Goizeder TABERNA

La justice s’intéresse aux petits papiers de la Cité de l’océan

Des agents de police ont débarqué à la mairie de Biarritz dans le cadre d'une enquête judiciaire sur la société Biarritz Océan, en octobre. Michel Veunac a dû s’en expliquer lors du dernier conseil municipal.

Michel Veunac avait préparé une réponse dans le cas où la question sur la remise de document s'inviterait au conseil municipal. © Isabelle MIQUELESTORENA
Michel Veunac avait préparé une réponse dans le cas où la question sur la remise de document s'inviterait au conseil municipal. © Isabelle MIQUELESTORENA

La Cité de l’océan continue à faire des vagues et le maire de Biarritz essaie de ne pas les prendre sur la tête. Lorsque l’élue d’opposition Maider Arosteguy lui demande des explications sur la visite d’agents de police judiciaire dans les locaux de la mairie, mi-octobre, Michel Veunac joue la carte de la transparence : ils sont venus chercher une facture produite par la société exploitante de la Cité de l’océan à la Ville, pour le rachat d’invendus.

Lors du dernier conseil municipal le 12 décembre, il a tenu à clarifier les choses. Il est vrai que la publication, en février, d’un rapport de la Chambre régionale des comptes épinglant la gestion de la Cité de l’océan n’a fait qu’augmenter la suspicion vis-à-vis de ce projet qui a pris l’eau dès le départ, porté par l'ancien maire Didier Borotra.

Précisément, ce rapport concernant la période entre 2009 et 2016 est à l’origine de l’enquête en cours. La liste des griefs y est longue. La Chambre régionale des comptes se demande si, entre autres, Suez Environnement et Sophie Borotra seraient dans les petits papiers de la société d’économie mixte (Sem) Biarritz Océan. Neuf mois plus tard et un premier procès pour l'ancien maire et président de la société d’économie mixte concernant un contrat accordé à sa fille - dont le procès en appel est prévu le 16 mai 2019 -, les enquêteurs chercheraient à établir des faits de favoritisme et d’irrégularité dans les attributions de marché, d’après Sud Ouest.

12 000 invendus

L’un des marchés concerne la société éditrice de ce quotidien régional. Lors du lancement de la cité de l’Océan en 2011 et du Musée de la mer rénové, Biarritz Océan a commandé, entre autres, 15 000 exemplaires de deux hors-séries au journal Sud Ouest. Plus précisément, à la société Sapeso. Un coût de 85 500 euros, précise le rapport. "Il était convenu que Sud Ouest commercialiserait également les deux hors-séries dans son réseau de vente sur l’ensemble du Pays Basque, moyennant une commission de 25% sur les ventes, et que les invendus seraient restitués à la mairie de Biarritz", expliquent les magistrats dans leur rapport. Après en avoir vendu 3 000, le 22 octobre 2012, la Ville rachettera 12 000 exemplaires pour 73 188 euros.

Sur les chiffres, Michel Veunac ne paraît pas si sûr de lui face aux journalistes, et évoque un montant d’environ 10 000 euros pour ce rachat. Tout comme il ne reconnaît pas l’existence de l’enquête judiciaire en cours et récuse l’information parue dans la presse selon laquelle l’hôtel de ville aurait été "perquisitionné". Un terme pourtant employé par une source judiciaire consultée par MEDIABASK. Il s’agirait, selon le maire, d’une "remise de document sur commission rogatoire".

Le maire assume

C’est avec assurance, en revanche, que la Chambre régional des comptes affirme que la Sem aurait dû supporter le risque de cette commande car elle en est juridiquement à l’origine. Or, devant les conseillers municipaux, le maire assume le procédé : "La Sem ne se serait pas engagée seule dans la publication de ce document généraliste si au préalable, elle n’avait pas obtenu l’accord de la Ville sur la prise en charge d’un certain nombre d’exemplaires non distribués au terme de la période de lancement des deux musées". Le contenu des revues aurait pour objet la valorisation des actions de la Ville de Biarritz et non la promotion directe des deux sites liés à la mer.

Les magistrats de la juridiction administrative ont également relevé qu’il n’y avait pas eu de mise en concurrence lors de la commande. Veunac, à l’époque des faits adjoint de Didier Borotra, se défend avançant le fait que Sud Ouest n’a pas de concurrent assurant une couverture géographique comparable, sans préciser si un appel d’offre avait été réalisé.

Il soutient que les règles de la commande publique ne colleraient pas totalement à cette société d’économie mixte qui "mène des activités à caractère industriel et commercial, dans le sens donné par le droit européen, soumises aux règles du droit privé". La Chambre régionale des comptes assure, elle, que "l’attribution des marchés conclus par la Sem Biarritz Océan est soumise au respect des principes de libre accès à la commande publique, d’égalité de traitement entre les candidats et de transparence des procédures". En pleine crise politique municipale, Michel Veunac essaie de garder la tête hors de l’eau dans cette affaire héritée de l’air Borotra, mais pas que, car le plan de relance adopté par l'actuelle municipalité en juillet 2015 est également pointé du doigt par le rapport.