Virginie BHAT

Alain Duez : 'L'économie sociale et solidaire doit aller à la rencontre du public'

Lors de sa première soirée thématique, la maison de l'économie sociale et solidaire à Biarritz avait invité Alain Duez, fondateur de la revue "L'Age de faire". Entretien.

Alain Duez. ©DR
Alain Duez. ©DR

Les initiatives en économie sociale et solidaire souffrent-elles d’isolement ?

Je dois d’abord dire qu'on ne peut pas modifier le système dans lequel nous sommes aujourd'hui pour qu’il arrête de nous pousser à la consommation et épuiser les ressources. On l’accepte comme il est ou on le refuse. Il y a une alternative : l’économie sociale et solidaire, l’ESS, et à laquelle j’ai ajouté un E pour écologie. Cette économie existe déjà. Et si elle donne l’impression d’être disséminée, elle représente 8% de notre économie. Rien n’empêche que l’on puisse la développer fortement. On peut la faire passer de 8 à 30% dans les vingt prochaines années. Avec une véritable volonté : il faut y mettre le paquet pour réussir.

Comment l’y aider ?

Il faut informer le public de son existence : la plupart des gens la méconnaissent. Et lever tous les mythes que le système en place développe pour laisser imaginer que l'économie sociale et solidaire n’est pas une alternative possible. Ainsi que le disait Madame Thatcher : vous n’avez no alternative. J'ai réalisé un plan ESSE qui s’appuie sur un triptyque : media papier, collectifs locaux et maisons de l’économie sociale et solidaire (1). Je travaille à la création d’un mensuel national papier qui s’appellera "Demain en mains, Le mensuel de l’économie juste". C’est un outil d’information. Ensuite, les maisons de l’économie sociale et solidaire. Il faut créer dans les territoires, je prends l’échelle d’un canton, des lieux où les gens peuvent se renseigner, être instruits et soutenus dans leurs initiatives.

Qui sont les acteurs de l’ESS ? Ces collectifs locaux que vous évoquez.

Il y a les associations - elles n’ont pas pour seule vocation l’humanitaire, elles peuvent être aussi un outil économique - et tout ce qui est coopératif, dont les Scop, Sociétés coopératives et participatives. Les scop sont pour moi le petit bijou de l’ESS. Ce sont des entreprises où les salariés sont maîtres chez eux dans la mesure où ils sont maîtres du capital, et que des dispositions particulières empêchent de spéculer. Les bénéfices de l’entreprise sont partagés de sorte qu’elle puisse vivre en se développant et que les salariés soient correctement rémunérés et récompensés. Indépendamment de leur part de capital. Il y a les monnaies locales... Mais tant que l’ESS sera méconnue, il sera difficile de faire vivre une monnaie locale. Peut-être les Basques qui sont un peu à l’avant-garde sont en train de prouver le contraire.

Quelles actions concrètes peut-on mener ?

L’objectif est de saisir toutes les occasions de rencontrer le grand public. Les maisons de l’économie sociale et solidaire doivent s’appuyer sur l’informatif, sur un site Internet qui permet de créer des réseaux sociaux. J’inclus dans mon projet ESSE la nécessité d'être présents sur les marchés locaux, avec des stands polyvalents et collectifs. Il existe plein d’autres moyens... Aller dans les écoles et parler des scop avec les élèves de terminale. Ils commencent à réfléchir à leur futur emploi. Qu’ils sachent au moins qu’ils peuvent se mettre en entreprise avec des copains et mettre en commun leurs compétences... J’insiste sur la nécessité des collectifs locaux en tant que vecteurs indispensables pour informer le grand public. Tous les médias de l’ESS aujourd’hui que l’on connaît ont du mal à sortir des cercles de convaincus. Il faut donner une visibilité supplémentaire à ce que vous faites.

L’ESSE peut-elle investir tous les secteurs de l’économie ?

Absolument. Les coopératives sont déjà nombreuses dans l’agriculture. Certaines sont perverties parce que les coopérateurs les ont laissées grandir sans suivre leur développement. Ils sont alors exploités par leur propre coopérative ! Mais ce n’est qu’une perversion qui ne remet pas en cause la pertinence de cet outil coopératif. Dans l’industrie, Mondragon emploie plus de 100 000 salariés. En dépit de la crise, elle est en plein développement. Vous avez l’orchestre philharmonique de Toulouse en scop, les tickets-restaurants, des médecins en coopérative, des artisans... Tout le monde peut se mettre en coopérative, avec la volonté de diminuer le pouvoir du capital dans l’économie.

 

(1) La maison de l'économie solidaire et sociale de Biarritz se situe 7 rue Champ Lacombe.