MEDIABASK

Lutte ouvrière : “La guerre contre les travailleurs, elle, ne connaît pas de trêve”

A quelques jours des élections du 26 mai, MEDIABASK interroge les principaux candidats sur des thèmes spécifiques au Pays Basque. Dans certains cas, les réponses ont été données par les candidats basques et quand il n’y en avait pas, par l’équipe de campagne voire la tête de liste. Concernant la liste Lutte ouvrière – contre le grand capital, le camp des travailleurs menée par Nathalie Arthaud, c’est la candidate basque Jacqueline Uhart qui a pris la plume.

Jacqueline Uhart
Jacqueline Uhart

De quelle manière les candidats de votre liste vont-ils faire entendre la voix spécifique du Pays Basque une fois élus ?

De quel Pays Basque faudrait-il "faire entendre la voix spécifique" ? Celui des pauvres ou celui des riches ? Il y a quand même une différence ! Parce qu’ici comme ailleurs, il y a ceux qui triment et ceux qui profitent. Quelle communauté d’intérêt y a-t-il entre des salariés précaires dans l’hôtellerie, des travailleurs agricoles qui se cassent le dos et le propriétaire d’une banque, fusse-t-elle basque ? Aucune ! Pour ma part je choisis mon camp, celui des travailleurs, contre le grand capital. Alors, que nous soyons élus ou pas, si nous nous présentons, c’est pour faire entendre la voix spécifique des travailleurs. C’est pour populariser un programme de lutte dont le monde du travail a besoin pour cesser de subir les conséquences du pouvoir du grand capital.

Quel est le positionnement de votre liste concernant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? Que défendrez-vous concernant la Catalogne ?

Je suis pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et pour commencer je suis pour que la population travailleuse dispose du droit de vivre. Cela ne pourra se faire sans remettre en question le pouvoir exorbitant du capital sur nos vies. Pour mettre fin au chômage total ou partiel de six millions de travailleurs, la liste Lutte ouvrière milite pour l’interdiction des licenciements et la répartition du travail entre tous, sans perte de salaire. Pour que chaque fin de mois ne soit pas une galère, il faut augmenter massivement les salaires, les retraites et les allocations, et les indexer sur les prix. Aucun salaire ne devrait être inférieur à 1 800 euros net. Enfin, il faut abolir le secret des affaires qui permet aux capitalistes de justifier les opérations les plus scandaleuses.

Si je vivais en Catalogne, je défendrais le même programme. Je mettrais au premier plan la défense des intérêts des salariés, des chômeurs, des petits retraités contre tous les profiteurs. Pour tenter d'obtenir le soutien de la population, les nationalistes prétendent qu'une Catalogne indépendante se montrerait plus soucieuse des intérêts de sa population, je pense que c'est un mensonge ! Le nationalisme constitue une impasse et un piège qui divise la classe ouvrière. La bourgeoisie catalane aspire à profiter des ressources locales sans avoir à les partager avec les classes dirigeantes du reste du pays ! Les travailleurs catalans n'ont rien à en attendre ! Ils ne doivent pas se tromper d'ennemis ni de drapeaux !

De quelle manière les élus de votre liste vont-ils défendre les langues basque, corse, catalane, bretonne au sein du Parlement européen ?

Etant moi-même bascophone, mon souci principal est de me faire comprendre et en premier lieu de ma classe sociale, celle des opprimés, quelle que soit la langue que j’emploie. L’essentiel est que la langue ne soit pas une frontière entre nous.

Chaque langue est le fruit du brassage de populations et de leurs langages au gré de l’histoire. Ce sont les évolutions historiques et la vie sociale qui décident de l’avenir de chaque langue... ou de sa mort. Je ne sais pas comment les hommes résoudront le problème de la langue dans la société à laquelle j’aspire, égalitaire, débarrassée de l’exploitation et des frontières, connaissant un haut niveau de développement, en particulier sur le plan culturel. Aussi, sans préjuger de l’avenir des différentes langues et de leurs rôles respectifs, je souhaite que tout un chacun ait un accès suffisant à l’éducation et à la culture pour avoir la capacité de parler plusieurs langues et d’accéder à plusieurs cultures. Si chacun savait parler cinq ou six langues, l’intercommunication ne poserait plus de problème majeur.

Quelles initiatives vont porter ou soutenir les élus de votre liste concernant la question des prisonniers basques et de la résolution définitive du conflit ?

Je trouve scandaleux l’éloignement des prisonniers basques de leurs familles. C'est beaucoup de fatigue, notamment pour les parents âgés, et aussi des frais très lourds. Les États français et espagnol traitent de façon indigne des prisonniers qui n'ont d'ailleurs pas toujours commis des crimes de sang et qui croupissent en prison parfois pour des actes élémentaires de solidarité.

Quant à la résolution définitive du conflit, de quel conflit est-ce que l’on parle ? En 2017, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à Bayonne pour accompagner la fin de la lutte armée au Pays Basque. Des personnalités de tous bords ont appelé à clore cette période inaugurée sous le franquisme. Mais derrière cette unanimité pacifiste, la guerre contre les travailleurs, elle, ne connaît pas de trêve. Ce conflit-là n’est pas fini.

Le combat nationaliste d’ETA a débouché sur une impasse. Pour défendre leurs intérêts contre les capitalistes de tous les pays, les travailleurs ont une autre force, par-delà les frontières. Je ne peux que dire : pour un autre avenir, "travailleurs de tous les pays, unissons-nous" !

La dispersion des prisonniers basques dans les prisons aux quatre coins de la France rend et a rendu difficile des contacts avec les membres des familles qui à chaque visite doivent voyager un ou deux jours pour une demi-heure de visite, visites coûteuses de surcroît.

Des manifestations réunissant des milliers de personnes ont lieu régulièrement pour demander leur rapprochement et réclamer la libération de trois d'entre eux entamant leur 30ème année d'incarcération dans des prisons françaises. Lutte ouvrière soutient cette exigence à plus forte raison quand on entend l'Etat se gargariser chaque jour avec le mot démocratie mais qui bafoue sans vergogne les droits les plus élémentaires.



Les élus de votre liste vont-ils soutenir au sein de l'Europe l'accueil des migrants dans l’Hexagone ou le refuseront-ils ?

Liberté de circulation et d'installation pour tous les réfugiés contraints à l'exil venant de pays ravagés par le pillage des sociétés occidentales par les guerres, les dictatures et la misère fuyant la barbarie et le chaos que l'impérialisme engendre sur toute la planète ! On laisse des milliers d'enfants de femmes et d'hommes se noyer dans la Méditerranée ! Mais les habitants du Pays Basque se mobilisent depuis des mois des deux côtés de la frontière pour accueillir, soutenir, montrer leur solidarité avec les migrants qui sont nos frères et sœurs de classe. Alors que tous ceux qui ont un portefeuille bien garni peuvent passer toutes les frontières ! Tout cela ne disparaîtra que si la société se transforme en profondeur, se débarrasse des classes sociales et de l'exploitation !