Chloé Rébillard

La “fermeture de trop”

Les trésoreries d’Hendaye, de Tardets et de Saint-Etienne-de-Baïgorry sont menacées de fermeture. Une fuite des services publics qui inquiète dans les municipalités concernées.

A Tardets, la mairie est l'un des derniers services de l'Etat encore présent. (wikipédia commons)
A Tardets, la mairie est l'un des derniers services de l'Etat encore présent. (wikipédia commons)

Pour le maire de Tardets, Arnaud Villeneuve, c’est la "fermeture de trop". La fuite des services publics en milieu rural, il ne connaît que trop bien la litanie. Dernière fermeture qui lui a été annoncée, celle de la trésorerie de son village qui serait transférée vers Mauléon.

Il n’est pas le seul concerné : cette année, Saint-Etienne-de-Baïgorry et Hendaye devraient également laisser la place dans un "transfert". La première commune verrait sa trésorerie rattachée à celle de Saint-Jean-Pied-de-Port et la seconde serait répartie entre Saint-Jean-de-Luz et Biarritz.

Pour Pierre Nouquéret, membre de la CGT et fonctionnaire aux impôts, ces fermetures ou "transferts", sont à remettre en perspective dans une contexte plus large : "Nous sommes dans une logique où les usagers devraient connaître une systématisation des relations avec l'administration par voie dématérialisée." Et de citer Ustaritz, trésorerie qui a fermé l’année passée. "A terme, l’objectif est de n’avoir plus qu’un centre par département. Du fait du caractère bicéphale reconnu du département, ici ils en maintiendront certainement deux".

Depuis des années, l’administration fiscale doit faire face à des suppressions d’emplois importantes. Pessimiste, le syndicaliste prévient : "le volume des emplois d'ores et déjà supprimés à la DGFIP a rendu le phénomène irréversible". Et ce n’est pas fini : l’effort demandé aux seules Finances publiques pour parvenir à l’objectif de 120 000 postes de fonctionnaires en moins d’ici 2022, est de 18 000 postes. Dans une administration déjà durement touchée, les fermetures d’autres trésoreries seront inévitables si le plan est appliqué.

Aussi combatif que Pierre Nouquéret est pessimiste, Arnaud Villeneuve, quant à lui, a bien l’intention de taper du poing sur la table. La trésorerie de sa commune, malgré les effectifs réduits, gère les dépenses de la mairie et des collectivités publiques alentours. "Je vois mal toutes les collectivités devoir faire le déplacement à Mauléon au moment de la perception !" Il souhaite rallier les maires locaux autour de la question de la perte des services publics et souhaite obtenir a-minima un rendez-vous auprès du préfet.

La fracture numérique

Pour les usagers des trésoreries, l’incitation à passer au tout numérique devient de plus en plus forte. Dans son travail, Pierre Nouquéret a l’occasion de voir les profils des personnes pour qui la dématérialisation est compliquée : "ce sont les plus démunis qui continuent de venir apporter leur déclaration en main propre". Autres publics marginalisés par ce passage au tout-ordi, les milieux ruraux dépourvus d’une couverture internet suffisante et des personnes âgées pour qui le numérique reste inaccessible. "Les politiques ne prennent tout simplement pas en compte la fracture numérique" constate P. Nouquéret.

Pour combler cette désertion du service public, des entreprises privées proposent désormais des services, mais payants. Ainsi, si vous voulez une aide pour remplir votre déclaration d’impôt sur internet, vous pouvez vous acquitter de la somme de 39 euros auprès de La Poste.

Face à cette situation, les maires se mobilisent. Kotte Ecenarro, premier édile d’Hendaye, a obtenu un rendez-vous avec la direction des Finances publiques le 31 mai prochain. Arnaud Villeneuve envisage "une action collective" avec les élus locaux. Quant à Pierre Nouquéret, il affirme "bien sûr que si les élus locaux veulent se mobiliser, on les suivra". En attendant, ce mardi 22 mai, il était en grève pour défendre la fonction publique, avec 35 % de ses collègues de la DGFIP départementale. Le centre de Bayonne n’a pas pu ouvrir ses portes.