Béatrice MOLLE-HARAN

Temps politique et temps judiciaire

Maître Jean-François Blanco : “Une justice transitionnelle nécessaire en Pays Basque pour un travail de mémoire essentiel pour le Pays Basque”

Béatrice Molle-Haran. © Sylvain SENCRISTO
Béatrice Molle-Haran. © Sylvain SENCRISTO

C ‘est le premier procès de personnes impliquées dans une affaire relative à ETA après la dissolution de l’organisation armée le 3 mai dernier. Les réquisitions du procureur sont des peines de prison, dont une partie avec sursis correspondant aux peines déjà effectuées en préventive.

Si les réquisitions sont suivies par le juge, les quatres prévenus ne retourneront pas en prison. Des réquisitions que d’aucuns annonçaient prévisibles, les accusés comparaissaient libres devant le Tribunal de grande instance de Paris. Et ce, quatorze années après leurs arrestations ! Jean-François Blanco, avocat de l’un des prévenus, le chanteur Peio Serbielle, a dénoncé une procédure qui s’est allongée démesurement. Ce dernier a fait seize mois de détention provisoire et a subi six années de contrôle judiciaire. De longues années d’incertitude, d’angoisse et de gâchis. Pendant ce temps, l’histoire de ce pays a dépassé le temps judiciaire avec l’arrêt définitif de la lutte armée en 2011, le désarmement en 2017 et la dissolution d’ETA en 2018. Pour l’avocat Jean-François Blanco, “les réquisitions du procureur sont en décalage car il ne peut pas ne pas tenir compte de cette nouvelle situation. Cette Justice transitionnelle est nécessaire en Pays Basque pour ce travail de mémoire essentiel pour le Pays Basque”. Un procès se déroulant aux portes des prémices d’un nouveau temps, forcément différent vers un avenir qu’il faudra construire.

Le temps d’après tous ces derniers événements est observé à la loupe et la dernière opération de la Guardia civil en Pays Basque Sud mettant sous embargo des biens appartenant à d’anciens prisonniers d’ETA ayant purgé leur peine, et des prélèvements sur leurs salaires pour certains, ou plutôt leur extrême médiatisation pose question. Une procédure habituelle même si considérée par certains comme injuste. Et dont la médiatisation est analysée par beaucoup comme un gage donné à certaines associations de victimes opposées à toute flexibilité concernant les prisonniers basques. Et envers le simple respect de la loi concernant leur rapprochement.

C’est le sens de l’analyse réalisée par l’avocat Txema Matanzas emprisonné pendant dix ans et qui, lors d’une intervention hier devant le groupe Mémoire et Vivre ensemble du Parlement Basque, a demandé à ce dernier, et à toutes ses composantes, notamment le PP et le PSOE, de faire preuve de pédagogie rappelant que malgré l’offensive juridique lancée par EPPK (Collectif de prisonniers politiques basques) demandant l’accession à des bénéfices pénitentiaires, la majorité de ceux-ci sont toujours en grade 1. Grade cruel s’il en est, empêchant toutes permissions et sorties, retardant de fait la nécessaire réintégration à une vie sociale. Des lois d’exception rendant, selon lui, plus que problématique la résolution du conflit. A cette session et à la demande du PNV, Carmen Gisasola, 24 ans de prison (Voie Nanclares) a également comparu indiquant que la situation des prisonniers était très compliquée et avertissant qu’un effort serait nécessaire pour le vivre ensemble. Ajoutant indispensable de fermer les blessures et “assumer ce qui fut brutal et injuste”. Un long travail douloureux que chacun et chacune devra affronter désormais avec son vécu particulier et collectif au sein de ce pays. Sans tabous ni ornières. En responsabilité. Un travail mémoriel donnant peut-être du sens à la souffrance endurée de part et d’autre. Sans oubli ni haine ou condescendance.