Béatrice MOLLE-HARAN

Ajouter de la souffrance à la souffrance : inutile et vain

Béatrice Molle-Haran. © Sylvain SENCRISTO
Béatrice Molle-Haran. © Sylvain SENCRISTO

"Je considère que c’est un exemple de résolution d’un conflit et de sortie des armes (...), et il faut rendre hommage à l’engagement de beaucoup d’élus de la région et d’élus côté français et espagnol, et d’une volonté d’amener ce travail de réconciliation et de pacification, ce qui a conduit à lire ce texte (texte de la dissolution d’ETA). Et vous l’avez rappelé. Le devoir de l’Etat est d’accompagner ce mouvement. Nous ne devons pas faire bégayer l’Histoire". Ainsi s’est exprimé le président Emmanuel Macron vendredi 17 mai, lors de sa visite préparatoire du G7 à Biarritz. Ajoutant que la réconciliation n’équivalait pas à l’amnistie. Il n’empêche que ces paroles, le choix des mots employés tels que “conflit”, “pacification” ont de quoi surprendre. Et témoignent au moins du respect par la plus haute autorité de l’Etat français, envers les élus locaux et les acteurs de paix se battant pour la résolution du conflit.

Des déclarations que d’aucuns souhaiteraient qu’elles fussent accompagnées d’actes. En ce sens, le rapprochement à Lannemezan mardi du prisonnier Mikel Kabikoitz Karrera Sarobe, condamné deux fois à perpétuité est une bonne nouvelle. Ce dernier ayant été cité comme la ligne rouge infranchissable en matière de rapprochement par l’interlocutrice de la délégation du Pays Basque Nord, Hélène Davo, directrice adjointe du Cabinet de la ministre de la Justice, auprès de notre média, en décembre dernier. En espérant que d’autres suivront, il reste huit prisonniers hommes éloignés, et neuf femmes qui pourraient, si elles le souhaitaient, être regroupées à Rennes. Reste aussi les situations de Jakes Esnal, Ion Kepa Parot et Xistor Haranburu emprisonnés depuis 29 années. Ce dernier connaîtra le 5 juillet prochain la décision de la justice quant à sa demande de libération conditionnelle.

Ces paroles présidentielles étaient prononcées au lendemain de l’arrestation de Josu Urrutikoetxea, ex-dirigeant d’ETA, aujourd’hui dissoute, figure emblématique de cette organisation et du processus de paix en tant qu’interlocuteur lors des discussions en Norvège entre 2011 et 2013. C’est lui qui a lu le communiqué de la dissolution d’ETA le 3 mai dernier. Une arrestation suscitant de nombreuses réactions, de colère de la part de Bake Bidea et des Artisans de la Paix, la considérant comme “une insulte” au processus de paix. De satisfaction pour certaines associations de victimes.

Plus globalement et paraphrasant le président Macron, se pose aujourd’hui la question de la sortie des armes et de la résolution du conflit. Les morts hélas ne ressusciteront pas, et la justice se doit d’être flexible comme ce fut le cas lors de l’arrêt de la lutte armée en Irlande ou en Colombie, pour ne parler que de conflits récents. L’absence et la souffrance seront-elles adoucies en maintenant en longue détention des personnes malades et âgées, les condamnant à une mort certaine derrière des barreaux ? N’est-ce pas ajouter de la souffrance à la souffrance ? Inutile et vain.

Concernant Josu Urrutikoetxea et les manipulations intéressées, rappelons que ce dernier n’a pas de condamnation dans l’Etat espagnol même s’il était recherché. Au-delà des ces arguties juridiques et des cas personnels, se pose la question non pas de l’oubli, mais de la nécessité d’une justice transitionnelle. Avec la mise à plat de tout ce qui fut commis et de toutes les souffrances engendrées. Sans haine ni vengeance. Afin de ne pas perpétuer la spirale de la mort et s’inscrire résolument dans le mouvement de la vie.

Honi buruzko guztia: edito