelote basque ouverte aux femmes. Elle est aussi la première à être sévèrement sanctionnée pour avoir brandi, en montant sur le podium, un drapeau basque.

Que s’est-il passé ce jour-là ?

Dunixe Larralde : Juste avant de monter sur le podium, j’ai sorti l’ikurriña. La réaction a été très violente, on m’a déchiré mon t-shirt, on s’est un peu bagarré. Et ils m’ont retiré le drapeau basque des mains. Les conséquences ont été terribles. On m’a enlevé ma licence. Pendant deux ans, je n’ai plus pu jouer à la pelote, sachant qu’en 1992, il allait y avoir les Jeux Olympiques de Barcelone, auxquels j’avais été sélectionnée. C’est la raison pour laquelle on m’a sanctionnée pour deux ans. Je ne pouvais même plus participer à un simple tournoi.

Cette action a-t-elle été médiatisée ?

D.L. : Assez peu. J’avais donné une conférence de presse. Il y avait trois journalistes. Au préalable, j’avais lancé une pétition qui avait réuni environ 500 signatures. Mais ça n’a pas été relayé comme aujourd’hui… J’avais fait appel de cette sanction, aidée d’un avocat. En commission disciplinaire, ils ne l’ont pas laissé dire un seul mot. Mon avocat était un joueur de pelote de l’Aviron Bayonnais. Ce que l’on voulait, c’était que la sanction soit levée, ou du moins allégée. Mais ils n’ont rien voulu faire...

A l’époque, c’était la première action de ce type ?

D.L. : Oui.

Qu’avez-vous fait ensuite ?

D.L. : J’étais enseignante de sport, je faisais des remplacements. En parallèle, j’ai passé un concours pour travailler en mairie, dans les services sportifs, et j’ai été reçue. J’avais un an pour faire un stage et valider le concours. J’ai envoyé ma candidature à plusieurs mairies. Mais la plupart m’ont renvoyé à la figure ce qu’il s’était passé à Cuba, et n’ont pas voulu m’embaucher. Faute de stage, je n’ai pas pu valider mon concours.

Avez-vous eu des difficultés à trouver un emploi ?

D.L. : Oui, ce qui m’a beaucoup étonnée. Comment était-ce possible ? Les gens de la Fédération française y étaient pour quelque chose, c’est sûr...

Pensez-vous que la sanction a été d’autant plus dure que vous êtes une femme ?

D.L. : Oui. J’étais une femme, et en plus à l’époque, je fréquentais les milieux des réfugiés basques, je parlais toujours en basque. Je ne pense pas qu’ils auraient agi de la même manière si j’avais été un homme. J’aurais reçu davantage de soutiens.

Justement, avez-vous reçu du soutien ?

D.L. : Assez peu, sauf de la part de la Ligue de pelote du Pays Basque. Les responsables avaient signé ma pétition pour la plupart.

Portiez-vous à l’époque la revendication d’une sélection basque ?

D.L. : Il y avait une sélection basque, de l’autre côté. On était très copains avec eux. Mais c’est après que s’est développée l’idée d’une sélection basque.

Que pensez-vous de ce qui est arrivé à Bixintxo Bilbao ?

D.L. : La sanction qu’il a failli avoir, c’est l’interdiction de participer à des compétitions internationales. Cela n’a rien à voir avec la sanction que j’ai reçue. Tant mieux que la sienne ait été levée, mais il pouvait quand même continuer à participer aux championnats de France. Tandis qu’à moi, on m’a enlevé tous mes droits.

Est-ce un signe que les temps ont changé ?

D.L. : Cela n’a pas changé du tout. Mais je pense que c’est de la faute des joueurs, ils se taisent. Il n’y a pas d’action. Ni avant la finale, ni après. Alors que c’est là qu’il faut agir. Cela signifie qu’on cautionne les choses. Il faut batailler à chaque compétition, par des petites actions. Refuser d’entrer dans la sélection française, ou avant une finale, accrocher un ikurriña. Et le faire assez souvent.

Que pensez-vous de la nouvelle génération de pilotari ?

D.L. : Il y a des jeunes qui sont complètement basques mais qui ne mènent pas du tout cette bataille. C’est dommage, car notre identité est là. Il y a trop longtemps que nous devrions intégrer cela dans la Fédération, que la pelote vient du Pays Basque et qu’on porte de façon naturelle cette particularité. Sans nous, la Fédération française ne serait rien ! Si on sortait les joueurs basques de la Fédération, il n’y en aurait plus… Parce que les meilleurs pilotari, ce sont les Basques. C’est un problème politique. On est encore là-dedans, 25 ans plus tard. C’est incroyable.