Anaiz Aguirre Olhagaray

Ses portraits ressurgissent, tandis qu’il parle à Biarritz

Alors que le sommet du G7 bat son plein dans la cité balnéaire, une partie des 128 portraits du président Macron réquisitionnés par Bizi! et ANV-COP21 et activement recherchés par les services de l’État sont réapparus ce dimanche 25 août après une "marche des portraits", place Paul Bert dans le Petit Bayonne.

Sept des 128 portraits réquisitionnés ont été présentés ce dimanche 25 août. © Guillaume FAUVEAU
Sept des 128 portraits réquisitionnés ont été présentés ce dimanche 25 août. © Guillaume FAUVEAU

Le Petit Bayonne a une toute autre allure qu’hier soir, ce matin du dimanche 25 août. Alors que les dirigeants des sept nations du G7 sont en grande discussion à Biarritz, sept des 128 portraits du chef de l’Etat français ont été exposés, à l’envers pour mieux symboliser son "inaction climatique et sociale", place Paul Bert à 10h30 devant un parterre de journalistes du monde entier. A la fin de l'action, les portraits officiels ont été réemballés puis dispersés à nouveau.

Plus de 900 personnes ont mené jusqu'à son terme cette action non-violente de désobéissance civile qui, en plein G7 et dans une ville sous très haute surveillance policière, était pourtant interdite. Les forces de l'ordre se sont sans doute fait discrètes du fait de la participation de personnalités publiquement reconnues, telles que l'écrivaine et militante altermondialiste Susan George ou encore le directeur de Greenpeace Jean-François Julliard.

Dès 10 heures, des personnes ont commencé à déambuler dans les rues de Bayonne (Grand et Petit), portant sous leurs bras des cadres recouverts de papier kraft. Telle était la consigne donnée par les organisateurs de l'action : emporter avec soi un cadre quelconque, emballé, afin de "compliquer" la tâche des policiers en cas de contrôle.

MEDIABASK a suivi l'un de ces cadres. Surprise ! Il s'agissait du véritable portrait d'Emmanuel Macron. Après une demi-heure de déambulation en silence, dans les rues du Petit Bayonne, des centaines de cadres ont ainsi convergé vers l'esplanade Roland Barthes, avant de rejoindre la place Paul Bert pour y tenir la conférence de presse massive.

Autour de la table étaient réunis Pauline Boyer d'Alternatiba, Esther du mouvement de jeunesse Youth For Climate, la militante Susan George, le directeur de Greenpeace Jean-François Julliard ainsi que Cécile Marchand, membre d'ANV-Cop21. Les sept portraits mis en avant sont ceux qui ont été décrochés à Biarritz, Espelette ou encore Irissarry.

Pas plus tard que vendredi dernier, alors que le Pays Basque Nord est depuis plusieurs jours sous haute surveillance policière et militaire, le 128e portrait présidentiel a été décroché en la mairie d’Irissarry, soit le douzième dans le territoire. La campagne "Décrochons Macron", initiée en février dernier par les organisations Bizi! et ANV-Cop21, vise à dénoncer l’inaction climatique du chef de l’État français. Au même moment, Bizi! a déployé une banderole à Espelette, pimentant la visite des conjoint.e.s des chefs d’Etats venus découvrir le "folklore" basque.

Procès en vue

Les actions de désobéissance civile ont donné lieu à de nombreuses arrestations et gardes à vue. Poursuivis pour "vol aggravé en réunion", les activistes encourent pour certains cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende. L’agenda des procès, dont deux ont déjà eu lieu les 28 mai et 26 juin dernier, est bien rempli : le 2 septembre à Lyon, le 11 septembre à Paris, le 13 septembre à Orléans, et ainsi de suite jusqu’en septembre 2020. "Pour nous cela ne change rien", assure, déterminé, le militant de Bizi!. "S’il faut tous nous envoyer en prison, ils nous enverront tous en prison mais nous, on ne peut pas rester sans rien faire et laisser un président irresponsable détruire le climat et détruire les conditions de vie des enfants nés aujourd’hui."

La répression à l’encontre de militants non-violents est inédite depuis le début de la campagne de réquisition de portraits. Selon Barthélémy Camedescasse, cela démontre toute l’efficacité de l’action : "C’est la première fois pour le mouvement ANV-Cop21 qu’on a autant de procès et d’acharnement. Cela veut dire qu’on tape là où ça fait mal, sur l’image du président." Beaucoup de paroles mais peu d’actes. Pour le militant de Bizi!, Emmanuel Macron "ne travaille que son image. Il dit qu’il va faire des choses pour le climat. Dans les faits, il ne fait rien. Donc en fait, c’est un menteur. C’est pourquoi la répression à notre encontre a augmenté."

Barthélémy Camedescasse poursuit : "Cela nous fait plaisir si le maire d’Irissarry comprend notre action. Mais par exemple, Michel Veunac [le maire de Biarritz, ndlr] a été furax par rapport au fait qu’on prenne le portrait dans sa mairie. On lui a rappelé que ce n’était pas dirigé contre lui. Ce n’est pas la réaction du maire qui nous importe. On en veut à Emmanuel Macron. Sauf que c’est souvent les maires qui portent plainte contre nous".

Le 27 mars dernier, une circulaire diffusée dans les gendarmeries a été rendue publique. Ces dernières étaient invitées à "inciter" les maires à déposer plainte ainsi qu’à centraliser les informations sur les activistes d’ANV-Cop21 au niveau du Bureau de la lutte anti-terroriste (Blat) de la Gendarmerie nationale. "Ce qui est incroyable quand on sait qu’on est des militants non violents, certes déterminés pour l’avenir, mais non violents", déplore le militant de Bizi!.

Du blabla aux actes

Le 22 août, alors que la forêt amazonienne part en fumée, le président Emmanuel Macron donne via un tweet "rendez-vous" à ses homologues à Biarritz pour "parler de cette urgence". Mais chez les activistes pour le climat, on n’attend pas grand-chose du groupe des sept : "On est vraiment dans les conséquences du dérèglement climatique. C’est la responsabilité des chefs d’États qui n’ont rien fait, et notamment des chefs d’États de ces pays les plus industrialisés. Ce sont eux les premiers responsables, et ils se réunissent aujourd’hui pour en parler mais c’est déjà trop tard", estime Barthélémy Camedescasse.

"On attend qu’ils arrêtent de parler, qu’ils se cassent d’ici et qu’ils mettent en place les mesures connues aujourd’hui et contraignantes, pour arriver à arrêter l’emballement climatique dans lequel on est partis" s’indigne le militant basque. "On sait quoi faire. Maintenant, les actes."