Antton Etxeberri

M. Culbert : “Nous n’acceptons pas le concept de 'réintégration'”

L’association Harrera organise une conférence publique, mardi 25 juin, sur la réinsertion des prisonniers dans le cadre de la résolution des conflits politiques. Dans ce cadre, elle a invité le représentant irlandais de l’association Coiste, Michael Culbert. Celui-ci a accepté d'exposer à MEDIABASK le travail de cette structure qui agit au quotidien pour la réinsertion des prisonniers politiques irlandais.

Travailleur social de profession, Michael Culbert dirige Coiste depuis 2008.DR
Travailleur social de profession, Michael Culbert dirige Coiste depuis 2008.DR

A combien de prisonniers est-ce que Coiste a apporté son aide?

Michael Culbert : On comptabilise environ 25 000 anciens prisonniers politiques qui ont été incarcérés pour des activités liées à l’IRA. Nous n’avons pas de données exactes parce que les gouvernements irlandais et britannique nous disent qu’ils n’ont pas de registres exacts. Coiste a collaboré avec plusieurs académiciens de l’Université qui ont enquêté sur le sujet et ceux-ci sont tombés d’accord sur ce chiffre de 25 000. Toutes ces personnes ne sont pas en contact avec nous, mais la plupart d’entre elles l’est, bien que la relation puisse varier en intensité.

Quels types de financement reçoit Coiste ?

M.C : Coiste s’est structurée vers 1998. A ses débuts, elle comptait sur un réseau de treize bureaux avec plus de 70 salariés. Elle a sollicité l’Union européenne pour avoir des aides, ce qui fut appelé "L’argent de la Paix". Avec ces fonds, nous avons ouvert des bureaux dans plusieurs villes d’Irlande afin d’accueillir les anciens prisonniers et les aider dans divers domaines : formation pour l’emploi, mise à niveau de compétences, accès à différents niveaux éducatifs, thérapies, planning familial, bourses pour les études des enfants, revendications et lobbying. Après les réductions de budget, nous sommes passés à ne plus avoir que sept bureaux et neuf salariés.

La plupart des fonds ont été débloqués par l’Union européenne, mais en contrepartie, il fallait que les gouvernements de Stormont et de Dublin s’impliquent aussi en participant à cet effort économique. A cette époque, notre réseau a perçu des millions en aides pour des salaires, des locations de bureau, des cours de formation...

Le gouvernement a-t-il participé à la réintégration des prisonniers ?

M.C : Je le dis avec respect, mais nous n’acceptons pas le concept de "réintégration", car nous n’avons jamais reconnu le concept de "non intégration" par rapport à nos communautés. De façon générale, la majorité d’entre nous a rejoint nos communautés après notre incarcération dans le cadre d’un processus sans complications. Nos problèmes se situent ailleurs, avec d’autres secteurs de la société, principalement dans le secteur public ou gouvernemental, avec la grande entreprise, ainsi qu’avec le gouvernement britannique, ce dernier n’étant pas une surprise pour nous.

Notre revendication sur ce qui est de la terminologie est celle de "citoyens égaux", qui inclut les mêmes concepts, mais non le langage de la criminologie. Ce sont les criminels qui ont besoin de se réinsérer.

Le gouvernement britannique n’a pas encore désamorcé le cadre légal qui permet de nous marginaliser dans des domaines différents, comme ceux de l’emploi, de l’éducation, ou de la possibilité de voyager à l’étranger. Nous ne sommes pas des citoyens de plein droit. On nous empêche de disposer de biens et de services comme les autres citoyens. C’est précisément un des axes de travail que mène Coiste de manière constante pour changer cette situation.

Pour résumer, les Britanniques ne nous aident pas. Au niveau de l’administration locale, le Sinn Fèin essaie de mener des réformes qui puissent nous aider mais la législation de Westminster est au-dessus des autres.

Comment s’est manifestée la solidarité envers les prisonniers?

M.C : L’Union européenne et les partis politiques irlandais reconnaissent Coiste en tant qu’organisation qui représente les anciens prisonniers de l’IRA. C’est pour cela que nous parlons au nom de tous les anciens prisonniers politiques, tant au travers de notre communication, que lors de nos interpellations et des campagnes que nous menons. Aussi, les portes de nos bureaux sont ouvertes à tous. Nous travaillons aussi avec d’autres associations qui représentent des anciens soldats britanniques qui ont servi en Irlande, et avec des personnes appartenant à l’ancien corps de police, la RUC.

Notre objectif de promouvoir la paix est partagé. Pour cela, nous expliquons nos passés et les raisons qui nous ont menés à faire certains choix. Nous construisons des espaces de confiance pour que les nouvelles générations n’aient pas à opter pour la lutte armée pour obtenir des changements politiques en Irlande.  

Est-ce que le problème de "citoyens égaux" des prisonniers a été résolu ou persiste-t-il encore?

M.C : La position des anciens prisonniers est que "la guerre est terminée et qu'il faut donc arrêter de mettre des obstacles dans la vie de ceux qui ont participé au conflit". Nous sommes sortis de prison, et nous ne représentons pas de menace en termes militaires. Alors, pourquoi maintenir cette législation qui nous marginalise ?