Béatrice MOLLE-HARAN

Un Aberri Eguna sous le signe de la pluralité

EH Bai appelle à célébrer “le jour de la patrie” à Saint-Jean-Pied-de-Port, EH Bildu à Iruñea et le PNB à Bilbo et Saint-Jean-de-Luz.

Aberri Eguna de 2018, à Saint-Jean-Pied-de-Port. © Isabelle MIQUELESTORENA
Aberri Eguna de 2018, à Saint-Jean-Pied-de-Port. © Isabelle MIQUELESTORENA

L’Aberri Eguna doit être le reflet et la célébration de la pluralité du Pays Basque”, a lancé Anita Lopepe, la porte-parole d’EH BAI qui donne rendez-vous ce dimanche 21 avril à Saint-Jean-Pied-de-Port. Avec un message clair : redire que l’Aberri Eguna, jour de la patrie, est une journée appartenant à tous les citoyens d’Euskal Herri dans leur ensemble, et de “toutes celles et ceux qui vivent et travaillent ici... Notre nation est plurielle”, et d’ajouter que “l’euskara est notre socle, celui qui fait de nous un pays. Mais le gascon, le français et l’espagnol sont aussi nos langues depuis longtemps. Nous sommes pluriels au niveau de nos origines, de plus en plus pluriels”. L’Aberri Eguna est aussi l’occasion de faire le point sur les politiques menées au sein des Etats français et espagnol, et EH Bai souligne “le recul de la démocratie en Espagne” illustré par le procès intenté à douze dirigeants politiques et responsables d’association catalans, accusés d’avoir organisé un referendum sur l’indépendance. Concernant l’Etat français, EH Bai dénonce la gestion de la crise des “gilets jaunes” entraînant toujours plus de répression. Par ailleurs, le mouvement politique reconnaît “un pas important” avec la création de la Communauté d’agglomération Pays Basque (CAPB), constatant cependant “que la France continue de dresser des obstacles aux ikastola, et de manière générale à l’euskara, et en décidant de ne plus avancer dans le processus de paix”.

Remise en question des acquis sociaux, centralisation, soutien au pouvoir financier, autant de critiques d’une politique ultralibérale pour EH Bai, se basant sur ses fondamentaux en appelant à la souveraineté, “dans le but d’assurer des conditions de vie dignes pour les travailleurs, et globalement pour tous les habitants, en faveur d’une société plus juste”.

EH Bildu à Iruñea

La coalition indépendantiste du Pays Basque Sud appelle à célébrer l’Aberri Eguna à Iruñea, ses dirigeants Arnaldo Otegi et Barkatxo Ruiz ont appelé à “une vague socialiste, idépendantiste et féministe qui dira stop à la droite”. Et les responsables politiques de préciser qu’EH Bildu a un projet national pour sept territoires “dont la capitale est Iruñea”, ajoutant que l’objectif était de faire en sorte qu’en 2020 l’Aberri Eguna soit unitaire.

De fait, lors d’une conférence organisée le 19 février dernier à Donostia, les représentantes d’EH Bildu et EH Bai, respectivement Jasone Agirre et Anita Lopepe, ont réitéré le sens de cette journée réunissant les habitants des sept provinces basques : “Jusqu’à présent ce type de rendez-vous n’a pas permis de rassembler tous les partis politiques, mais tous les citoyens non plus”, et les deux responsables se sont engagées à œuvrer “pour un Aberri Eguna le plus unitaire possible en 2020”. Au Pays Basque Sud, cet Aberri Eguna 2019 aura une résonnance particulière, car se déroulant une semaine avant les élections législatives qui auront lieu le 28 avril dans l’Etat espagnol, prélude aux élections européennes, municipales, forales et autonomiques du 26 mai prochain. L’enjeu du 28 avril étant selon ces deux forces politiques “primordial” face à l’émergence d’un parti extrémiste tel que Vox dans l’Etat espagnol, ou celui de la droite libérale Ciudadanos, dont le leader Albert Rivera n’hésite pas à proclamer qu’il reviendra sur les différents statuts d’autonomie considérant qu’ils contiennent des privilèges pour les habitants concernés. Pour EH Bai, après le scrutin européen, se profilent en Pays Basque Nord les élections municipales, un rendez-vous important pour ce mouvement. Si pour lui la création de la CAPB est une bonne nouvelle, c’est aussi une institution à renforcer, en ne perdant pas de vue l’objectif d’une création d’une collectivité territoriale à statut particulier. Un Aberri Eguna donc particulier cette année, se déroulant dans un contexte électoral, tant au Sud comme au Nord.

