Anaiz Aguirre Olhagaray

Quand tourisme rime avec développement durable

L’été, les touristes au Pays Basque se comptent par millions. L’impact est grand : pollution de l’air, des eaux, routes engorgées, plages saturées. Mais le tourisme peut être maîtrisé et durable, selon l’association Agir pour un tourisme responsable.

Le sommet de La Rhune, déjà très fréquenté, pourrait être réaménagé pour accueillir davantage de visiteurs. Un projet pas si durable pour le collectif Larrun Ez Hunki. © Bob EDME
Le sommet de La Rhune, déjà très fréquenté, pourrait être réaménagé pour accueillir davantage de visiteurs. Un projet pas si durable pour le collectif Larrun Ez Hunki. © Bob EDME

La fréquentation touristique du Pays Basque en 2017 était estimée à 21 millions de nuitées, d’après les chiffres de l’Agence de développement touristique du 64. Selon une étude de l’Audap (Agence d’urbanisme), 69 millions de personnes étaient présentes sur le Pays Basque et les Landes entre le 1er juin et le 23 septembre 2015, soit en moyenne 605 000 par jour. Face à ces chiffres, peut-on imaginer que le tourisme puisse être durable ? Comment réconcilier les habitants avec les touristes ?

"Pour nous, il y a des endroits où un seul touriste par an, c’est déjà trop, et des endroits où 10 000 visiteurs par jour peuvent être accueillis d’une manière responsable", estime Julien Buot, directeur de l’association Agir pour un tourisme responsable (ATR). "On ne veut pas opposer tourisme de masse et tourisme responsable. On ne dénonce pas le tourisme par nature, parce qu’on pense qu’il peut être bien géré".

Mieux répartir ou imposer un quota ?

Nicolas Martin, directeur de l’office de tourisme Pays Basque, préconise de rééquilibrer les flux touristiques dans l’espace et dans le temps. Est-ce vraiment une solution ? "Oui et non", répond Julien Buot. "Là où il y a une forte fréquentation, il faut essayer de déconcentrer le flux dans le temps et dans l’espace, car il se répartit à l’échelle de la saison, mais aussi à l’échelle du territoire. Cependant, il y a quand même des impondérables, des destinations incontournables où il est difficile de dire aux gens qui viennent pour la première fois : ‘N’y allez pas’".

Il invite en revanche à "imaginer de les faire venir plus tôt le matin ou plus tard le soir, car l’échelle temporelle de la fréquentation touristique doit être travaillée aussi à l’échelle d’une journée". Attirer au Pays Basque les visiteurs en dehors de la période estivale lui paraît relever du "mythe". "La vérité de la consommation touristique est qu’elle est massive car les gens sont en vacances à des périodes encore relativement fixes". Julien Buot encourage toutefois à "créer des événements" et à "attirer des flux à l’intersaison".

En août 2018, le parti indépendantiste corse Corsica Libera proposait l’instauration d’un quota limitant le nombre de visiteurs sur les sites naturels. "Le grand risque des quotas, c’est qu’il y ait une montée en gamme et une sélection par l’argent. Il faut privilégier ceux qui sont préventifs, c’est-à-dire qui réservent à l’avance, plutôt que ceux qui ont de l’argent. Je ne pense pas que ce soit la meilleure des solutions", juge le directeur d’Agir pour un tourisme responsable.

Habitants et touristes

Pour évaluer l’impact environnemental et climatique du tourisme, Julien Buot préconise de mener les études à échelle locale. Mais il reste convaincu que "ce n’est pas parce qu’aujourd’hui un site ne peut pas accueillir de touristes que demain, s’il est aménagé, si on travaille en concertation avec les habitants et les acteurs locaux, on ne peut pas le développer".

Mais alors, comment parvenir à réconcilier habitants et visiteurs ? "Je vais vous donner l’exemple de la commune d’Evreux, en Normandie. Leur office du tourisme s’est complètement transformé pour devenir un ‘comptoir des loisirs’. Il a vocation à rendre service aux habitants, et à dire que les premiers touristes, ce sont eux. Les premiers ambassadeurs pour partager et promouvoir une destination, ce sont les habitants eux-mêmes". D’après Julien Buot, "le meilleur moyen de réconcilier les touristes avec les habitants, c’est de faire des habitants les premiers consommateurs touristiques de leur territoire".

Le label ATR

Créée au départ par des voyagistes d’aventure (dont l’agence pyrénéenne La Balaguère), l’association ATR regroupe aujourd’hui une quarantaine de tour-opérateurs soucieux de l’impact environnemental de leur activité. Ensemble, ils ont décidé de solliciter l’organisme de certification Ecocert Environnement pour mettre en place un label de tourisme responsable.

L’ATR est elle-même membre d’une autre association, Acteurs du tourisme durable, dont Julien Buot est également le secrétaire. Créé par des journalistes, ce réseau interprofessionnel réunit tous types d’acteurs : des offices du tourisme, des bureaux d’étude, des écoles, des hôtels, des voyagistes, etc. "On a un rôle de lobbying pour faire reconnaître le poids du tourisme durable auprès des autorités", indique Julien Buot. "Des collectivités locales nous ont également rejoints". Exemples les plus proches du Pays Basque : l’office de tourisme de l’intercommunalité du Seignanx et le comité départemental du tourisme du Gers.