Jean-Philippe Ségot

Eh oui, c’était comme ça !

Jean-Philippe Ségot © Zigor
Jean-Philippe Ségot © Zigor

Arrivant en Pays Basque Nord de ma Bretagne natale à l’âge de 4 ans, je commençais à suivre un parcours scolaire classique qui démarra à l’école des arènes de Bayonne, se poursuivit au collège Marracq et se termina à Villa Pia. De longues années, des instituteurs et des professeurs de grands talents qui eurent la patience de supporter l’originalité du “cancre militant” que j’étais. Cancre mais attentif et très curieux des choses...

Or, et c’est cela qui est extraordinaire (je parle de la période allant de 1968 à 1981), jamais je n’entendis parler de l’histoire, du peuple, de l’âme du Pays Basque Nord ! RIEN !

Il me fallut attendre mon arrivée en 1983 à Radio Adour Navarre pour que cela arrive dans ma vie et que je rattrape mes effroyables carences en la matière.

Pourtant, mes grands-parents qui s’étaient installés au milieu des années 60 à Biarritz venaient de Bretagne. Pourtant ma grand-mère adorée parlait breton bien avant de parler français. Pourtant mon père et elle échangeaient quelques mots de breton devant moi chaque semaine. Pourtant mon père arborait fièrement sur sa BMW orange qui circulait sur les routes du Pays Basque Nord un autocollant BZH ! Et mon père me parlait avec passion de la lutte des Chouans qu’il admirait.

Mais dans mes écoles, avec mes camarades, nous ne vivions qu’en France. Quand nous allions à Donostia, nous allions “en Espagne”. Nous allions déjeuner parfois le dimanche à Saint-jean-Pied-de-Port et non à Garazi.

Ma grand-mère Marie me racontait pourtant comment, petite, on lui interdisait de continuer à parler breton, la langue des “canards et des oies” selon la presse parisienne ! Oui, on effaçait l’histoire des petits peuples avec un professionnalisme républicain des plus détestables.

Au collège toutefois, j’avais bien un copain, Philippe Bidart (mais pas celui que l’on connaît !) qui m’avait raconté que l’on avait ouvert le champagne chez lui à l’annonce de la mort de Francisco Franco. J’avais trouvé cela étonnant...

Mais les faits étaient bien là ! De toute mon enfance, jamais je n’eu conscience de vivre dans une terre si particulière. Et je me souviens même qu’à l’école, quand un camarade avait l’accent basque un peu prononcé, on se foutait de lui en l’imitant et en le traitant de paysan. J’étais un enfant de la Côte basque, pas de l’intérieur et la côte était donc française à en crever !

Je me souviens aussi, dès mes débuts à Radio Adour Navarre, que mes amis de “l’autre monde” de Biarritz quand je leur parlais des ikastola que je trouvais formidables me disaient alors : “Mais qu’est-ce que tu nous racontes avec ton école de petits terroristes ! On leur apprend à fabriquer des bombes dès la maternelle, non ? Ce seront des ignares les pauvres !” Sauf que les enfants de cette époque, passés par les ikastola, eurent des résultats supérieurs à ceux venant de l’école de la République française au baccalauréat...

Alors aujourd’hui, quand je vois le chemin parcouru pour la reconnaissance de la langue et la culture basque, le dynamisme de l’édition, les publications liées à l’histoire d’Iparralde, je me dis que le jacobinime n’a pas gagné.