AINHOA AIZPURU

LGV : un regard différent des deux côtés de la Bidassoa

La construction de lignes grande vitesse suit un chemin bien différent dans l’Hexagone et dans l’état espagnol. Alors que du côté nord du Pays Basque le tronçon Dax-Hendaye semble loin d’être prioritaire, au sud, le tracé connu comme “Y basque” continue de bénéficier du soutien des autorités.

Les dates d'ouverture du "Y basque" sont sans cesse repoussées.
Les dates d'ouverture du "Y basque" sont sans cesse repoussées.

Des deux côtés de la Bidassoa, la mise en place de lignes de train à grande vitesse ne soulève vraisemblablement pas le même engouement. Alors qu'en toute logique les deux lignes semblent complémentaires et interdépendantes, le soutien affiché du côté sud se heurte à un enthousiasme bien moindre du côté nord.

D’après les dernières informations relatives au grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GSPO), comportant les lignes Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Hendaye, la partie touchant le Pays Basque ne semble pas être à l’ordre du jour. En janvier 2019, trois tronçons du projet ont bien été soumis à une enquête publique : Nord de Toulouse, Sud de Bordeaux, et les lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax.

La partie Dax-Hendaye est exclue de cette soumission à enquête et semble donc être gelée. Or, un simple regard aux cartes montre que c’est cette portion qui fait le lien avec le système ferroviaire de grande vitesse espagnol. Cette connexion semble plus importante pour la péninsule ibérique que pour l’Hexagone qui partage frontières et connexions ferroviaires avec l’Italie, la Suisse, l’Allemagne et la Belgique. Mais malgré ce coup d’arrêt, du côté sud, les travaux se poursuivent.

La rentabilité de l’infrastructure

Dans l’état espagnol, le pari pour la grande vitesse date de 1992, quand la ligne Madrid-Séville était inaugurée en grande pompe. A l’image du voisin gaulois, incontournable source d’inspiration en matière de jacobinisme, le réseau est imaginé en étoile autour de Madrid, reliant la capitale aux grandes villes périphériques : Séville, Barcelone, Valence, Saragosse ou encore Bilbo.

Mais dans cet Etat au relief montagneux, sa mise en œuvre s’est avérée plus compliquée que prévu. Les difficultés techniques ont fortement fait augmenter le prix du kilomètre de voie, rendant difficile la rentabilité de l’infrastructure. Du point de vue politique, la Catalogne et Valence ont toujours contesté le réseau en étoile, préférant un axe méditerranéen les reliant au couloir rhodanien et au nord de l’Italie. Cela a entrainé la multiplication de tracés, les décideurs cherchant le consensus en superposant des lignes.

Quand au Pays Basque, point de passage naturel vers l’Europe du Nord, le chemin n’y a pas été plus facile. Dans un contexte de forte saturation des axes routiers, la grande vitesse a été présentée par le gouvernement basque depuis 1990 comme un projet indispensable au développement du pays. C’est alors qu'a vu le jour l’idée du "Y basque", avec une ligne venant du sud qui bifurquerait après Gasteiz pour rejoindre Bilbo d’un coté, et Irun de l’autre. Un nœud ferroviaire est prévu près de Bergara, au centre de cet énorme Y.

Un manque d'intérêt de Madrid

Mais la construction des voies ferrées relevant du gouvernement de Madrid, le dossier basque traîne depuis longtemps. Au fil des années et des budgets, les connexions avec des régions plus peuplées et politiquement plus calmes comme l’Andalousie, Valence et la Catalogne ont été privilégiées, au grand dam des autorités basques. Pour palier à ce manque d’intérêt de Madrid, le gouvernement basque s’est fortement investi dans les travaux, en assumant même la construction de certains tronçons de la ligne à partir des années 2000.

Sans véritable surprise, ces travaux se font avec de grandes difficultés, et les coûts se sont multipliés du fait du relief extrêmement abrupte de la Bizkaia et du Gipuzkoa. Ainsi, une grande partie du parcours a obligé à creuser des tunnels ou à construire des viaducs. Aujourd’hui, c’est la date de 2023 qui est mise en avant.

Un projet contesté

Le célèbre "Y basque", désormais intégré dans le vocabulaire et l’imaginaire des habitants de la communauté autonome basque, soulève tout de même bien des interrogations auxquelles le gouvernement basque n’apporte pas vraiment de réponse. Tout d’abord, la rentabilité du projet, du point de vue strictement économique mais aussi social, car un chantier tellement cher entrainera sûrement des prix de billets élevés. La faible distance entre les trois capitales, environ de 100 km, fait aussi que la voiture et les services d’autobus seront une rude concurrence pour le train à grande vitesse. D’un point de vue environnemental, le projet est aussi contesté.

Mais finalement, l’existence ou pas de connexion à grande vitesse vers le nord, en direction de Paris, et vers le sud, en direction de Madrid, est sans doute la question la plus épineuse. Au-delà de vagues promesses politiques, la réalité est que la réalisation des travaux n’est pas assurée, dans aucun des deux cas. Ainsi, le fait que le Y basque soit une absurde "île à grande vitesse" semble aujourd’hui possible.

Les trajets locaux ne suffisant pas à justifier un chantier de cette envergure, la connexion avec la LGV de l’État français semble indispensable pour justifier un projet comme le "Y basque". A ce jour, la SNCF ne semble néanmoins pas trop intéressée à prolonger la LGV jusqu’à Irun. Visiblement, cela ne semble pas décourager le gouvernement de Gasteiz.