Antton Etxeberri

L’engagement d’un territoire dans toute sa diversité

La diversité du monde culturel, social et politique a marqué la manifestation de Bayonne. @Bob EDME
La diversité du monde culturel, social et politique a marqué la manifestation de Bayonne. @Bob EDME

85 000 manifestants qui réclament l’application pure et simple de la loi pour chacun des prisonniers politiques basques, dont 9 000 dans le rues de Bayonne. Au-delà des chiffres, la diversité de représentation et la multitude d’acteurs de la vie sociale et politique resteront l’élément remarquable d’une telle mobilisation. Rarement autant de manifestants ont été présents dans les rues d’une ville du Pays Basque Nord pour une thématique aussi marquée que la question des prisonniers politiques basques.

La société du Pays Basque a compris que l’objectif du processus de paix définitif nécessitait, une fois de plus, l’engagement du territoire, au moment où les discussions avec Paris sont bloquées par des considérations qui outrepassent le propre cadre de la loi. La diversité présente dans les rues de Bayonne samedi, à travers les représentants du monde culturel, social, associatif, religieux et politique ne peuvent laisser aucun doute quant à la volonté du peuple basque d’aller de l’avant dans ce processus de paix et de ne pas accepter que des considérations politiques parisiennes et diplomatiques puissent mettre en péril ce processus.

Le monde politique dans toute sa diversité était présent dans les rues de Bayonne, car les acteurs politiques de ce territoire ont compris l’importance du moment. Voir défiler derrière une même banderole des élus et militants du Nouveau Parti Anticapitaliste, de la France Insoumise, de Génération.s, du Parti Socialiste, d’EH Bildu, d’Europe Ecologie Les Verts, d’Euskal Herria Bai, du Modem, du Parti Nationaliste Basque, de l’UDI, des Républicains n’est pas une coïncidence, ni un fait divers… Si les représentants départementaux de La REM n’avaient pas appelé à manifester dans les rues de Bayonne alors qu’ils l’avaient fait il y a un an pour la mobilisation de Paris, on a pu voir certains élus et militants de La République en Marche dans les rues de Bayonne samedi, et non des moindres, défendre de manière publique que la loi soit respectée pour l’ensemble des prisonniers basques, et réclamer à leurs collègues qui sont en poste au gouvernement de prendre part au processus de paix sans s’aligner sur les positions de Madrid. Le consensus qui prévaut depuis ces dernières années en Pays Basque Nord sur cette question de résolution du conflit aura même réussi à ce que le PNB appelle sans problème à manifester à Bayonne, alors qu'il ne l'a pas fait pour la manifestation de Bilbo, qui avait le même leitmotiv. Dans le même sens, le Parti Socialiste départemental était présent dans les rues de Bayonne, à la différence de son homologue du Pays Basque Sud que ne l'était pas à Bilbo…

Depuis la démarche initiée par ETA de manière unilatérale dès 2011, avec l’arrêt définitive de la lutte armée, jusqu’à la manifestation de samedi, en passant par l’engagement d’hommes de paix à stature internationale à Aiete, celui de nombreux citoyens "artisans de paix" qui ont pris tous les risques pour obliger l’Etat français à accepter le désarmement d’ETA, la mobilisation à Paris pour réclamer la participation de l’Etat français au processus de paix, et enfin la disparition de l’organisation clandestine en mai dernier, les étapes ont été nombreuses pour avancer. La question de la résolution des conséquences de ce conflit armé, celle des prisonniers et des victimes, est à présent le dernier chapitre à résoudre pour mener à terme ce processus de paix. Reconnaissance, vérité, réparation, application de la loi, justice transitionnelle… Les recettes appliquées dans d’autres conflits armés à travers le monde sont connues de beaucoup. La spécificité du conflit armé au Pays Basque nécessitera sans doute des réponses parfois différentes, mais qui devront répondre une fois pour toute à l’enjeu crucial pour l’avenir du Pays Basque : celui de fermer définitivement la page du conflit armé. Les Etats français et espagnol ont l'opportunité et le devoir d'y participer enfin.