Goizeder TABERNA

Discuter du processus de paix avec ETA n’est plus un délit

Un juge d’instruction a dicté un non-lieu pour Pantxo Flores et Ramuntxo Sagarzazu. Ils avaient été arrêtés à St-Etienne-de-Baïgorry en 2015 dans une opération contre ETA. C’est la première fois qu’un juge et un procureur s’appuient sur le contexte du processus de paix pour justifier un non-lieu.

David Pla (sur la photo) et Iratxe Sorzabal faisaient partie de la délégation d'ETA envoyée à Oslo pour mener à bien les discussions avec Madrid. © Bob EDME
David Pla (sur la photo) et Iratxe Sorzabal faisaient partie de la délégation d'ETA envoyée à Oslo pour mener à bien les discussions avec Madrid. © Bob EDME

Ils ont été arrêtés dans un gîte de St-Etienne-de-Baïgorry, un jour de septembre, quatre ans après l'arrêt définitif de la lutte armée par ETA. L'organisation est alors en plein processus de mise sous scellés des armes. Les quatre personnes ont été incarcérées dans la foulée. Il s'agit de deux militants d'ETA, Iratxe Sorzabal et David Pla, connus pour leur rôle dans la résolution du conflit, Pantxo Flores, le propriétaire du gîte, et Ramuntxo Sagarzazu. Ces deux derniers ont finalement été mis hors de cause, le fait de se réunir avec des membres d'ETA pour parler du processus de paix ne constituant pas un délit selon le juge d'instruction. Une position partagée par le parquet antiterroriste concernant Sagarzazu. 

Alors qu'Iratxe Sorzabal et David Pla seront jugés les 4 et 5 février prochains par le tribunal correctionnel de Paris, des chefs d'association de malfaiteurs, d'infractions liées à la législation sur les armes, port de faux documents et recel de financement du terrorisme, Flores et Sagarzazu n'auront pas à s'assoir sur le banc des accusés. Après avoir été libérés et placés sous contrôle judiciaire dans les semaines qui ont suivi leur incarcération, leurs avocates ont demandé un non-lieu.

La demande a été suivie par le parquet dans le cas de Ramuntxo Sagarzazu. Ce dernier avait déclaré devant les enquêteurs qu'il s'était rendu dans ces lieux afin de discuter du processus de paix avec les membres d'ETA. "Il apparaît que ses déclarations constantes consistant à dire qu'il était arrivé le jour même de son interpellation au domicile de François Flores dans le seul but de rencontrer clandestinement Iratxe Sorzabal et David Pla, afin de discuter du processus de paix, n'ont été contredites par aucun élément du dossier", estime le procureur. Le juge d'instruction a rejoint le parquet dans sa position et considère en plus que le passé de Ramuntxo Sagarzazu, condamné en 2010 pour son appartenance à ETA, ne permettait pas, à lui seul, de déduire l'existence d’une infraction.

Jusque-là, "le moindre contact avec des membres d'ETA était poursuivi pour association de malfaiteurs", commente l'avocate Xantiana Cachenaut. Le contexte politique du Pays Basque a tout de même été pris en compte par d'autres magistrats. C'est le cas de deux juges des libertés et de la détention et d'une cour d'appel, amenés à se prononcer sur des placements sous contrôle judiciaire, pour les uns, et sur la suspension de peine pour l'autre.

Opposé au non-lieu

En revanche, concernant Pantxo Flores, le parquet ne s'est pas associé à la demande de son avocate et s'est opposé au non-lieu. "Il considère que mon client ne pouvait pas ignorer que ses hôtes étaient des membre d’ETA et que le gîte avait été loué de façon atypique", explique Me Cachenaut. Il a donc demandé le renvoi pour association de malfaiteurs. Le magistrat instructeur ne l’a pas vu ainsi et a fait droit à la demande du non-lieu. S'en est suivi un appel du procureur.

Finalement, le 5 octobre dernier, la cour d’appel a confirmé le raisonnement du juge d’instruction, considérant que les explications sur les modalités de location étaient circonstanciées. "S'agissant de François Flores (…) il ne peut être considéré comme ayant participé à une association de malfaiteurs terroristes (…) à l’instar d’Erramun Sagarzazu, les seuls éléments qui peuvent lui être reprochés sont d’avoir été au contact de membres de l’organisation terroriste ETA dans l’unique but de discuter du processus de paix ou de permettre sa discussion", enfonce-t-elle le clou. Elle ajoute : "la seule mise en examen dans la procédure de terrorisme suite à son interpellation en 2007 ne saurait étayer une adhésion de l’intéressé à l’ETA, ou la volonté d’apporter une aide logistique à Iratxe Sorzabal et David Pla dans leur action clandestine". Le Baigorriar avait en 2007 été arrêté dans l’opération contre le bar Kalaka de Saint-Jean-Pied-de-Port, puis incarcéré. Plus de onze ans après, il est toujours dans l’attente d’un procès.