Antton ETXEBERRI

La tauromachie, cette tradition dont on se passerait bien

On est assez mal à l’aise à devoir expliquer la barbarie, la stupidité humaine, l’acharnement par la souffrance

Antton Etxeberri, rédacteur en chef de Mediabask. © Sylvain Sencristo
Antton Etxeberri, rédacteur en chef de Mediabask. © Sylvain Sencristo

Avec l’arrivée de l’été, reviennent chaque année les férias du Sud-Ouest où les arènes ouvrent leurs portes pour accueillir les aficionados de la tauromachie. La tauromachie, un art, une culture, une tradition, un spectacle aussi… Autour du 15 août, les fameuses férias s’organisent, pour le plaisir de spectateurs de moins en moins nombreux dans les gradins. Bayonne, que certains se plaisent à qualifier de ville taurine, fait partie de ces communes qui proposent tout un programme de tauromachie sur plusieurs week-ends, en faisant venir le top des toréador pour affronter des taureaux dont on dit le plus grand bien. Le spectacle est garanti, on ne va pas s’ennuyer, et une politique de tarification avantageuse du prix des entrées est même mise en place afin que le maximum de monde puisse en profiter. L’objectif : perpétuer une tradition millénaire.

Je ne suis pas né dans une famille d’aficionados. Au Pays Basque intérieur, les bovins, les paysans les élèvent pour produire du lait ou de la viande. La tauromachie, ça a toujours été quelque chose “pour les riches”, une sorte de spectacle inaccessible où les gens de la haute bourgeoisie étaient ravis de voir les toréador affronter les taureaux, d’abord en les esquivant, ensuite en les piquant, enfin en les massacrant. Parfois, les images à la télé nous montraient un toréador voler au dessus du taureau car il n’avait pas su l’éviter, et les commentateurs rappelaient le danger qu’affrontaient ces courageux matador tous les jours en essayant d’apprivoiser la bête féroce pour mieux pouvoir l’achever.

Avec aujourd’hui internet et les réseaux sociaux, avec aussi des militants de plus en plus présents et bruyants qui manifestent contre l’organisation de ces corridas, les plus jeunes ont accès, malgré eux, à des images qui les interpellent. Pourquoi tuent-ils les taureaux ? Des gens prennent plaisir à voir souffrir des animaux ? Quel est l’intérêt ? Les enfants, curieux de nature, veulent apprendre. On a beau essayer de leur expliquer que pour certains, tout cela est organisé “au nom de la tradition”, les arguments manquent. Sans doute parce que l’on est assez mal à l’aise à devoir expliquer la barbarie, la stupidité humaine, l’acharnement par la souffrance. Sans doute aussi parce que justifier cette cruauté envers les animaux au nom de la “tradition” ancrera dans la tête de nos enfants que “la tradition, c’est nul et barbare, elle fait souffrir des animaux”. Et voir certains prendre du plaisir à voir des animaux se faire torturer jusqu’à la mort est incompréhensible pour nos têtes blondes à qui l’on essaie d’inculquer d’autres valeurs, comme le respect de l’autre, de l’environnement, de la vie qui les entoure.

Les institutions publiques qui organisent ce genre d’événements ont besoin de communiquer dessus, non seulement pour remplir les gradins et essayer de rentrer dans les frais, mais aussi pour renforcer ce travail de lobby entrepris auprès du gouvernement pour maintenir et développer la corrida. Cette semaine, les milliers de lecteurs qui allez feuilleter l'hebdomadaire papier de MEDIABASK verront un espace publicitaire annonçant les dates des futures corridas à Bayonne. La présence de ces publicités, que nous ne sommes pas en mesure de refuser pour des raisons économiques, participe sans doute à la stratégie de normalisation de ce genre d’événements. Certains lecteurs y verront sans doute une ligne rouge qui a été franchie, et ne se priveront pas de nous accuser de complicité. Avec une petite part de raison sans doute.