Béatrice MOLLE-HARAN

Au-delà d’un jugement inique la nécessaire recherche de paix

Sur la foi des seuls témoignages de ces deux gardes civils et de leurs compagnes, huit jeunes gens ont été arrêtés et risquent entre 12 et 50 années de prison.

Béatrice Molle-Haran. © DR
Béatrice Molle-Haran. © DR

Le procès de huit jeunes d’Altsasu qui se déroule devant l’Audiencia nacional à Madrid accusés de délit de terrorisme suscite de nombreuses réactions. Rappel des faits : ces huit jeunes gens âges de moins de 24 ans sont accusés de s’être battus avec deux gardes civils, qui n’étaient pas en service, dans un pub d’Altsasu en fin de nuit, lors des fêtes de cette localité navarraise de 7 000 habitants. Bilan de la bagarre : une fracture de la cheville pour un garde civil.

Sur la foi des seuls témoignages de ces deux gardes civils et de leurs compagnes, huit jeunes gens ont été arrêtés et risquent entre 12 et 50 années de prison. Trois d’entre eux sont en prison préventive depuis plus de 500 jours. La polémique vient du fait que ces jeunes gens comparaissent pour délit de terrorisme et non pour des faits de droit commun, ce qui reste encore à prouver. 50 000 personnes ont manifesté à Iruñea le week-end dernier pour dénoncer cet état de fait. Le gouvernement de Navarre, la mairie d’Iruñea, l’ensemble des forces politiques sauf le PP et le PSN, les ex-lehendakari Ibarretxe et Garaikoetxea ainsi que le lehendakari Urkullu dénoncent la qualification de ces actes en délit de terrorisme, en apportant leur soutien pour certains aux policiers attaqués. Aucun témoignage ou preuve attestant de l’absence de certains jeunes accusés au moment des faits présentés par la défense n’a été accepté par le tribunal.

Le propre juge Baltasar Garzon peu suspect de sympathies envers la problématique basque a signé une tribune incendiaire dans El Pais (édition du 17 avril) dénonçant ce procès qu’il considère inique et la qualification juridique erronée de ces actes, décrédibilisant la Justice. Le juge espagnol remet également en question le fait que la présidence de l’Audiencia nacional est occupée pour ce procès par une magistrate épouse d’un garde civil. Et fustige l’accusation fallacieuse, selon lui, actant que ce fait divers soit associé au mouvement Ospa, dénonçant la présence policière espagnole en Navarre.

Au-delà des faits qui se passent de commentaires se pose la question de la sortie de conflit et de la volonté de la justice espagnole d’évoluer ou non vers un climat plus serein pour retrouver un vivre ensemble nécessaire. Rappelons qu’en février dernier, le Parlement basque a voté, toutes forces politiques confondues, sauf le PP, une loi sur la mémoire historique. Une loi prenant en compte les victimes du franquisme (1936-1978) ainsi que celles du conflit basque jusqu'à 2011. Et rappelons aussi, qu’un rapport de l’Université publique du Pays Basque fait état de 4 000 cas de tortures sur une période allant de 1960 à 2014, tortures pratiquées en grande majorité par la police espagnole. Il est à noter que cette qualification de délit de terrorisme dans le cas de ce procès fait suite à une plainte de l’association de victimes Covite allant dans ce sens.

Les blessures et les souffrances engendrées par le franquisme et le conflit basque sont légion. Et à l’orée de la disparition d’ETA, ce procès aux relents de vengeance d’un autre temps ne rend service à personne.

A aucune victime, d’où que vienne sa souffrance.

Plus que jamais la mémoire oui, la haine non. Que vienne le temps de la mesure, de la rationalité et de la nuance. Et que cesse l’instrumentalisation des victimes qui méritent respect et paix.