Bénédicte Saint-André

J-R Etchegaray : Notre ambition est supérieure à l'addition des ambitions d'hier

En ce début d'année, nous nous sommes entretenus avec le président de la Communauté d'agglomération Pays Basque Jean-René Etchegaray. La séquence qui s'ouvre pour l'institution est celle de l'élaboration du projet de territoire. Un projet qu'il souhaite voir placer sous l'égide des solidarités. Il en esquisse les fondamentaux et répond aux critiques. 

Jean-René Etchegaray © Bob Edme
Jean-René Etchegaray © Bob Edme

Vous avez l'habitude de filer la métaphore entra la Communauté d'agglomération et l'etxe, la maison commune. 2017, l'année des fondations ?

Jean-René Etchegaray : Oui tout à fait, les fondations sont posées. Et elles ont été posées grâce à un exercice auquel on ne s'était jamais plié. L'ensemble des élus du Pays Basque ont parlé ensemble des politiques publiques que nous avions à mener.

C'est un travail très nouveau, et sur le plan humain tout à fait exceptionnel. Car cette communauté est avant tout faite de chair et de sang. Et je peux vous dire qu'il n'y a aucun rapport entre la façon dont on conçoit aujourd'hui les politiques publiques et la façon dont on les concevait hier. Nous allons beaucoup plus loin. Tant en matière de nouveaux domaines fixés par la loi, qu'en matière de compétences dites obligatoires, qu'en matière de compétences que nous avons choisi d'exercer. Je pense par exemple aux politiques linguistique et culturelle autour des langues basque et gasconne.

Autre acte fondateur, la prise de compétences "eau et assainissement". Qu'ont à gagner les usagers ?

J-R. E : Les usagers n'ont qu'à gagner en ce domaine. On fait évidemment des économies d'échelle en se regroupant. Et on peut surtout acquérir une ingénierie que nous n'avions pas, chacun de notre côté. C'est fondamental pour cette denrée essentielle qu'est l'eau potable, ce service essentiel qu'est l'assainissement, garant de la propreté de nos eaux, de nos rivières, de nos fleuves et de nos plages. En ce qui concerne les régies par exemple, celle qui pouvait exister en Soule n'avait pas le même niveau d'ingénierie que celle de Bayonne.

Il nous faudra par ailleurs rapidement se positionner sur nos modes de gestion, en régie ou en délégation de service public. Et mettre en œuvre une stratégie commune. Il y a une tarification éco-solidaire de l'eau à Bayonne, auprès de 1 500 bénéficiaires, ce n'est pas négligeable. Il faudra se poser la question de l'élargissement de cette tarification au Pays Basque. J'y suis favorable.

L'année 2018 verra naître le projet de territoire. Un projet par essence incarné politiquement. La culture du consensus jusqu'alors de mise pourra-t-elle perdurer ?

J-R. E : Je l'espère. C'est vrai que nous avons eu un consensus sur la gouvernance et à travers le pacte financier et fiscal. Ce pacte-là, il va falloir le conforter. C'est cette année qu'on aura à s'interroger sur les compétences héritées d'anciennes intercommunalités. Huit d'entre elles par exemple géraient les crèches. Aujourd'hui ces crèches sont communautaires. Doivent-elles revenir sous la responsabilité de pôles qui pourraient décider de créer des syndicats intercommunaux ? Cette question, il faudra se la poser pour l'ensemble des services à la personne. Et elle sera forcément l'objet de débats.

Le projet de territoire devra en outre assurer une forme de complémentarité, de solidarité. Je n'envisage d'ailleurs pas que nous ne nous saisissions pas de la compétence sociale. Mais il faudra en définir les contours en gardant à l'esprit que c'est le département, le chef de file du social. J'ai tenu à organiser un séminaire sur toutes ces questions fin décembre. Beaucoup d'élus y ont participé. D'autres réunions suivront, accompagnées de l'expertise du cabinet Acadie.

Il est des domaines sur lesquels l'agglomération est particulièrement attendue. Mobilité, logement, maintien des terres agricoles. Quel cap allez-vous fixer ?

Sur la question de la mobilité, le travail est très important. Nous ne sommes plus seulement en charge des transports urbains, mais aussi, interurbains et scolaires. Bien évidemment, on est attendu. Le travail qui a pu être fait dans certains anciennes intercommunalités ne suffira pas. Il faut embrasser l'entièreté de la problématique de la mobilité, qui n'entrainera pas les mêmes réponses suivant l'endroit du territoire dans lequel on se trouve.

