Laurent PLATERO
Elkarrizketa
Chloé SINDERA et Ibai CAPOT
Artiste professionnelle et artiste amateur

“C'est ce qui me fait peur : ne pas savoir ce que je vais faire le mois prochain”

Chloé Sindera est danseuse professionnelle, sous le statut d’intermittente. Elle est actuellement en tournée avec sa compagnie Elirale pour la pièce chorégraphie Artha. Ibai Capot est danseur amateur au sein de la compagnie Beritza, actuellement en tournée avec le spectacle Üda Batez. Il travaille dans un bar. Tous deux ont accepté d’échanger sur leur statut respectif.

Chloé Sindera et Ibai Capot, artiste professionnelle et artiste amateur. © Laurent PLATERO
Chloé Sindera et Ibai Capot, artiste professionnelle et artiste amateur. © Laurent PLATERO

Pour vous, quelle est la nuance entre un amateur et un professionnel ?

Chloé Sindera : Je trouve qu’elle se distingue par le statut. Être artiste, c’est assumer un vrai métier. Ce n’est pas un passe-temps, c’est s’inscrire dans un choix de vie. L’amateur danse pour son plaisir : si quelque chose ne lui plait pas, il peut passer à autre chose. Nous, si la pièce ne nous plait pas, on doit assurer les dates.

Ibai Capot : Quand ça ne nous plait pas, on est aussi amené à aller jusqu’au bout : une personne ne peut pas punir tout le groupe parce qu’elle n’est pas contente. Pour ma part, je me considère amateur parce que je travaille à côté. Ce n’est pas grâce à la danse que je mange. Cela impose des sacrifices : on va en répétition après notre journée de travail, ce qui amène mille et une contraintes.

À quel moment la question de se professionnaliser est arrivée dans votre vie ?

I. C. : Un temps, je me suis demandé pourquoi ne pas en faire mon métier. Comme j’ai appris la danse traditionnelle souletine, c’est très compliqué : il n’y a pas de compagnie professionnelle. J’ai eu envie d’apprendre d’autres compétences comme des bases de danse classique, mais changer complètement de danse, non.

C. S. : C’est normal : moi j’ai été formée en classique et en contemporain, si je n’avais pas trouvé de travail là-dedans, je n’aurais pas voulu changer pour autant. Depuis toute petite, j’ai voulu être danseuse professionnelle. J’ai tout fait pour l’être : les conservatoires, les ballets juniors, les auditions… Et j’ai eu la chance d’être prise dans la compagnie Elirale.

Jugez-vous qu’il y a une nuance au niveau des sacrifices dus à la pratique de la danse ?

C. S. : Je pense qu’il y a une nuance. On fait ça tous les jours ou sur une longue période. On est obligé d’avoir une certaine hygiène de vie. Ce ne sont pas des spectacles par-ci par-là.

I. C. : Pour ma part, j’ai fait des sacrifices pour Üda Batez. Les répétitions, c’est beaucoup de temps qu’on n’a pas passé avec nos amis ou notre famille. Ça m’a cassé, même physiquement. Cela fait quatre ans que j’ai des gros projets tous les ans, et j’ai commencé à avoir des douleurs qui me sortent de nulle part ! Aux genoux, aux chevilles, au dos. Des choses qui apparaissent et repartent. Je commence à me poser des questions : peut-être va-t-il falloir arrêter pendant un moment ?

C. S. : Oui, les douleurs, on apprend à faire avec. On voit des kinés, des osthéos…

Est-ce un métier qui vous fait (toujours) rêver ?

C. S. : Il me fait toujours rêver et j’espère continuer encore longtemps. Intermittent du spectacle, c’est incertain. C’est ce qui me fait peur : ne pas savoir ce que je vais faire le mois prochain. Mais on est notre propre employeur : on peut travailler avec plusieurs chorégraphes, c’est intéressant pour ne pas tomber dans une routine, pour se nourrir.

I. C. : Moi, ne pas savoir ce que je vais faire le mois prochain, c’est quelque chose qui m’angoisse. C’est aussi une raison de ne pas vouloir faire ce métier.

C. S. : C’est angoissant mais c’est quand même assez excitant. J’aime bien vivre au jour le jour et je ne me pose pas trop de questions. J’essaye de profiter un maximum de ce rêve. J’ai confiance en la vie. Je pense qu’un jour je ne serai plus professionnelle, car avec l’âge, la condition physique ne suivra plus, mais je continuerai en amateur.