Iurre BIDEGAIN

Barcoïsbide : “J’espère que ma plainte va refroidir les personnes malveillantes”

Pierre-Alex Barcoïsbide, photographe de 26 ans, s’est fait agresser par plusieurs Gilets jaunes alors qu’il couvrait la manifestation de Bordeaux samedi 29 décembre. Depuis, il souffre de migraines “assez violentes”. Ce jeune de Mauléon a décidé de porter plainte et espère que cela servira à stopper le comportement de certains manifestants “qui s’en prennent aux médias”.

Samedi 29 décembre lors de la manifestation des Gilets jaunes à Bordeaux, vous avez été victime d’une agression. Que s’est-il passé ?

Pierre-Alex Barcoïsbide : Je suis arrivé vers 13h30 à la place de la Bourse pour faire des images du début de la manifestation. Il y avait une ambiance de bonne entente. Je n’ai pas senti trop de tension, ni de colère de la part des manifestants. A un moment donné, j’ai vu un attroupement de manifestants. Ils scandaient des choses devant des caméras de Cnews. Je me suis rapproché et je me suis rendu compte qu’ils ne parlaient pas à la caméra, ils étaient en train de leur dire clairement de dégager de la zone.

J’ai reculé vers une petite rue. Les deux filles de Cnews se sont dirigées vers cette même rue. Tous les regards étaient portés sur elles, donc je ne me suis pas senti visé. Puis, elles sont parties avec deux gardes du corps. J’ai commencé à faire une vidéo et à ce moment-là, un Gilet jaune est venu vers moi déterminé à me faire dégager de la place et à me pousser. J’ai commencé à courir et l'un d'eux m’est rentré dedans. Ma tête a tapé contre une vitre et le sol. À partir de là, j’ai perdu connaissance.

Deux Gilets jaunes sont venus m’extirper de cette situation. J’ai repris les esprits dans un resto où ils m’ont mis à l’abri. Ils m’ont raconté qu’une personne m’a agressé et que je suis tombé par terre. J’ai ensuite été transporté aux urgences.

Avez-vous eu peur ?

P. A. B : Là où j’ai eu très peur, c’est lorsque je suis sorti des urgences, je n’avais plus de batterie [dans le téléphone, ndlr.]. Je me suis retrouvé dans la rue, ça pétait de partout. Je me suis retrouvé au milieu des Gilets jaunes, perdu dans la ville. Là, j’ai flippé. Des gens m’ont aidé à retourner à la place de la Bourse. Je suis, donc, revenu sur le lieu de mon agression avant de retourner à la voiture. Je me suis dit que plus jamais je ne remettrais les pieds dans une situation pareille. Finalement, je me suis dit que non.

Avez-vous des dommages physiques ?

P. A. B : J’ai des hématomes dans le dos. Mon sac-à-dos m’a protégé et le plus gros, c’est au niveau de la tête. Derrière l'oreille droite. Lorsque ma tête a tapé la vitrine et le sol, j’ai perdu connaissance et du sang a coulé.

Et en ce qui concerne votre matériel ?

P. A. B : La personne qui m’est rentré dedans, m’a mis un coup de pied ou de genou dans mon sac. Il m’a explosé mon 70-200 mm, mon optique de secours.



Vous avez décidé de porter plainte ?

P. A. B : Je ne pensais pas porter plainte, car au début, je n’ai pas réalisé ce qui m’est arrivé. Aux urgences, je suis resté deux heures en observation et c’est là que j’ai eu le temps de cogiter. J’ai réalisé l’ampleur de la situation. Lorsque mes proches sont venus me chercher, j’ai ouvert mon sac. J’ai vu mon optique explosé. Pour le casser, c’est que le choc a dû être violent.

C’est la première fois que vous vivez une situation pareille ?

P. A. B : Non, ce n’est pas la première fois. J’ai participé à d’autres manifestations, mais beaucoup plus calmes. Celle de Biarritz, il y a quinze jours, était plus violente, mais ce n’était pas la même violence. Je ne m’attendais pas à être agressé par des manifestants. A Bordeaux, j’étais équipé au cas où il y aurait des affrontements. J’avais un casque et un masque, que je ne portais pas au début de la manifestation. Je pense qu’ils s'en sont pris à moi parce que sur le casque, il y avait écrit 'presse'. Je n’étais pas le seul photographe équipé et ils se sont acharnés sur moi.

Comment décririez-vous l’ambiance entre certains médias et les Gilets jaunes ?

P. A. B : J’ai eu énormément de messages de soutien, mais j’en ai aussi eu certains beaucoup moins sympas. Ils me disaient que 'c’est bien fait pour ma gueule', 'la presse n’a qu’à dire la vérité surtout sur le nombre de manifestants'. J’espère que ma plainte va aboutir sur quelque chose et va refroidir les personnes malveillantes qui en veulent à la presse. Ce n’est pas normal qu’on s’en prenne aux médias et surtout de cette manière-là. Ce n’est pas normal de commettre des actes de violence gratuite sur une personne.

Vous avez fait un appel à témoins.

P. A. B : Tous ceux qui ont des vidéos ou des photos de l’agression peuvent les envoyer à la Gendarmerie de Mauléon ou directement sur mes comptes Facebook ou Twitter. Ce qui est bien, c’est que cet appel a été entendu. Grace à ça, je me suis rendu compte de ce qui s’est passé. On voit bien qui m’a rentré dedans et on a réussi à l’identifier. Il y a deux personnes. Celle qui me dit de dégager, ce n'est pas celle qui m’a bousculé, mais il y a quand même contribué. Mais il y a surtout une autre personne impliquée.

Vous sentez-vous prêt à retourner couvrir d’autres manifestations ?

P. A. B : Je suis motivé pour continuer le travail de photo-journalisme sur le terrain. Pour moi, c’est une leçon et à partir de là, je vais faire beaucoup plus attention.