AINHOA AIZPURU

L’Andalousie vire à droite

Le candidat du Partido Popular a été élu mercredi président d’Andalousie avec l’appui de Ciudadanos et de l’extrême droite Vox. Il s’agit du premier président andalou qui n’est pas socialiste depuis 1982.

La majorité ayant porté au pouvoir le patron du PP andalou n'a été possible que grâce aux douze voix de Vox (@JuanMa_Moreno)
La majorité ayant porté au pouvoir le patron du PP andalou n'a été possible que grâce aux douze voix de Vox (@JuanMa_Moreno)

Juanma Moreno, candidat du Partido Popular (PP), est le premier président d’Andalousie à ne pas être socialiste depuis la mise en place en 1982 du système de Communautés autonomes. En plus des voix du PP, son parti, il a négocié le soutien de Ciudadanos (Cs) et de l’extrême droite de Vox, formant ainsi un bloc des droites qui pèse plus que la somme des gauches du Parti Socialiste et de Podemos.

Les élections pour le Parlement d’Andalousie du 2 décembre 2018 ont bousculé fortement le panorama politique. Le Parti Socialiste (PSOE), au pouvoir depuis 1982, a bien été le parti le plus voté mais n’a pas pu obtenir le nombre de députés suffisant pour former un gouvernement. Les 33 députés du PSOE et les 17 députés de Podemos ne sont pas suffisants pour atteindre la majorité absolue, fixée à 55 députés, sur un total de 109. Le PP en a obtenu 26 et Ciudadanos 21, ce qui fait un total de 47. Le nouveau parti d’extrême droite Vox, fondé par le Basque Santiago Abascal, s’est alors érigé en arbitre avec ses douze députés.

Le PP et Cs ont tout de suite affiché leur intention de conclure un accord et se sont partagé les postes du gouvernement après une courte négociation : six ministères pour le PP et quatre pour Cs, en plus de la présidence pour le PP et la vice-présidence pour Cs. Mais cet accord ne serait pas viable sans le soutien, ou du moins l’abstention, de Vox. Alors qu’en Europe, les exemples de cordons sanitaires isolant l’extrême droite sont nombreux, il restait donc à savoir si la droite espagnole était prête à pactiser avec l’extrême droite.

L'expulsion de 52 000 immigrants

De son côté, se sachant essentiel pour empêcher un nouveau gouvernement socialiste, Vox a donc présenté le 8 janvier un document de propositions qui a fait scandale, en échange de leur soutien. En plus d’éliminer les lois contre les violences faites aux femmes, qualifiées comme discriminatoires envers les hommes, ils demandaient l’expulsion immédiate de 52 000 immigrants illégaux, l’élimination de la chaîne de télévision andalouse Canal Sur, le transfert de l’éducation au gouvernement de Madrid, le financement des écoles privées ainsi que d’importantes réductions fiscales.

"L'idéologie de genre"

Finalement, Vox a rabaissé le niveau de ses exigences et a fini par signer un accord avec le PP qui inclut la création d’un ministère de la Famille comme mesure phare. Le débat d’investiture a été animé, le PSOE et Podemos accusant le PP d’avoir ouvert la porte au fascisme. Le PP, quant à lui, a centré son discours sur le changement et la régénération après 36 ans de "régime socialiste". Finalement, le porte-parole de Vox a tenu un discours proche des alt-right américains attaquant "l’idéologie de genre", empreint de nationalisme espagnol, d’attaques à la Catalogne et de conservatisme religieux.

L’irruption des extrémistes fait peur car leur popularité tombe au moment des élections prévues dans la plupart des communautés autonomes d’Espagne et dans les mairies en mai prochain. Reste à savoir quel sera l’impact et le poids de Vox dans ces scrutins.