Goizeder TABERNA

La dette d’Egin pèse sur le journal Gara

Le journal basque devra payer à la Sécurité sociale une dette qu’elle a hérité par décision de la justice espagnole en 2003. Après négociations, celle-ci vient d’être fixée à plus de 3 millions d’euros.

Le directeur de Gara Iñaki Soto, a dénoncé la gravité de la situation de son média. © Jon URBE / FOKU
Le directeur de Gara Iñaki Soto, a dénoncé la gravité de la situation de son média. © Jon URBE / FOKU

Cela fait plus de 20 ans que le juge Baltasar Garzon a scellé les portes du journal Egin. Enfermé dans sa thèse du "tout est ETA", il a par la suite fait porter à Gara la dette qu’Egin avait engagée auprès de la Sécurité Sociale. Aujourd’hui, les responsables de ce quotidien ont annoncé un accord avec la Sécurité sociale espagnole : ils devront payer plus de 3 millions d’euros.

Au départ, la dette était de 4,7 millions d’euros. Arrivés au bout de tous les recours, ils se sont mis d’accord sur un principe de convention avec la Sécurité sociale et Gara devra donc débourser 500 000 euros par semestre. "Un million d’euros par an, cela représente plus que le coût de notre masse salariale" pointe le directeur Iñaki Soto, lors de la conférence de presse qui s’est tenue ce mercredi 30 janvier.

Un coup dur pour le média basque. Dans un secteur en crise comme celui de la presse qui s’est reconverti sans aide aucune, si ce n’est pour quelques médias qui ont pu profiter, d’après Soto, "d’un système clientéliste", "aucun média ne pourrait supporter un tel coup". Il considère que cette décision est injuste, "un vol". Du reste, il ne lui a pas échappé qu’aucun autre journal n’a été poursuivi de cette manière.

La justice espagnole avait fermé Egin en 1998 et emprisonné ses responsables pendant une longue durée. Ses 210 employés s'étaient retrouvés à la rue. "Elle a ensuite ruiné son patrimoine et a décidé de s’en prendre à nous", a dénoncé le directeur. Une grosse campagne de souscription avait permis de récolter les fonds nécessaires pour fonder Gara, le 30 janvier 1999. Quelques années plus tard, en 2003, c’est le quotidien en langue basque Egunkaria qui est fermé par le même juge. "Cela avait représenté une offensive concertée contre la presse basque", estime Soto.

Soutenir financièrement

Pendant tout ce temps-là, Gara a été placé en redressement judiciaire et n’a pas pu gérer librement ses finances. Une durée inhabituelle pour une situation tout aussi extraordinaire, comme l’a relevé son directeur Iñaki Soto : "Malgré la constitution d’un nouveau capital grâce à la contribution de milliers de personnes, une nouvelle équipe et un nouveau projet, on nous a reproché 'une suite idéologique d’entreprise'". Paradoxalement, Gara a hérité du passif de Egin mais pas de son actif, car les locaux que ce dernier détenait à Hernani ont été laissés à l’abandon pendant toutes ces années.

Les responsables de Gara comptent sur un autre capital : leurs lecteurs. Ils envisagent de mettre en place des moyens pour soutenir financièrement le projet et ont ouvert une phase d’interlocution avec les institutions, les différentes entités. "En 2019, personne ne veut, ni fermer des médias, ni fermer une entreprise qui emploie directement ou indirectement 200 personnes", a lancé Iñaki Soto. Il n’a pas été en mesure d’avancer les conséquences que pourrait avoir ce remboursement sur le personnel.

Pour l’instant, il affirme qu’il a confiance dans leur capacité à aller de l’avant "avec le soutien de tous". Gara représente le second média le plus vendu en Gipuzkoa, le troisième dans les autres provinces du Pays Basque Sud. Ses dirigeants ont la ferme intention de continuer à faire du journalisme politique, indépendant et professionnel. Mais, au-delà du cas de Gara, Iñaki Soto a relevé le besoin de changer les règles du jeu de ce secteur, convaincu du rôle joué par la presse dans la culture démocratique et le débat public.