Déclarations des syndicats

De leurs côtés ELA et LAB, les deux syndicats majoritaires en Pays Basque Sud ont publié comme à chaque veille d’Aberri Eguna une contribution en forme de bilan et de stratégies pour le futur. Pour LAB, l’heure est venue “de renforcer le souverainisme de gauche afin de lutter contre le fascisme et le capital”, ELA souligne l’importance des luttes sociales syndicales et féministes et ouvre un débat sur les alliances, constatant “les échecs de la lutte armée comme voie de rupture, ainsi que la voie statutaire”, se montrant très critique envers “le nationalisme institutionnel”, en référence aux gouvernements de la Cab (Communaute autonome basque) et celui de Navarre.

PNB à Bilbo et à Saint-Jean-de-Luz

A Saint-Jean-de-Luz, le PNB invite ses sympathisants à se rendre boulevard Thiers à 18 heures sur la place où est érigée la sculpture du buste du lehendakari Aguirre, premier président du gouvernement autonome basque. “A une époque sans commune mesure à aujourd’hui, des hommes ont contribué à faire exister le Pays Basque. En s’arc-boutant sur des valeurs devenues universelles, la démocratie, l’humanisme, la liberté et le respect des différences… des hommes comme Jose Antonio Aguirre, profondément basque, démocrate et chrétien, européiste ont défendu leurs convictions les plus intimes. Ils ont ouvert la voie, la voie d’une identité basque politique qui se construit et grandit dans le pluralisme et le respect”, annonce Pako Arizmendi président du PNB en Pays Basque Nord.

Au Sud, le PNB rassemblera ses militants et sympathisants à Bilbo à 11 heures à la Plaza Nueva.

Infos pratiques et programme à St-Jean-Pied-de Port le 21 avril:

10h30 : village des associations. 11h30 : manifestation.

14 h : repas populaire.

Concerts avec Aguxtin Alkhat& taldea, Foisis jaunak, DJXa2.

Toute la journée des animations sont prévues pour les enfants.

 

Historique de l’Aberri Eguna

Le premier Aberri Eguna de l’histoire s’est déroulé à Bilbo le dimanche de Pâques en 1932 en référence à la Pâques irlandaise, un an après la création de la seconde république espagnole. Célébration, à l’initiative du PNV (Parti nationaliste basque) fondé par Sabino Arana Goiri en 1895.

La célébration continuera en 1933, 1934 et 1935, avant d’être interrompue à cause de la guerre civile et reprendra en 1964, sous la dictature franquiste.

Un an auparavant en Pays Basque Nord, le 15 avril 1963, eut lieu à Itxassou, le premier Aberri Eguna organisé par le journal politique Enbata créé en 1961. L’image du jour fut celle de Ximun Haran, cofondateur d’Enbata, et de Julen Madariaga, alors militant d’ETA, ensemble devant un embryon de chêne à Itxassou. L’acte fondateur du jour fut la rédaction de la charte d’Itxassou et la création du mouvement politique Enbata définissant toutes les clés du conflit basque : “La nation basque est actuellement séparée en deux et sous la dépendance des Etats espagnol et français. La langue basque est en voie d’extinction”, pouvait-on lire en préambule de la charte. L’initiative d’Enbata obligea, selon certains historiens, le PNV à bouger en Pays Basque Sud, convoquant pour la première fois un Aberri Eguna à l’“intérieur”. Ce fut à Gernika en 1964, un an après Itxassou. “Militant, sympathisant, lecteur de Enbata, tu dois penser à l’Aberri Eguna, le 15 avril 1963 doit être la grande réunion de tous les serviteurs du Peuple Basque”, pouvait-on lire sur l’invitation à participer. Le Monde, le Figaro, La Croix, Combat, Le Parisien Libéré et d’autres médias de la presse régionale couvriront l’événement.