Antton Etxeberri

Onda Carioca, un festival dont le prévisionnel pose question

Après avoir voté le 10 avril une subvention municipale de 100 000 euros pour financer un festival brésilien dont ils n’avaient eu aucune présentation ni projection chiffrée, les conseillers municipaux avaient par la suite annulé l’octroi de cette subvention, sur demande de huit d’entre eux. Ce jeudi 18 juillet, les élus ont reçu les organisateurs du festival Onda Carioca à huis clos. Ces derniers ont demandé une subvention de 200 000 euros, s’appuyant sur un dossier reluisant, mais pas forcément en phase avec la réalité. Explications.

Le budget prévisionnel du festival Onda Carioca laisse de nombreuses questions en suspens
Le budget prévisionnel du festival Onda Carioca laisse de nombreuses questions en suspens

Le festival Onda Carioca que Vincent Cassel souhaite organiser à Biarritz est programmé pour 2020. Le dossier presse annonce que le directeur artistique choisi sera le Brésilien Seu Jorge et que plusieurs artistes ont été invités (Jorge Aragao, Pretinho da Serrinha avec Trio Preto, Karol Conka et DJ Marcelinho da Lua). Ca, c’est pour le côté programmation. A noter qu’aucune date précise du festival n’est mentionnée dans le dossier, seule l’année 2020 y apparaît. A l'oral, les organisateurs auraient parlé de fin août, selon nos informations.

Contrairement à la première demande du mois d’avril, le producteur de Vincent Cassel a présenté cette fois-ci un budget. Un budget plus qu'équilibré même, puisque excédentaire… En tout cas sur le papier. En l’étudiant de près, il envisage un budget total de 1,027 million d’euro pour ce festival, réparti pour les deux tiers en frais artistiques et techniques, 10% pour la communication, et 17% pour une dépense liée… à l’annulation du festival de 2019 qui n’aura jamais eu lieu. S'il est de bonne guerre que l’organisateur privé de ce festival tente d'intégrer dans son prévisionnel la perte subie l’année précédente afin de retomber sur ses pattes, des éléments apparaissant sur la colonne de droite, celle des recettes, qui interrogent sur le rôle qu'il veut donner au contribuable biarrot dans le renflouement des caisses.

Ainsi, le producteur de Vincent Cassel envisage un festival gratuit pour tous les spectateurs. La plus grande partie des recettes envisagées provient des recettes annexes (49,3%). Ici seraient comptabilisées toutes les entrées liées à la vente de produits publicitaires, sandwichs et autre restauration. Un demi-million d’euros qu’envisagent les organisateurs, et qui pourraient être atteints, dixit les organisateurs, par le biais également de partenariats commerciaux, avec les restaurants et bars voisins, qui verseraient une commission de leurs recettes pendant le festival. Ce montant de 500 000 euros avancé dans ce prévisionnel semble toutefois très largement exagéré pour un festival de ce gabarit.

D’autre part, 20 % des recettes proviendraient de partenariats mis en place par le festival. Enfin, apparait dans ce prévisionnel des subventions atteignant 25 % du budget, dont 200 000 euros pour la seule ville de Biarritz. La subvention qui avait dans un premier temps été votée pour un montant de 100 000 euros en avril dernier, et qui avait été annulée par les élus, devrait, selon les organisateurs du festival, doubler en trois mois, pour l’édition de 2020. La ville de Biarritz se voit donc proposer de mettre 200 000 euros sur la table pour qu’un organisme privé puisse mettre en place un festival brésilien, accessible à tous, et dont une partie servirait à renflouer les caisses de cet organisme qui démarre avec un déficit de 125 152 euros. Malicieux de la part de l'organisateur de le proposer, difficilement acceptable par les contribuables biarrots qui n'ont aucun lien avec ce déficit.

Couverture médiatique

Les élus de Biarritz, à qui il est proposé d’engager 200 000 euros, doivent à présent décider du bien-fondé de la proposition. Le producteur de Vincent Cassel assure que Biarritz n’a aucune raison de refuser un tel festival brésilien, tant les retombées seraient importantes pour la ville. Notamment en terme médiatique. Ainsi, dans le dossier de presse remis aux élus municipaux, "les concerts de Seu Jorge et des principaux autres artistes feront l’objet d’une diffusion sur Arte". D’autre part, serait en préparation un "documentaire de 52 minutes sur Vincent Cassel 'Sambassadeur' du Brésil en France entouré des artistes d’Onda Carioca". Même France 3 envisagerait de diffuser un reportage de 26 minutes sur les coulisses d’Onda Carioca la semaine suivant le festival, selon les organisateurs.

Si la notoriété de Cassel peut en effet aider à convaincre des médias à s’engager dans la diffusion de son festival et donc d’apporter une publicité intéressante pour la commune qui accueillera ce festival, le fait qu’une chaine de télévision du service public comme France 3 s’engage à diffuser un reportage de 26 minutes dans sa programmation plus d’un an avant la publication interroge. Si la couverture médiatique annoncée dans le dossier de presse a pour objectif de convaincre les élus de l’intérêt d’un tel festival dans Biarritz, certains élus ne cachent pas douter de la réalité de ces engagements.

Les élus de Biarritz, qui lors de cette commission générale ont voté pour aller de l’avant dans ce projet, ont oublié que les votes des subventions doivent avoir lieu en conseil municipal, comme le rappelle dans un papier très fourni le site Bisque, Bisque, Basque. Le blog Biarritzmania amène lui aussi des informations intéressantes quant à la lecture de ce budget, en décortiquant point par point chaque ligne de ce prévisionnel quelque peu recalé. Le sujet risque de revenir très vite à l'ordre du jour lors d'une prochaine réunion du conseil municipal.