Pascal LESELLIER

Pardon, deuil et réconciliation

Pascal Lesellier. © DR
Pascal Lesellier. © DR

Jeudi 3 mai 2018 à Genève, l’ETA a annoncé sa décision de défaire complètement l’ensemble de ses structures et de mettre un terme à son activité politique. Le bilan de la lutte armée menée par l’ETA a été extrêmement lourd notamment au Pays Basque Sud. En près de 60 ans, on compte plus de 1 000 morts et 7 000 blessés pour un conflit qui a divisé la société basque et terni durablement l’image de ce pays. Une tragédie humaine ! D’autant que, le franquisme agonisant, le Pays Basque Sud renaissait politiquement dans la nouvelle démocratie espagnole. Une nouvelle fois le terrorisme aura échoué après avoir causé beaucoup de dégâts humains.

Vendredi 4 mai 2018 à Cambo-les-Bains, une rencontre internationale pour la résolution du conflit basque s’est tenue en l’absence du gouvernement d’Euskadi. Le retrait de son président M. Urkullu est compréhensible. L’ETA devait rendre les armes et annoncer sa dissolution au peuple basque espagnol. Il en a été autrement. Les armes ont été rendues à la justice française et la déclaration sur la dissolution a été faite à Genève. Nous regrettons qu’il n’y ait pas eu d’entente entre les présidents Urkullu et Etchegaray de la Communauté d’agglomération Pays Basque. Cette rencontre internationale aurait dû être organisée au Pays Basque Sud, territoire le plus touché par le conflit, tant humainement que politiquement et socialement. Espérons que ce différend entre les deux présidents n’altère pas le processus de réconciliation.

Nous sommes au début du chemin et trois obstacles majeurs apparaissent : le pardon aux victimes, les affaires non élucidées et le traitement des prisonniers basques. L’ETA n’a exprimé son pardon qu’aux victimes “étrangères” au conflit et à leurs familles ; or, les familles des victimes “non étrangères” ont été elles aussi touchées. Nous ne comprenons pas cette catégorisation de victimes “étrangères” ou “non étrangères” au conflit. Elles appartenaient toutes à une même communauté humaine de destin. Puis il y a ces 300 attentats ou disparitions non résolues. La justice doit procéder à des enquêtes pour que les protagonistes soient identifiés et que la vérité éclate. Il est inconcevable de laisser les familles sans réponse ; le deuil ne pourra se faire et la rancœur survivra. Quant au traitement des prisonniers basques, 70 sont incarcérés en France sur 347 (NDLR : il y a en fait 50 prisonniers basques sur l’Etat français, sur un total de 330). Nous sommes favorables à une politique pénitentiaire plutôt individuelle que collective. Les prisonniers pourraient bénéficier d’un rapprochement en fonction de leur comportement pendant l’incarcération et de leur volonté à s’engager dans une voie d’apaisement (rejet de la violence, prise de position face aux victimes...). La justice française a d’ores et déjà entrouvert cette porte et autorisé certains rapprochements.

Le chemin de la réconciliation sera long. Le temps fera son œuvre à condition de ne laisser aucune zone d’ombre et d’apporter une nécessaire humanité. Les futures commémorations du conflit devront être pensées dans le respect de la mémoire des victimes et de leurs familles.