AINHOA AIZPURU

L’Humanité sur le fil du rasoir

Fondé en 1904, le quotidien l’Humanité connaît aujourd’hui une situation des plus préoccupantes. Déclaré en cessation de paiements, le journal a été placé en redressement judiciaire. Louis Labadot, adhérent au parti communiste depuis 1977, a accepté de nous parler de cette crise sans précédent.

Le directeur de L’Humanité, Patrick Le Hyaric, a appelé, dans les colonnes du journal, à une « mobilisation exceptionnelle » des lecteurs. ©Wikipédia
Le directeur de L’Humanité, Patrick Le Hyaric, a appelé, dans les colonnes du journal, à une « mobilisation exceptionnelle » des lecteurs. ©Wikipédia

Le journal de Jaurès pourrait disparaître. Un coup dur pour la presse hexagonale bien que les difficultés du journal ne datent pas d’hier. Même si Louis Labadot vient de passer la main en tant que secrétaire de la section mauléonnaise du parti communiste, il se dit prêt à se battre. Alors qu’il s’apprête à répondre à MEDIABASK, cet éternel militant vient tout juste d’achever d’imprimer des bulletins d’abonnement qui seront prochainement distribués sur le territoire.

Si l’Humanité venait à cesser sa parution, 200 salariés seraient licenciés dont 170 détenteurs de la carte de presse. Journal historique, l’Humanité est aussi une entreprise en redressement judiciaire avec toutes les complications que cela implique. "Nous évoquions souvent les difficultés du journal dans nos organisations sans toutefois bien évaluer la réalité de la situation" indique Labadot avant d'ajouter : "La propriété de bâtiments, qui ont par la suite été vendus, a permis de masquer la situation du journal un certain temps. Aujourd'hui, nous n’avons pas d'autre solution que d’aller chercher de nouveaux abonnés". Une grande campagne de dons et d’abonnements a ainsi été lancée dans tout l’Hexagone. Une action à laquelle participera Labadot, comme "un acte militant".

"Sa ligne de conduite"

Selon lui, ce qui arrive aujourd’hui à l’Humanité est une manifestation de la crise que subit actuellement la presse papier. Mais tous les journaux ne semblent pas logés à la même enseigne. "L’Huma est un journal spécial qui gardera sa ligne de conduite et n’ouvrira pas son capital aux intérêts privés" indique Labadot. Même s'il affirme être fier de cette indépendance, le militant reconnaît qu’"on leur fait payer bien cher". "Si un journal comme Libération était en difficultés, le grand capital serait capable d’injecter deux ou trois millions d’euros" dénonce-t-il. Pour l’Humanité, tout semble bien plus compliqué et particulièrement le fait d’attirer de la publicité.

De nombreux appuis auraient été perdus lors des dernières élections régionales et la publicité aurait depuis du mal à rentrer. Mais la situation se serait encore aggravée à cause d'un "refus de Bercy de verser un million d’euros pourtant attendu". En tant que journal à faibles ressources publicitaires, l’Humanité avait droit à un versement de trois millions d'euros, explique le militant communiste. Or, seuls deux millions auraient pour l’instant été octroyés.

La pluralité de la presse

Si la situation ne s’arrange pas, la fermeture du journal s’imposera. "Une décison catastrophique pour la pluralité de la presse française" estime Labadot. Et sur ce point, de nombreuses voix le rejoignent, à l’image d'un député Les Républicains qui aurait laissé entendre dans les couloirs de l’Assemblée nationale s’être abonné à l’Humanité "non pas pour partager ses idées mais pour défendre la pluralité de la presse".

Certains revendiquent un service public de la presse qui permettrait à des journaux tels que l’Humanité de se maintenir dans les kiosques. Même s’il considère le service public comme "sa marque de fabrique", Labadot n’y croit pas. "Je ne pense pas que nos dirigeants partagent cette position et soient disposés à s’engager dans une démarche de service public pour l’Humanité" ironise-t-il. Sa confiance, il préfère la placer dans les militants et dans la population. Il se dit personnellement prêt à "résister jusqu’à son dernier souffle" et à tout mettre en œuvre pour "sauver le journal de Jaurès".