MEDIABASK

Une foule dense réclame la libération des prisonniers basques à Bilbo

Près de 95 000 personnes ont manifesté ce samedi dans les rues de Bilbo et ont réclamé l'application de la loi pour les prisonniers basques. Un rassemblement dans lequel leurs enfants ont exprimé le besoin d'avoir leurs parents auprès d'eux. 

Toute la journée, les enfants ont eu droit à un programme préparés pour eux.
Toute la journée, les enfants ont eu droit à un programme préparés pour eux.

Les enfants de prisonniers tiennent des ballons mauves, les familles de détenus gravement malades jaunes, couleur de l’urgence. Ils se trouvent à l’avant de la manifestation, derrière les fourgons qui, tous les week-ends, les transportent à des centaines de kilomètres de chez eux pour rendre visite à leurs proches. Une marée de parapluies a couvert l’avenue Autonomia de Bilbo, ce samedi après-midi, en faveur des droits des prisonniers. Cette année, les enfants de ces derniers ont occupé une place particulière.

En tout, ils sont plus de cent à vivre cette situation. Longtemps vus comme un collectif compact, peu à peu, les membres de cette communauté de familles de détenus, victimes de la politique pénitentiaire, ont assumé leur individualité et ont partagé leur humanité. Alors, la manifestation annuelle de Bilbo est aussi l’expression affective de la solidarité envers eux. Un soutien chaud et dense.

Aussi dense que le cortège qui s’est lancé à 17h45, de La Cassilla pour s’arrêter aux marches de l’hôtel de ville, organisé par le mouvement citoyen Sare. Le journal Gara, à travers son système de comptage habituel, a dénombré la présence de 95 000 personnes.

"Nous sommes prêts"

"Prest gaude" (nous sommes prêts, en basque) dit la banderole et elle poursuit : "droits humains, résolution, paix". Elle est portée par Nahikari Otaegi, ancienne détenue mère de deux enfants habitant St-Jean-de-Luz, Peru del Hoyo, fils du prisonnier mort l’été dernier, Axun Lasa, soeur de la victime du GAL Joxean Lasa, Anaiz Funosas, présidente de Bake Bidea, Jérôme Gleizes, conseiller de Paris à l’initiative de la motion en faveur de la résolution votée au conseil de la capitale française en novembre dernier, Beatriz Talegón, ancienne membre du comité fédéral du PSOE, Iñaki Lasagabaster, professeur d'université, et l'écrivain Kirmen Uribe.

"Nous ressentons un vide dans nos cœurs, dans nos cuisines, à la sortie de l’école… à chaque instant que nous vivons sans nos pères et nos mères", ont témoigné deux enfants de prisonniers au micro. Ils ont déploré que les 29 ans de politique de dispersion leur ont volé beaucoup de temps. "Nous voulons être avec nos parents", ont-ils affirmé avant de lancer une invitation : "faisons la route tous ensemble. Nous, nous sommes prêts".

Ensemble, les acteurs politiques présents sont prêts eux aussi à s’engager pour trouver un accord large sur une feuille de route pour le retour des détenus. C’est ce qu’a soutenu le représentant d’EH Bildu Arnaldo Otegi en prenant comme exemple la dynamique créée au Pays Basque Nord. A quelques mètres de lui se trouvent les représentants de Podemos et des syndicats ELA, LAB et CCOO. Cette semaine, un débat organisé par le Forum social pour la paix a laissé apparaître des engagements de ce type également dans les rangs du PNV et du PSE, bien que ces derniers n’ont pas appelé officiellement à la manifestation.

Hommage aux Artisans de la paix

"Au Pays Basque Sud, nous avons avancé unis, à l’exception du PP et d’UPN, en votant une résolution dans les deux Parlements [Cab et Navarre], qui demande la libération des prisonniers gravement malades et la totalité des syndicats travaillent dans la même direction", ont souligné au micro la socialiste Beatriz Talegon et le présentateur de télé Kike Amonarriz. Ils souhaitent que la politique pénitentiaire guidée par "la haine et la vengeance" cesse.

Ils ont rendu hommage aux Artisans de la paix qui "ne se sont pas limités à frapper à la porte des institutions et qui, de leur propre chef et en prenant des risques personnels, ont rendu possible un désarmement ordonné d’ETA". Un savoir-faire qui aurait permis, selon les intervenants, des mouvements dans le domaine politique et judiciaire français : "Ce qui est arrivé en territoire français pourrait changer sa politique pénitentiaire, et par ricochet, mettre en évidence l’Etat espagnol et sa démocratie. Mais cela dépendra de tous".

La nouvelle phase qui s’annonce après des décennies de violences et de souffrances, nécessite une nouvelle façon de voir le présent et le futur, d’après eux. Une façon de voir dans laquelle prévaut la mémoire et une justice transitionnelle, "pour éviter l’oubli, la haine et la revanche". Ils aspirent, simplement, à vivre ensemble.