Béatrice MOLLE-HARAN

Nous sommes tous Gara

Béatrice Molle-Haran. © Sylvain SENCRISTO
Béatrice Molle-Haran. © Sylvain SENCRISTO

Il y a 21 ans en juin 1998, le juge Baltasar Garzon faisait fermer manu militari, au motif de sa doctrine “tout est ETA” le journal Egin. Quelques années plus tard en 2009, la justice espagnole reconnaîtra que cette décision était contraire à la loi. Entre temps, plusieurs journalistes et responsables d’Egin furent emprisonnés pendant plusieurs années.

Le 30 janvier 1999, grâce à un formidable élan populaire, le quotidien Gara sortait en kiosque. Insupportable pour le juge Garzon. Ce dernier au mépris de la loi et du droit, invoquant une “continuité idéologique” entre Egin et Gara, n’aura de cesse d’asphyxier économiquement le nouveau journal. En faisant porter par Gara la dette de Egin, interdit de publication, auprès de la Sécurité Sociale. Après moults recours, Gara doit aujourd’hui payer plus de 3 millions d’euros à cette entité dans des délais records, 500 000 euros par semestre pendant trois ans.

"Un million d’euros par an, cela représente plus que le coût de notre masse salariale" a dénoncé le directeur de Gara Iñaki Soto. Car au-delà des faits, c’est bien à la pérennité d’une entreprise que l’on s’attaque et à un courant de pensée qui dérange. Une attaque frontale à la liberté de la presse. De fait, les réactions de soutien affluent, venant de secteurs divers peu suspects de sympathie avec le mouvement indépendantiste de gauche. Car l’enjeu est autre, Gara n’a jamais camouflé sa ligne éditoriale et fait partie du paysage médiatique pluriel du Pays Basque.

Cet état de fait est bien la conséquence d’une décision politique imaginée en son temps par Jose Maria Aznar et le juge Baltasar Garzon. Une décision aux lourdes conséquences encore à subir aujourd’hui. Une décision politique du passé qui a connu une riposte populaire par le biais de la création du quotidien Gara.

L’enjeu aujourd’hui est donc au-delà des condamnations et des soutiens de circonstance, certes nécessaires, de faire vivre cette entreprise de presse. Et aujourd’hui encore les yeux sont rivés vers l’avenir et les initiatives font florés, telle celle du 2 mars prochain au Kursaal de Donostia où un plan d’action populaire sera décidé. D’ores et déjà, une campagne est lancée et le but est de réunir 10 000 souscripteurs, en plus des dons, nécessaires au fonctionnement de Gara.

On le sait, un journalisme de qualité ne peut se faire sans moyens conséquents. C’est donc un défi à relever non seulement par le lectorat de Gara mais par le Pays Basque dans son ensemble, et par tout un chacun, détracteurs inclus, attachés à la liberté de la presse sans laquelle la démocratie est un vain mot.

Un temps nouveau s’est ouvert au Pays Basque Sud, Gara a bien sûr couvert ces épisodes qui feront histoire. Avec sa propre ligne éditoriale, plaisant ou déplaisant, mais en toute clarté et honnêteté intellectuelle. L’avenir le dira mais il est impossible que Gara si lié à l’histoire de ce territoire disparaisse. “Si Gara doit fermer cela se décidera au Pays Basque, pas à Madrid”, a déclaré le directeur de la rédaction de Gara. Reste donc à se retrousser les manches, au nom de la liberté de la presse et de la pluralité que l’on essaie de bafouer par cette décision inique. Gara vivra.