Béatrice Molle-Haran

Cap sur le futur avec la réconciliation en ligne de mire

Tous les intervenants ont souligné le rôle prépondérant de la société civile dans cette rude tâche qu’est la construction du vivre ensemble.

La Déclaration d'Arnaga se voulait être un texte tourné vers l'avenir. © Bob EDME
La Déclaration d'Arnaga se voulait être un texte tourné vers l'avenir. © Bob EDME

La journée du 4 mai 2018 à Cambo qualifiée d’historique a mis en exergue le rôle fondamental de la société civile dans la réconciliation. Future et attendue. L’ex-secrétaire général de l’Onu Kofi Anann a remis un message aux organisateurs de la journée d’Arnaga, message lu par Michel Camdessus, ex directeur du FMI et saluant la fin du dernier conflit armé d’Europe. Un message assurant que l’usage de la force et des armes n’avait jamais rien réglé et demandant le dialogue au gouvernement espagnol.

Un vœu qui pour le moment semble pieu, tant les déclarations du gouvernement de Mariano Rajoy sont empreintes de fermeture et de dureté, concernant notamment la politique pénitentiaire et la situation des prisonniers basques. Quant au gouvernement français, aucune réaction officielle n’a été réalisée en tant que telle, sauf la réaction de la ministre des Affaires étrangères en voyage à Madrid. Notre rédaction a formulé plusieurs demandes mais n’a pas obtenu de réponses.

"Les conséquences" de ce conflit ont été nommées durant cette journée internationale de Cambo : la situation de toutes les victimes sans exception et celle des prisonniers basques. Il est à souligner cependant que des pas ont été accomplis par le gouvernement français d’Emmanuel Macron concernant le rapprochement des prisonniers basques, douze ont été transférés ces derniers mois vers des établissements plus proches de leurs domiciles.

Par ailleurs, comme l’ont souligné durant cette journée internationale à Cambo le maire de Bayonne Jean-René Etchegaray (UDI) et la sénatrice Frédérique Espagnac (PS), le gouvernement Hollande a joué un rôle prépondérant lors du désarmement du 8 avril 2017 à Bayonne, permettant qu’il se déroule sans problèmes ou anicroche. Une attitude que d’aucuns interprètent dans cette opération comme un blanc-seing de la part de l’exécutif socialiste d’alors, le ministre de l’Intérieur et le Premier ministre s’étant même félicités publiquement du bon déroulement de cette opération ayant mobilisé des centaines de personnes de la société civile. Les institutions basques du sud s’étaient également impliquées même si beaucoup ont critiqué son manque de visibilité.

Rôle moteur de la population

Une opération qui certes démontre le rôle indéniable des politiques dans cette affaire et plus largement dans la résolution de conflits, quels qu’ils soient. Cependant la volonté politique qui en découle émane bien de la société civile, expression galvaudée s’il en est, mais qui pointe tout simplement du doigt la nécessaire implication des populations, si existe réellement un désir de vivre-ensemble. Les intervenants à cette journée internationale de Cambo l’ont souligné : particulièrement Michel Camdessus, indiquant que ce n’était pas les diplomates, politiques ou médiateurs, qui installeraient une véritable paix et "la joie de vivre ensemble", mais bien les habitants de ce pays.

Et de fait, des expériences ont lieu en Pays Basque Sud afin de panser les plaies entre les différentes victimes de ce conflit. Des expériences se déroulant à Beasain, Elgoibar ou Errenteria, cette ville étant pionnière en la matière. Expériences où les personnes victimes des deux côtés  apprennent à se connaître et à se parler. Et à concrètement vivre ensemble dans la même  communauté. Un travail réalisé quotidiennement à la base, certes chapeauté par les municipalités, mais s’ancrant dans la vie de tous les jours et non dans les discours politiques.

Pour que cette mobilisation des habitants soit effective et efficace, tous s’accordent à dire qu’un travail de mémoire est absolument nécessaire. Un travail sans tabou consistant à savoir ce qui s’est réellement passé de part et d’autre, et ce qui fut injuste durant ces 60 dernières années. Et pour cela aussi, l’implication civile est primordiale. Il existe une commission au Parlement de la Communauté autonome basque intitulée "pour la paix et le vivre-ensemble" tentant d’analyser et relater les faits, en recherchant la concorde entre les divers protagonistes. Il est encore tôt pour mesurer ses effets.

Ce travail de mémoire a débouché dans d’autres pays sur la création de commissions vérité et justice, avec ensuite la volonté politique de poser les bases d'une justice transitionnelle. 
Au Pays Basque, de telles initiatives surgiront sans nul doute, au vu de la nouvelle situation engendrée par la fin d’ETA. Si tel est le souhait de la société civile.