Iurre BIDEGAIN

“Antoine se battra pour l’interdiction de ces grenades”

Antoine, 26 ans, a perdu une main à cause d'une grenade lancée lors des manifestations qui ont eu lieu à Bordeux le samedi 8 décembre, à l'occasion des mobilisations des gilets jaunes. Selon son avocat, Maître Jean-François Blanco, il se montre prêt à lutter contre l’utilisation de ces projectiles. Il déposera dès lundi une plainte. Entretien avec son avocat.

Jean-François Blanco, avocat du jeune Antoine. ©Gaizka Iroz
Jean-François Blanco, avocat du jeune Antoine. ©Gaizka Iroz

Après cet accident tragique, comment va Antoine ?

Jean-François Blanco : Antoine est très courageux. Il fait face à son amputation, à cette mutilation épouvantable. Il est jeune, mais déterminé et révolté par ce qui lui est arrivé. Il veut se battre pour la vérité et pour l’interdiction de cette grenade qui a provoqué cette amputation.

Est-il toujours à l’hôpital ?

J.F B : Il est à l’hôpital encore pour quelques jours. Ensuite, il va rentrer dans une phace de rééducation qui va être longe, difficile. C’est inadmissible. Je suis impressionné par son courage. Il donne un sens politique à ce qui lui est arrivé.

Antoine a perdu une main lors d'une manifestation organisée par les gilets jaunes à Bordeaux le 8 décembre. Que s'est-il passé exactement ?

J.F B : Ce qui s’est passé est en réalité très simple. Antoine avait participé à la marche pour le climat, car c’est un jeune engagé. Son engagement avait commencé par le mouvement des Indignés à Bayonne en 2011. Il a participé à la marche et ensuite, il a rejoint les gilets jaunes et il s’est dirigé vers la mairie de Bordeaux. C’est là que se trouvait le paroxysme de l’affrontement entre les gilets jaunes et les forces de l’ordre.

Lui, de son côté, il a uniquement lancé des oeufs. Avec son frère et deux de ses amies, ils ont acheté des oeufs et les ont lancés en direction des CRS. À un moment, malheureusement, il a eu le réflexe de ramasser le projectile et quand il l’a ramassé, celui-ci a explosé : c’était une grenade.

La police est-elle autorisée à utiliser ce genre de grenades ?

J.F B : Selon toute vraisemblance, il s’agirait d’une grenade contenant du TNT et à l'heure actuelle, elles sont autorisées. La France est le seul pays d’Europe où les forces de l’ordre peuvent les utiliser. À ce stade, je suis dans une étape de vérification auprès du parquet pour déterminer exactement la nature des grenades qui ont été utilisées.

Il y a le cas d’Antoine, mais en réalité, depuis les événements sociaux que nous connaissons, ces grenades ont provoqué beaucoup de victimes dans de très nombreuses manifestations. La question qui se pose pour Antoine, et c’est le sens du combat qu'il veut mener, c’est d’obtenir la vérité sur ce qui s’est passé samedi dernier à Bordeaux. En matière de maintien de l’ordre, mais aussi sur l’utilisation de ces grenades, pour déterminer les responsabilités.

Il considère que la principale responsabilité provient des autorités administratives et politiques qui mettent à disposition de forces de l’ordre ces armes dangereuses.

Va-t-il porter plainte ?

J.F B : Antoine m’a demandé de déposer plainte et je suis en train de la préparer. Elle sera déposée lundi en début d’après-midi, auprès du procureur de Bordeaux. Pour l’instant, j’attends la documentation médicale et la réponse relative à la catégorie de grenades utilisées.

Quelle sera votre défense ?

J.F B : D’abord, je dirai que rien ne peut justifier l’utilisation de telles grenades à l’encontre de manifestants dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre. Antoine est un jeune pacifiste qui n’a commis aucun acte violent. Il a lancé des oeufs et on lui a répondu par des grenades explosives. C’est inacceptable. Ce qui est intolérable, c’est que ces grenades soient mises à disposition des forces de l’ordre. Le sens de la plainte est bien celui-là. Ensuite Antoine se battra pour l’interdiction de ces grenades.

Quel va être le parcours de la plainte déposée ?

J.F B : Elle va être déposée entre les mains du procureur de Bordeaux. Il va lui appartenir de mener les premières investigations. J’espère qu'il désignera un juge d’instruction pour qu’on ait des vérifications indépendantes.