Antton Etxeberri

Opération séduction au Biarritz Olympique

Antton Etxeberri, directeur de publication de MEDIABASK. © Sylvain SENCRISTO
Antton Etxeberri, directeur de publication de MEDIABASK. © Sylvain SENCRISTO

Après l'affaire de l'Hôtel du Palais, Biarritz revient sur le devant de la scène avec le projet présenté par le président du Biarritz Olympique Pays Basque (BOPB), Jean-Baptiste Aldigé. La famille Gave qu'il représente a réussi à prendre les commandes du BOPB en renflouant les caisses de millions d'euros alors que le club semblait promis à une descente inéluctable en Fédérale sur "tapis vert". Profitant de cette image de sauveurs, Aldigé et ses financiers ont déroulé ces dernières semaines une stratégie visant à faire accepter du plus grand nombre un projet ambitieux permettant au BOPB de se financer autrement que par les seules entrées au stade, la buvette et les partenariats. L'objectif est de construire un modèle économique qui évitera dorénavant de dépendre des résultats sportifs de l'équipe professionnelle. Le projet, que ses initiateurs ont présenté aux élus, à certains organes de presse et aux abonnés et supporters du club, semble faire l'unanimité autour de lui. Avec 40 millions d'euros investis par des promoteurs privés, une rentrée financière annuelle de 1 million d'euros pendant 15 ans pour le BOPB, aucun argent public, des centaines de logements construits dont la moitié à caractère social… le projet a de quoi séduire, et un grand nombre d'élus n'ont pas caché leur engouement.

Si les supporters du BOPB sont rares à contester un tel projet, il n'en demeure pas moins qu'il suppose que la commune de Biarritz se sépare de 9 hectares de terrains lui appartenant sur le plateau d'Aguilera. Un foncier qui a une valeur notoire, surtout dans une ville comme Biarritz. La Ville sera-t-elle prête à se séparer de ces 9 hectares de terrains ? Sous quelles conditions ? La stratégie des dirigeants du BOPB est d'aller vite dans ce dossier, avec cette enveloppe de 40 millions d'euros qui pourrait disparaître dans le cas où l'ensemble du projet ne serait pas accepté tel que présenté. C'est ainsi qu'il faut interpréter les propos d'Aldigé lors de sa réunion "privée" en présence de 600 personnes.

Le règlement de comptes opéré à l'encontre de certains journalistes de Sud-Ouest ainsi que des élus Nathalie Motsch et Jean-René Etchegaray poursuivait un objectif : celui de discréditer tout ce qui pourrait représenter un frein à l'avancée de ce projet. N'était-il pas quelque peu facile de dézinguer, dans une telle assemblée conquise, le maire de la ville voisine "ennemie" de Bayonne, président de la Communauté d'agglomération Pays Basque, et premier supporter du club de Bayonne, qui serait contre tout développement du BOPB ? On le sait, les relations entre Biarritz et Bayonne ont toujours été du calibre "Je t'aime, moi non plus". C'est dans ce registre-là qu'Aldigé place son projet, avec l'ambition de mettre la pression sur les élus de Biarritz, afin qu'ils se débrouillent coûte que coûte à permettre la mise en place de ce projet, malgré des règles d'urbanisme contraignantes. Avec le chantage non dissimulé de la part des dirigeants du BOPB d'envisager de quitter la cité balnéaire avec leurs valises si les travaux ne démarraient pas rapidement.

L'opération séduction pourrait donc tourner à la tragédie, et la passion qui entoure le club de Biarritz sera un élément à ne pas négliger par les élus de Biarritz, qui, à quelques mois des élections municipales, ont la lourde tâche de donner leur aval ou non au projet de la famille Gave. Voir arriver des investisseurs privés prêts à mettre sur la table 40 millions d'euros n'est pas un scénario qui arrivera tous les mois dans la cité balnéaire. Etudier les retours sur investissement qu'engendrerait une telle opération pour ses promoteurs et aussi pour le territoire sera également une nécessité au moment de choisir. Avec en filigrane la question que se pose tout un territoire, quand on sait que le club voisin de l'Aviron Bayonnais envisage lui aussi des travaux importants pour son stade : le Pays Basque Nord, qui compte aujourd'hui deux clubs de rugby professionnels en a-t-il les moyens ?