Chloé Rébillard

Bio et local, les cantines au défi de leur approvisionnement

De plus en plus de restaurations collectives se posent la question de leur approvisionnement et tentent de se mettre aux circuits courts et bio. Au Pays Basque Nord, le lycée de Navarre à Saint-Jean-Pied-de-Port a été précurseur, suivi depuis par d’autres établissements.

De plus en plus de cantines tentent de s'approvisionner en bio et en local. © PXhere
De plus en plus de cantines tentent de s'approvisionner en bio et en local. © PXhere

La cantine qui sert les écoles de Macaye et Mendionde vient d’entrer dans la démarche : au Pays Basque Nord, de nouveaux venus veulent mettre du bio et des circuits courts dans les assiettes, rejoignant les rangs d’établissements déjà impliqués dans cette démarche qui séduit de plus en plus.

Au niveau de la législation française, l’article de la loi Egalité et citoyenneté de fin 2016 qui obligeait les cantines scolaires à servir au moins 20 % de bio et 40 % de local, a été censuré par le Conseil Constitutionnel début 2017 pour vice de forme. Néanmoins, le bio et local a trouvé d’autres formes pour se glisser dans les assiettes de la restauration collective. Le département des Pyrénées-Atlantiques, en charge des collèges, s’est engagé dans la démarche "Manger Bio et local, labels et terroirs" qui permet de valoriser l’intégration d’aliments bio et locaux dans les lieux de restauration collective.

L’article de loi censuré pourrait renaître de ses cendres puisqu’il est prévu de le remettre au goût du jour dans le cadre du projet de loi sur l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. Les amendements proposés instaureraient, s’ils sont votés, des paliers de 50 % de local obligatoire et de 20 % de bio.

Au Pays Basque Nord, le lycée Navarre de Saint-Jean-Pied-de-Port est engagé depuis 15 ans dans le processus. Pour le chef cuisinier, Franck Cadoret, c’était une évidence  : "nous avions de bons produits à portée de main, pourquoi ne pas s’en servir ?" Depuis, d’autres ont suivi et sont venus s’inspirer de cette initiative : "certains sont venus nous voir pour savoir comment on faisait, mais on a été les premiers" revendique F.Cadoret.

Une démarche recherchée par les collectivités

Même démarche dans la cuisine flambant neuve Bertakoa qui jouxte le lycée Bernat Etxepare de Seaska à Bayonne. Ici, on travaille avec des produits frais, locaux de préférence et bio quand les tarifs le permettent. Nelly Veuillens, la diéteticienne du projet, présente les locaux : une cuisine, des chambres froides avec des plaquettes "beurre des Aldudes" entreposées sur les étagères, des points de livraison et… une salle d’ouverture des conserves. Elle explique la fonction de cette dernière salle en souriant : "on l’a construite car c’est obligatoire en restauration collective, mais on ne s’en sert pas beaucoup car on travaille presque exclusivement avec des produits frais."

Signe que les temps changent en restauration collective et que ce type de démarche est recherchée, cette toute nouvelle cuisine construite en même temps que le lycée a remporté tous les appels d’offres auxquels elle s’est présentée. Outre le lycée, ils cuisinent pour des ikastola, des cantines de mairies, des écoles publiques, des collèges, des centres de loisirs. Hors vacances scolaires, ce sont plus de 2 000 repas qui sortent quotidiennement des fourneaux. L’année prochaine, de nouvelles ikastola devraient s’approvisionner auprès de la cuisine Bertakoa.

La question de l’approvisionnement

Si la démarche séduit les collectivités et est de plus en plus recherchée par les parents d’élèves, il faut aussi séduire les producteurs et les amener à travailler avec la restauration collective. Fabrice Berlingieri, responsable de la restauration de la cuisine, a dû se poser la question de l’approvisionnement : "nous sommes le pont qui relie les producteurs et les élèves, nous devons être en dialogue avec les deux côtés". Pour certains produits, les fournisseurs ne manquent pas. Au Pays Basque, la question des produits laitiers a été simple à résoudre : beurre des Aldudes, fromages de Musculdy, yahourts de chez Beroko... Nelly Veuillens le confirme : "ce sont des produits très simples à trouver en local et en bio". La viande aussi se trouve assez facilement, mais la question pour cette entreprise est celle du tarif : "contrairement aux cantines publiques, nous devons nous poser la question, si ce n’est de la rentabilité, au moins de l’équilibre des finances".

Le choix est de faire passer le local avant le bio : "on préfère faire de la viande et des légumes en agriculture raisonnée locale, que de faire venir du bio de Chine". La question des légumes pose d’autres problématiques. Les aléas climatiques peuvent jouer des tours. Franck Cadoret explique : "en ce moment, les intempéries font que les maraîchers ont peu de légumes à proposer, ce qui est problématique pour de la restauration collective".

Pour d’autres produits, la question n’a pas encore trouvé de solution car ils ne sont pas présents dans les circuits courts : "pour tout ce qui est riz, pâtes, céréales, lentilles, c’est compliqué, on ne trouve pas ici. Et certaines fois, on sert du poisson pané ou des cordons bleus. Mais en poisson, j’essaie toujours de travailler avec du frais" explique Franck Cadoret.

La cuisine Bertakoa a quant à elle signé une charte avec Euskal Herriko Laborantza Ganbara : elle s’est engagée à fournir la liste de ses approvisionnements afin que la chambre d’agriculture basque fasse un audit sur le pourcentage de local et de bio. Après un an d’existence, l’audit devrait être réalisé à la fin de l’année scolaire et pourra mettre en évidence les marges de manœuvre dont dispose la cuisine pour améliorer son approvisionnement.