Goizeder TABERNA

Les discussions avec Paris sont suspendues

Les membres de la délégation du Pays Basque ont appelé à participer à la manifestation organisée en faveur des prisonniers basques le 12 janvier, afin de créer les conditions nécessaires au déblocage des pourparlers avec le ministère de la Justice.

Les membres de la délégation du Pays Basque n'ont pas fermé la porte au dialogue avec Paris. © Bob EDME
Les membres de la délégation du Pays Basque n'ont pas fermé la porte au dialogue avec Paris. © Bob EDME

Les discussions ouvertes en juillet 2017 ont conduit à 25 rapprochements de prisonniers et 22 suppressions de statut de DPS (détenu particulièrement signalé). Rien de plus. Rien qui aboutisse en tout cas à la réalisation de tous les objectifs partagés entre la Chancellerie et la délégation du Pays Basque. Vendredi 14 décembre, des représentants de ce groupe d’interlocuteurs chargé de mener les discussions sur les détenus basques avec le ministère ont rendu publique cette situation de blocage et appelé à manifester dans les rues de Bayonne et de Bilbo le 12 janvier prochain, sous le slogan "Maintenant les prisonniers !".

Convaincus que la mobilisation est compatible avec le dialogue à Paris, les membres de la délégation ne ferment pas la porte à la poursuite des discussions pour mener jusqu’au bout l’exercice lancé il y a plusieurs mois. Le président de la Communauté d’agglomération Pays Basque Jean-René Etchegaray, le député de la sixième circonscription Vincent Bru, la présidente de Bake Bidea Anaiz Funosas et l’Artisan de la paix Michel Berhocoirigoin ont rappelé que plusieurs points abordés ne se sont pas traduits par des mesures concrètes.

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Malgré des rapprochements vers les prisons de Mont-de-Marsan et Lannemezan, huit détenus pourraient y prétendre mais demeurent dans des centres pénitentiaires éloignés de leurs proches. Pour les dix femmes incarcérées dans des prisons françaises, aucune solution n’a été trouvée, aucun centre n’existant pour elles au sud de la Loire. Il reste, par ailleurs, 12 détenus classés DPS, un statut imposant des contraintes supplémentaires. Reste également à résoudre la question des prisonniers malades et des demandes de libérations conditionnelles, régulièrement suspendues au recours des procureurs de la République.

Le mouvement enclenché au pas après la manifestation du 9 décembre 2017 à Paris, qui a mobilisé plus de 10 000 personnes, est semble-t-il en mode pause. La délégation fait un rapprochement entre ce blocage et l’avènement des socialistes à Madrid. Mais Michel Berhocoirigoin est convaincu que ces difficultés ne marquent pas la fin de l’histoire, "nous n’avons pas fait tout cela pour ça".

Responsables d’ETA

Pour Jean-René Etchegaray, la situation est incompréhensible : "Le droit commun ne serait pas accessible pour la totalité des détenus basques ?". Les pas franchis dans la voie de la résolution du conflit depuis Aiete en 2011, jusqu’à Arnaga en 2018, ne seraient pas pris en compte, d’après lui. Vincent Bru s’interroge également : "Ces détenus ne sont plus un danger pour la société. Pourquoi leur appliquer des mesures discriminatoires ?"

Parmi les prisonniers encore éloignés du Pays Basque, certains sont considérés par la Justice française comme des anciens responsables d’ETA, ce qui pourrait expliquer la frilosité de l’administration française pour répondre à leur demande. "Il nous semble que c’est un prétexte, car nous ne pouvons pas reconnaître des droits à certains et pas à d’autres. Les droits sont, ou pour tous, ou pour personne", réagit Michel Berhocoirigoin.

Diversité, consensus et transversalité, les principes appliqués tout au long du processus au Pays Basque Nord seront de mise pour la manifestation du janvier. "Ils préfigurent le Pays Basque que nous voulons", précise l’Artisan de la paix. Et Jean-René Etchegaray d’en appeler à la mobilisation "des forces vives de ce pays". Il compte demander aux élus réunis en conseil communautaire ce samedi 15 décembre de montrer leur solidarité.

"Prisonniers et victimes pour la paix"

Les membres de la délégation sont conscients que sans la mobilisation de Paris, tous ces rapprochements n’auraient pas pu avoir lieu. La confiance, la discrétion et la transparence observées tout au long de ce travail d’interlocution, mené avec les différentes parties concernées, auraient également contribué à ce résultat. "Tout le monde s’y retrouve", estime Anaiz Funosas.

C’est précisément dans cet état d’esprit que la délégation a lancé un message aux victimes qui essaient de freiner le règlement du conflit. Avec les prisonniers, la question des victimes serait un des nœuds gordiens de cette résolution. Et Jean-René Etchegaray insiste : "Ce n’est pas 'prisonniers contre victimes' ou 'victimes contre prisonniers', c’est 'prisonniers et victimes pour la paix'".