Anaiz Aguirre Olhagaray

Au lycée René Cassin, la défense de Moriba s’organise

Camarades, enseignants ainsi que l’administration éducative se démènent pour soutenir le jeune Guinéen, déclaré majeur ce 14 février par la Cour d’appel de Pau. En classe de première littéraire, Moriba Koivogui est susceptible à tout moment d’être expulsé. Ses amis ont lancé une pétition en ligne.

Camarades et professeurs ont exprimé tout leur soutien à Moriba ce vendredi 15 février devant le lycée René Cassin.
Camarades et professeurs ont exprimé tout leur soutien à Moriba ce vendredi 15 février devant le lycée René Cassin.

"Cassin c’est Moriba". En cette veille de départ en vacances, les élèves sont fiers d’apposer le nom de l’illustre rédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme, René Cassin, à celui de leur ami, Moriba Koivogui. Au lendemain du rassemblement devant l’hôtel du Département, la mobilisation s’organise au lycée René Cassin pour défendre le jeune Guinéen, menacé d’expulsion depuis que le Tribunal de Pau l’a déclaré majeur. Courriers à l’appui, l’administration du lycée et l’équipe pédagogique expriment tout le bien qu’ils pensent du jeune lycéen scolarisé en classe de première littéraire. Ses camarades ont lancé une pétition en ligne, qui a déjà dépassé les 1 000 signatures en 24 heures.

Vendredi 15 février, dernier jour de classe avant les vacances d’hiver. À 13 heures, environ 200 élèves et une dizaine d’enseignants se réunissent devant les grilles du lycée bayonnais en soutien au jeune Moriba Koivogui. Un élan de solidarité qui fait suite au rassemblement de la veille, devant l’hôtel du Département. "Beaucoup de camarades de sa classe sont ensuite venus avec nous à la réunion qui a suivi", explique Pantxika Cazaux-Muñoz, professeure d’espagnol au lycée René Cassin.

Bizi, Gilets jaunes et lycéens se sont mobilisés devant l’Hôtel du Département, jeudi 14 février en soutien à Moriba. © Bob EDME

"Nous avons évoqué tout un tas d’actions. Les élèves se sont impliqués immédiatement. Ils ont demandé : ‘Que peut-on faire ?’ Ils ont d’emblée décidé d’agir, dès ce vendredi au lycée Cassin. Ils sont passés dans toutes les classes pour informer les élèves qui n’étaient pas au courant de la situation de Moriba". Le jeune Guinéen est très apprécié de ses camarades, c’est même la "mascotte" de sa classe, sourit l’enseignante.

Par la pétition qu’ils ont lancée le même jour, les copains de Moriba veulent témoigner leur soutien et leur "indignation face à l’acharnement administratif que cet adolescent subit depuis son arrivée en France". Ils souhaitent que leur ami "ait l’opportunité de poursuivre ses études en France. Comme tout adolescent, il a lui aussi le droit à l’éducation". Très mobilisée, la classe de première L1 a créé le compte Instagram @cassin_cest_moriba et sur Twitter, le mot-dièse #JusticePourMoriba.

Fierté de ses enseignants

"Je suis pantoise devant sa capacité de concentration malgré ses maux de tête, malgré ses maux de ventre. Je suis pantoise devant son sérieux vis-à-vis du travail scolaire, qu’il fait de A à Z, et ce, dans toutes les matières. Il prend des cours particuliers d’anglais parce qu’il n’aime pas l’anglais. Il dit qu’il veut être le meilleur partout. C’est un gamin d’une résilience absolue", témoigne Pantxika Cazaux-Muñoz. La prof d’espagnol s’est beaucoup attachée à Moriba Koivogui depuis sa scolarisation en mai 2018.

L’équipe pédagogique dont elle fait partie, a signé un courrier pour souligner l’"assiduité" et l’"attitude attentive en classe" de Moriba. "Il ne baisse jamais les bras et progresse régulièrement. Il travaille également à maîtriser parfaitement la langue française".

Les profs témoignent également que Moriba a sympathisé avec ses camarades, et qu’"il est toujours d’humeur égale, garde le sourire et sait parfois, comme tout adolescent, plaisanter et s’amuser avec ses camarades de classe", alors qu’il "a connu très jeune des expériences terribles, à propos desquelles il reste très discret, mais dont nous savons tous qu’elles le hantent encore".

Ses professeurs assurent que Moriba "mérite de poursuivre ses études en France pour arriver à tourner la page d’un passé trop sombre". Ils sont fiers de lui, "fiers de l’accompagner pour qu’il grandisse dans la dignité".

Sur la voie de la réussite

Le proviseur du lycée, Jean-Régis Veniant, estime que Moriba Koivogui est un élève "très motivé", qui "a su s’intégrer très rapidement à son nouvel univers. Ses qualités humaines lui ont permis de trouver sa place parmi les deux groupes classes. Socialement il s’accroche et fait des efforts pour surmonter ses lacunes. Grâce à sa grande détermination et sa soif d’apprendre, il progresse". Le proviseur en est convaincu : Moriba est "sur la voie de la réussite".

Pourvoi en cassation

"Dans le dossier de Moriba, il y a beaucoup de vices de procédures", explique Pantxika Cazaux-Muñoz. "Il y a eu des dysfonctionnement graves au niveau juridique. Par exemple, ils n’ont pas fourni à la défense de Moriba les pièces qu’ils possédaient soi-disant, qui vont à l’encontre de Moriba. Donc la décision était prise depuis longtemps, finalement".

Moriba Koivogui 

"Ils l’ont déclaré majeur et non orphelin, alors que sa mère est morte quand il avait quatre ans, et que son père est décédé en 2011. Il a fourni les certificats de décès de ses parents mais les documents sont arrivés trois heures trop tard, pour la délibération du 13 février à Pau. Donc le Tribunal n’a même pas ouvert l’enveloppe contenant ces documents. Ils l’ont donc déclaré majeur et non orphelin alors qu’il est mineur et orphelin".

Une délibération "inique" pour l’enseignante d’espagnol. Très proche du jeune Guinéen, elle l’a senti le jour de la décision judiciaire "etxrêmement abattu, pas bien du tout, sous le choc de la nouvelle". "Il m’a dit qu’il ne croyait plus en rien, qu’il ne croyait plus qu’en Dieu". Depuis, il va "mieux" dit-elle, "parce qu’il a reçu énormément de messages de soutien".

Lien vers la pétition ici.