Xan Idiart

Une marée basque sur les routes du Tour

Des milliers de personnes se sont rassemblées entre Saint-Pée-sur-Nivelle et Espelette ce samedi 28 juillet lors de l'avant-dernière étape du Tour de France, pour "montrer au monde qu'ici, c'est le Pays Basque".

Des milliers de Basques se sont rendus sur la route du Tour de France. (@TourraEHn)
Des milliers de Basques se sont rendus sur la route du Tour de France. (@TourraEHn)

A la place de Larressore, un bus s'arrête, un de ceux qui amènent les supporters du Tour de France sur le parcours de l'avant-dernière étape entre Saint-Pée-sur-Nivelle et Espelette ce samedi 28 juillet. Joseba, la quarantaine, descend là, accompagné de sa fille Irati et de sa femme. Tous les trois se rendent à pied sur les hauteurs du village, dans un champ où une centaine d'autres personnes les ont déjà précédés sous le slogan "You enter in the Basque Country".

"Je dois servir le café pour l'ikastola de Cambo" affirme Joseba avant d'entamer la dernière côte. Les inscriptions "Kasu, ikastolak kexu !" (attention les ikastola en colère, en français) et "freedom all basques prisonners" (liberté pour tous les prisonniers basques, en français) se disputent la place sur son t-shirt comme sur tant d'autres qui ont pris la route de Larressore.  

Une fois arrivé à destination, Rafu, un des organisateurs de l'événement prend le micro et rappelle à tous les fans de cyclisme la raison du rassemblement : "Montrons au monde entier qu'ici, c'est le Pays Basque". Une salve d'applaudissements accueille ces paroles. Certains sont là depuis la veille et ont dormi sur place, déterminés comme jamais. Beaucoup portent un t-shirt vert "This is the Basque Country" vendu par les organisateurs.

Mikel Landa attendu

L'inquiétude se lit tout de même sur des visages. Un gendarme s'approche d'un groupe de supporters. Les organisateurs du Tour de France n'apprécient pas la banderole accrochée par les manifestants au-dessus de la route et sur laquelle est réclamée la libération des prisonniers basques. "Ils nous disent qu'elle pourrait tomber sur les coureurs" annonce circonspecte une femme aux cheveux blancs, un drapeau basque à la main. Anxieuse, elle s'installe à côté de la banderole et attend l'agent de sécurité qui la coupera. Finalement, personne ne viendra et la femme retrouve sa bonne humeur.

Soudain, les premières caravanes publicitaires font leur apparition. L'étape est sur le point de commencer. Le champ se vide et les bords de route se remplissent d'ikurrina. Quand une femme aux cheveux blonds sur un camion s'en saisit d'un et le brandit, la foule l'acclame. Au contraire, quand le speaker de la caravane Vittel hurle "agua, agua" en espagnol, les supporters le huent et lui répondent "ura, ura!" en basque.

Mais le mécontentement prend fin très vite. Les supporters n'attendent qu'un cycliste : le basque Mikel Landa de la formation Movistar. Alors, quand le coureur originaire de Murgia (Araba) fait son apparition pour un tour de reconnaissance, les bords de route tremblent de joie et de fierté. Sixième au classement général, le Basque ne réalise pourtant pas son meilleur Tour de France. "C'est pas grave, c'est Mikel Landa, il défend nos couleurs et il est chez lui ici" en pleure presque un jeune adolescent vêtu du maillot de la Real Sociedad.

Une mosaïque en direct

De son côté, Rafu ne lâche pas son micro. "Approchez-vous, c'est le moment de prendre la mosaïque en photo". 750 personnes s'installent au milieu du champ avec des pancartes pour dessiner une carte du Pays Basque. Tout à côté, les enfants tiennent de leurs petites mains un ikurriña géant. L'organisation prend beaucoup de temps, les gens fatiguent mais la patience leur colle à la peau.

Dans cette attente, les manifestants lèvent les yeux au ciel, interloqués. Un hélicoptère de France Télévision s'approche. Tout le monde n'est pas à sa place mais peu importe, l'ikurriña et la carte du Pays Basque doivent apparaître à la télévision. Objectif atteint : France 2 diffuse en direct l'événement alors que chacun sous sa pancarte s'égosille "independentzia ! Independentzia !".

Deux gendarmes débordés

Les mêmes cris accompagneront les coureurs tout l'après-midi. Chaque gendarme en moto qui précède chacun des coureurs a droit lui aussi à son allée verte blanche rouge, les applaudissements en moins.

Par moment, l'excitation atteint des sommets. Vers la fin de l'étape, lorsque les deux frères Izagirre et Mikel Nieve, tous trois cyclistes basques, apparaissent l'un après l'autre, la foule quitte les bords et envahit une partie de la route pour les encourager.

Mikel Landa est le dernier Basque à pointer le bout de son guidon et à disparaître à toute vitesse vers Espelette. "Maintenant, on peut bloquer la route" s'exclame ironiquement un homme sous son drapeau navarrais. Sur 300 mètres, il n'y a que deux gendarmes. Un groupe de touristes français les tournent en dérision tant ils sont débordés. "Et siffle là, fais ton boulot".

Une journée réussie

"Nous sommes très contents du déroulement de la journée" assure Garikoitz Mujika, un des organisateurs de l'événement. "Le but était de montrer que l'année dernière, le Tour a commencé en Allemagne et qu'il s'est terminé cette année au Pays Basque". Une boisson à la main, cet ancien journaliste de Gara ne boude pas son plaisir : "Nous avons réussi".

Parents d'ikastola, abertzale ou simple supporters, tout le monde partage son avis. "Ici, nous n'avons pas montré un piment d'Espelette" rigole un papa, son petit de trois ans dans les bras. La journée a été longue mais étrangement, elle est déjà terminée. Les familles rentrent chez elles un talo à la main. Les plus jeunes, eux, ont une autre destination. "Maintenant, il faut qu'on aille raconter ça à ceux qui sont restés aux fêtes de Bayonne".