AINHOA AIZPURU

Iruñea : Volkswagen amorce un virage non contrôlé

Le gouvernement espagnol a présenté son projet de loi contre le changement climatique. La décision d’interdire la vente de tout véhicule émettant des gaz toxiques à partir de 2040 suscite l’inquiétude des fabricants de voitures, comme à Iruñea où l’usine Volkswagen règne en maître.

Jusqu'à aujourd'hui, le groupe Volkswagen ne s'est toujours pas exprimé sur son avenir. (VOLKSWAGEN)
Jusqu'à aujourd'hui, le groupe Volkswagen ne s'est toujours pas exprimé sur son avenir. (VOLKSWAGEN)

Le projet de loi contre le changement climatique et pour la transition énergétique a été présenté au Parlement espagnol. D’après le texte présenté, tout "véhicule de tourisme ou commercial léger (camionnette) émettant du dioxyde de carbone", sera interdit à la vente dès 2040. Ce veto touchera les véhicules à essence tout comme les diesels, et même les hybrides ou les rares véhicules consommant du gaz naturel. Seuls les automobiles électriques, fonctionnant à l’hydrogène ou à toute autre technologie propre pourront être commercialisées. Après l’interdiction à la vente, les moteurs à explosion auront dix ans pour disparaître et ne seront plus autorisés à circuler à partir de 2050.

Cette mesure est annoncée avec suffisamment d’avance pour que le monde de l’automobile s’adapte, estiment les experts. C’est en particulier l’impact sur l’emploi qui fait que le gouvernement espagnol présente un délai aussi considérable. La ministre espagnole pour la Transition écologique, Teresa Ribera, a annoncé vouloir en discuter avec l’ensemble des acteurs politiques et industriels. Son souhait serait de faire passer la nouvelle loi "avec le plus grand consensus", dès la fin de l’année.

Déjà quatorze pays ont annoncé leur intention de se passer des carburants fossiles. Même des géants comme l’Inde et la Chine se sont engagés à en faire de même, respectivement en 2030 et 2040. Dans l’Union européenne, huit pays en plus de l’Espagne sont en train de planifier la fin des moteurs à combustion. Le Danemark, les Pays-Bas et l’Irlande sont plus ambitieux, fixant 2030 comme date limite. Ils pourraient être suivis par la Suède et la Slovénie. En Autriche, un rapport du gouvernement préconise d’en finir en 2020 avec la vente de véhicules roulant aux carburants fossiles. Hors de l’Union européenne, la Norvège planche sur 2025.

Pourtant, certaines voix affirment que 2040 pourrait déjà être trop tard. Un rapport rédigé par l’organisation Transport & Environment, une fédération spécialisée dans le transport durable, soutient que "l’Europe doit vendre son dernier véhicule à moteur à combustion vers 2035 au plus tard. Cela sera indispensable pour pouvoir décarboner le transport en 2050 et ainsi atteindre les objectifs de l’Accord de Paris".

Même si le texte compte un grand nombre de propositions, entre les différentes mesures proposées, c’est évidemment l’interdiction de vente de véhicules diesel et essence pour 2040 qui fait parler le plus au Pays Basque Sud, là où l’industrie automobile et ses auxiliaires ont un poids important dans l’économie.

L’incertitude totale

C’est notamment le cas à Iruñea, capitale de la Navarre, où l’usine Volkswagen de Landaben emploie 4 800 personnes, en plus des milliers de travailleurs dans des industries sous-traitantes. Pour l’instant, le personnel de l’usine est dans l'incertitude totale. Si les véhicules actuellement fabriqués à Iruñea, essentiellement des moteurs à essence, semblent garantir une certaine stabilité à l’emploi, on n’en sait pas beaucoup plus sur la façon dont s’opèrera la transition vers les moteurs électriques.

Raul Portillo, délégué syndical de LAB à Volkswagen, signale que cela dépendra de la décision de la marque concernant le site où seront fabriquées les futures voitures électriques. Il rappelle que la construction de voitures électriques utilise à peu près la même main-d’œuvre dans le domaine de la peinture et la carrosserie. En revanche, les moteurs électriques possédant beaucoup moins de pièces que ceux à combustion, il est prévisible que la main-d’œuvre nécessaire pour la construction et le montage de ces derniers se réduise. Avec moins de pièces à transporter, les besoins logistiques seront également moindres.

Entre les travailleurs de Landaben, il y a bien des rumeurs et des "on dit", mais rien n’est sûr car Volkswagen n’a pas encore dévoilé ses intentions. Si la marque va vraisemblablement s’adapter et fabriquer des voitures électriques, l’impact sur l’emploi ainsi que les délocalisations qui pourraient s’opérer obligent les travailleurs à rester vigilants.