Aucune politique n'est étrangère au sujet de la mobilité, que ce soit l'économie ou le logement.

Sur le logement justement, tout le monde s'accorde sur le constat, mais des solutions peinent à émerger.

J-R. E : C'est un autre sujet majeur. Contrairement à ce qu'on pense, il n'y a plus aujourd'hui, les spécialistes nous le disent, de territoire intermédiaire, rétro-littoral. Nous assistons à une forme de littoralisation d'une bonne partie du Pays Basque. L'attractivité va jusqu'à Hasparren. Elle touche Bidache, Briscous, Villefranque, Saint-Pierre-d'Irube et Bassussarry… Ce phénomène nous interpelle beaucoup, car si nous n'avons pas de politique volontariste en matière de logement, on va se retrouver avec une forme de ségrégation sociale tout à fait insupportable.

Nous devons donc nous interroger sur le modèle du droit de propriété, autour de modèle tel que foncière solidaire. Nous travaillons en ce sens avec les bailleurs sociaux, tels que l'EPFL et le COL. Il faut aussi que les outils publics soient d'avantage affinés. Nous devons mettre en place en ce sens notre schéma de cohérence territoriale du Pays Basque avec le Sud Landes.

Quid du maintien des terres agricoles ?

J-R. E : Cela passe exactement par les mêmes considérations. Notre territoire est confronté à un développement puisque nous avons une démographie positive au Pays Basque et c'est tant mieux. On doit donc accompagner la densité pour avoir une gestion économe de l'espace, densité qui permet d'ailleurs d'avoir des prix de foncier moins élevés. Et de sorte qu'on ne puisse pas toucher aux terres agricoles. Le futur schéma de cohérence territoriale, a pour vocation de défendre le maintien de ces terres agricoles.

Nous travaillons aussi à notre gouvernance alimentaire, via une agriculture urbaine, une agriculture paysanne. Les enfants dans nos écoles, les personnes âgées dans nos maisons de retraite doivent avoir dans leur assiette des produits qui viennent des paysans, de nos terres.

Certains, bien que minoritaires, dénoncent une hyper-concentration du pouvoir entre vos mains, ainsi qu'un centralisme bayonnais. L'EPCI XXL est-il l'avènement d'un sous-jacobinisme de terroir ?

J-R. E : Si c'était le cas, j'aurais clairement le sentiment d'avoir échoué. C'est tout le contraire que nous tentons de mettre en place. Nous avons à peu près 90 communes qui ont moins de 500 habitants au Pays Basque. La force de notre Communauté Pays Basque, je le répète, c'est l'opportunité qu'ont nos collectivités de disposer d'une ingénierie qu'elles n'auraient pas sinon.

Pour autant, il ne faut pas que ceci aboutisse à une forme de centralisme. Le projet communautaire a cela en point de mire. Je ne cache pas qu'un certain nombre de pôles, depuis la création de notre intercommunalité, se sentent un peu en flottaison. On travaille à les faire vivre le plus possible. On le fait en y maintenant des agents, en leur donnant des responsabilités dans un certain nombre de sujets transversaux. Tout ce travail est en cours, mais loin de moi l'idée de créer une technostructure centralisatrice. J'ai passé suffisamment de temps dans ma vie à lutter contre toute forme de centralisme pour être en mesure d'éviter cet écueil.

Une autre critique émerge, celle du coût de la structure. L'agglomération Pays Basque coûte-t-elle plus chère que les structures précédentes qu'elle a remplacées ?

J-R. E : Non. Je dis non parce qu'à compétences constantes, l'agglomération Pays Basque ne coûte pas plus cher que l'addition des anciennes intercommunalités. La preuve, c'est qu'en 2017, nous avons assuré la continuité des services publics sans pour autant augmenter la pression fiscale. Ceci ne peut pas être discuté.

Mais, il faut être clair. Si on veut développer un certain nombre de politiques publiques, on ne le fera pas autrement qu'avec de la fiscalité. Nous avons pris à la Communauté d'agglomération une décision de pouvoir augmenter la masse fiscale de la CFE (cotisation foncière des entreprises, ndlr.) de près de 3 millions d'euros. Cette décision représente 117 euros par an et par entreprise qui sont en plus des charges déductibles. Ce n'est pas important à l'échelle de l'entreprise, mais en revanche, c'est très important pour nous d'avoir cette disponibilité-là. Il n'y a pas de politique publique sans fiscalité adossée. Et notre ambition est supérieure à l'addition des ambitions d'hier.