Anaiz Aguirre Olhagaray

Allez, on va à la plage ?

On le sait, le trait de côte basque recule chaque année un peu plus. En cause : l’érosion du littoral, accentuée par la montée des eaux et les fortes tempêtes qui secouent régulièrement la façade atlantique du Pays Basque. De quoi réfléchir sur l'avenir de nos 40 kilomètres de côtes.

Fortes pluies, pollution, érosion... en 2018, le nombre de jours de fermeture des plages a augmenté par rapport à l'année dernière. © OT Saint-Jean-de-Luz
Fortes pluies, pollution, érosion... en 2018, le nombre de jours de fermeture des plages a augmenté par rapport à l'année dernière. © OT Saint-Jean-de-Luz

Propriétaires du littoral basque, tenez-vous prêts. Les réfugiés climatiques de demain, c’est peut-être vous. Année après année, mètre par mètre, le trait de côte recule, les falaises s’érodent, défigurant le paysage petit à petit. L’assaut des vagues, contre l’assaut des infrastructures touristiques et des demeures de luxe, sous le poids desquelles croulent notre terre et notre côte. Merci Eugénie de Montijo et autres lignées d’aristocrates qui avez osé défier la Nature en construisant à flanc de falaise des habitations aujourd’hui menacées par les fortes houles.

Pauvres riches propriétaires, qui vont voir s’effriter inexorablement leur héritage séculaire au rythme des grandes marées. Soixante-dix mètres, c’est ce qu’a perdu le trait de côte en 200 ans au Pays Basque. Mais je ne m’en fais pas pour eux. Il s’agit à n’en pas douter de logements secondaires. Le choc de devoir à terme abandonner leur maison ne sera pas aussi brutal qu’au large du Pacifique, où les habitants s’organisent déjà pour faire face à la montée des eaux. Cinq îles des Salomon – inhabitées – ont déjà été englouties, rayées de la carte.

Ici, les uns pensent confortement des falaises – quand ils ont les moyens d’engager de tels travaux, qui nécessitent un entretien constant. Une douce chimère… ? D’autres, comme Marc Campandegui, délégué au littoral à la ville de Bidart, se montrent plus pragmatiques. "En boxe, celui qui frappe le plus fort gagne. Contre l’océan… je ne pense pas que ce soit la bonne méthode. En revanche, dans l’aïkido, c’est parfois, et même souvent le plus faible qui gagne, puisqu’il utilise l’énergie de l’autre. Dans ce combat, il faut essayer d’éviter le choc frontal. Il faut laisser respirer l’océan dans la mesure du possible. Partout où on peut reculer, il faut reculer". (1)

En entendant ces mots, je me prends à rêver un instant d’une côte basque désertée. Des résidences secondaires vides, été comme hiver. Des hôtels à l’abandon. Une nature sauvage retrouvée. Et d’infinies possibilités de réoccuper ces espaces libérés, et d’en faire de nouveaux lieux de vie, gérés par les gens d’ici et tournés vers l’avenir : l’accession au logement pour les jeunes d’Iparralde, l’accueil des migrants ; de nouvelles activités économiques qui répondraient aux défis climatiques tout en préservant ce qui reste de notre petit bout de terre et de mer, dans le respect des ressources naturelles, matérielles et humaines disponibles. Les politiques auraient pris le problème à bras-le-corps. Ils auraient pris les bonnes décisions pour lutter contre le dérèglement global du climat, qui provoque, localement, la montée du niveau de l’océan, elle-même responsable de l’érosion de notre littoral. En prime, ils auraient compris que cette bataille est créatrice de milliers d’emplois non-délocalisables.

Concrètement, on fait quoi ?

Retour à la réalité de 2018. Je suis d’accord qu’il va falloir s’adapter à ces nouveaux phénomènes climatiques, mais j’espère que cela ne passera pas par la transformation de nos 40 kilomètres de côtes en remparts bétonnés contre la submersion – la bataille, coûteuse et laborieuse, est perdue d’avance. Il faut s’attaquer aux racines de ce dérèglement, et vite. Parmi le large panel des leviers de lutte contre les effets du changement climatique, j’en retiens un, qui, au Pays Basque, nous mène déjà vers un emballement à tous les niveaux : la densification urbaine. Elle entraîne dans son sillon tout un tas de conséquences néfastes : inflation, pollution, embouteillages, artificialisation des terres… in fine, un excellent facteur d’aggravation du réchauffement climatique. Le littoral basque atteint la vertigineuse densité de population de 507 habitants par mètre carré, contre 81 dans le reste de la région. Ça fait réfléchir, non ?

Les solutions existent. Majorer la taxe d’habitation sur les résidences secondaires par exemple, comme l’a récemment fait la commune d’Anglet. Reste à savoir si cette mesure incitera réellement les propriétaires à louer à l'année leur deuxième maison. Des propositions venues d’ailleurs donnent aussi matière à réflexion : jeudi 16 août, la Nouvelle-Zélande a décidé d’interdire tout achat immobilier aux étrangers (à quelques rares exceptions près). En Bretagne, l’Union démocratique bretonne propose d’instaurer un statut de résident sur les îles Bretonnes. Pas dans l’intention de privilégier les Bretons, mais bien de "répondre au besoin de se loger des gens qui ont choisi de vivre à l’année sur un territoire". Le changement climatique modifiera sans aucun doute l'économie touristique du Pays Basque, jusqu'au jour où la simple formule "aller à la plage" ne signifiera peut-être plus grand chose...

(1) Extrait de "Sale temps pour la planète. Erosion du littoral : le Pays Basque en péril", reportage diffusé sur France 5 mardi 21 août, en replay jusqu'au 27 août.