AINHOA AIZPURU

Nouveau rebondissement dans l'affaire Pablo Ibar

Le cas du basco-américain Pablo Ibar a connu de nouveaux rebondissements ces derniers jours. Un membre du jury qui a confirmé le verdict de culpabilité d'Ibar a appelé le juge pour se rétracter alors qu'un second aurait pu ne pas respecter les conditions d’isolement requises. Un épisode de plus dans une odyssée judiciaire qui dure depuis la fin des années 1990.

Une affaire qui a commencé depuis plus de 20 ans maintenant. (PabloIbar.com)
Une affaire qui a commencé depuis plus de 20 ans maintenant. (PabloIbar.com)

Alors que tout semblait perdu après le verdict des neuf membres du jury qui ont déclaré Pablo Ibar coupable d’un triple assassinat, de nouveaux éléments viennent s'ajouter au périple judiciaire du Basco-Américain.

Un des membres du jury a communiqué officiellement au juge qu’il change d’avis et se rétracte de la décision prise dimanche 20 janvier dernier. Le juge n'a pas encore répondu officiellement, mais il est peu probable qu'il accepte d'annuler tout le procès. En effet, si tous les jurys ne sont pas d'accord, le procès est déclaré nul. Cependant, dans le droit américain, les jurys sont censés prendre leurs décisions seulement avec l'information qu'ils ont au moment du procès, et ce jury repenti aurait changé d'avis en apprenant de nouveaux détails du cas après le verdict.

Ce membre du jury, connu comme "Collins" a écrit sur Internet qu'il a souffert de pressions pour déclarer Pablo Ibar coupable. Le juge l'a écouté et a finalement décidé de l'expulser. La raison est que les membres de jury américain ne peuvent pas communiquer publiquement sur les décisions prises lors d'un procès. Collins a avoué être l'auteur des messages, il s'est excusé et s'est engagé à les effacer. Pour l'instant, le juge ne semble pas vouloir entrer dans le fond de la question, c'est-à-dire savoir s'il a vraiment souffert de pressions extérieures.

Son expulsion du jury peut avoir des conséquences pour P. Ibar, mais il n'est pas encore clair lesquelles. La semaine prochaine, le jury se réunira à nouveau pour décider la peine infligée à l'accusé. En Floride, il est nécessaire d'avoir une décision unanime afin de condamner quelqu'un à la peine de mort, mais une décision à la majorité suffit pour la condamnation à la prison à perpétuité.

De plus, un autre jury aurait eu connaissance d’informations sur l’accusé qui auraient pu contaminer sa prise de décision. Il s'agit d'un remplaçant qui aurait entendu une conversation entre avocats. Le juge Dennis Bailey a accepté son remplacement, l'estimant non apte à décider. Cependant, s'agissant d'un remplaçant, le changement ne devrait pas remettre en question la décision prise dimanche dernier.

Tout commence à l'été 1994

Fils du pilotari gipuzkoar Candido Ibar et d’une Cubaine, aujourd’hui âgé de 46 ans, Pablo Ibar a grandi en Floride. Il est issu d’une dynastie de sportifs basques, car son oncle Jose Manuel Ibar, connu comme "Urtain" du nom de la ferme dont il était issu, a été champion d’Europe de boxe en 1970. Alors que son père Candido jouait professionnellement à la Cesta Punta à Dania Beach, le jeune Pablo mène une vie dissolue.

Tout commence en juin 1994, quand la police arrive dans une maison de la ville de Miramar en Floride et y retrouve trois cadavres. Il s’agit de Casimir Sucharski, propriétaire de la maison et d’une boîte de nuit, ainsi que deux danseuses, Sharon Anderson et Marie Rodgers. Après une courte enquête, Pablo Ibar et son ami Seth Peñalver sont arrêtés et accusés du triple meurtre.

Ce seront les derniers moments de liberté pour le Basco-Américain, car à partir de ce moment-là commence un interminable parcours judiciaire digne d’un roman de Kafka. Les particularités du droit et du système judiciaire américain provoquent une succession de rebondissements qui n’en finissent jamais. Les deux accusés sont jugés pour la première fois à Fort Lauderdale le 5 mai 1997, mais le procès est déclaré nul en janvier 1998, car les jurys n’ont pas réussi à se mettre d’accord.

Condamné à mort

Un deuxième procès débute le 11 janvier 1999. Alors que le jury vient de se réunir, Kayo Morgan, l’avocat commis d’office attribué à P. Ibar est arrêté et emprisonné pour violences contre une femme enceinte alors qu’il était ivre et drogué. Malgré sa demande, P. Ibar n’obtient pas le changement d’avocat mais seulement que son procès soit ajourné. De son côté, le procès de Seth Peñalver continue et il est reconnu coupable et condamné à mort.

Le 17 avril 2000, le troisième procès commence avec le même avocat douteux et le jury déclare P. Ibar coupable des trois assassinats. Il est ensuite condamné à mort le 24 juillet de la même année. La condamnation est basée sur une vidéo en noir et blanc où on peut voir un individu similaire à Pablo Ibar. Cependant, la qualité de l’enregistrement est mauvaise et des doutes subsistent, car il n’y a pas de preuves ADN, ni d’empreintes digitales : en effet, les traces de sang, les cheveux et les empreintes de doigts présents dans la scène du crime n’appartiennent pas à P. Ibar. L’avocat commis d’office n'avance pas le manque de preuves et accepte le verdict.

La famille Ibar ne désespère pas et tente de faire annuler le procès pour différents vices de procédure. Pendant 16 ans, ils vont se battre pour obtenir une répétition du procès. En mai 2016, le tribunal suprême de Floride concède que les preuves présentées sont faibles et ordonne la mise en place d'un nouveau procès. Pour en arriver là, la famille Ibar a besoin de sommes colossales, car les avocats sont très fortement rémunérés aux Etats-Unis. Avec l’aide du juriste argentin Andrés Krakenberger, ils créent la fondation Pablo Ibar contre la peine de mort et lèvent des fonds au Pays Basque. Après plusieurs tournées auprès des privés comme des institutions publiques, ils arrivent à lever 1,3 millions de dollars pour payer les avocats.

Une culture hyper-punitive

Le dénouement longuement attendu n’a pas été aussi favorable qu’espéré car le 20 janvier dernier, le jury a déclaré P. Ibar à nouveau coupable. Le procureur a demandé une fois de plus la peine de mort. En attendant que le juge estime s’il y a lieu d’annuler ce dernier verdict, le cas de P. Ibar montre la cruauté et l’absurdité des systèmes judiciaires et, en particulier, du système américain.

Une justice où les moyens économiques d’un accusé déterminent la qualité de sa défense, la lenteur des procès, la déshumanisation de l’emprisonnement et enfin l’inhumanité de la peine de mort sont des sujets qui nous interpellent dans le cas de Pablo Ibar. Fils d’un Basque, son cas nous touche davantage, mais il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg d’une justice injuste dans un pays, les Etats-Unis, dont la culture hyper punitive apparaît extrêmement violente.